AAG : « Nous avons surstocké pour pallier les carences de fournisseurs »

Muriel Blancheton
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Surstockage chronique, reprise des acquisitions, virage digital et anticipations des ruptures d’approvisionnement : Franck Baduel détaille la feuille de route européenne d’AAG.

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Un petit tour d’horizon de l’année écoulée en termes de chiffre d’affaires, d’implantations et d’acquisitions ?

Franck Baduel : Nous sommes présents dans sept pays avec 2,5 Md€ de CA* environ, soit 16 % de croissance, dont 12 % organique. Nous totalisons 900 M€ en France (+ 12 %), 850 M€ au Royaume-Uni (+ 20 %), 400 M€ en Allemagne (+ 4 %) et 350 M€ aux Pays-Bas (+ 20 % en comptant la Belgique). Nous ne comptabilisons pas la Pologne car nous sommes en flux direct là-bas. Certains pays ont mieux traversé l’épisode 2020, comme les Pays-Bas ou l’Allemagne. Mais ce fut une année tellement disruptive que nous avons mis entre parenthèses nos investissements pour les reprendre en 2021. Dans 90 % des cas, nous rachetons des distributeurs adhérents de nos réseaux. Nous détenons ainsi 700 points de vente en propre sur 2 500. Et comme il y a toujours des vendeurs, le réservoir potentiel est quasi inépuisable. Notre approche est toujours sélective. Nous avons ainsi finalisé quinze acquisitions cette année, dont deux assez stratégiques avec JNS en Irlande du Nord et du Sud (35 M€ de CA), afin d’y renforcer notre outil logistique sur place. Et Winparts aux Pays-Bas, une plateforme digitale qui réalise 35 M€ de CA et revendique quinze ans d’ancienneté. Son fonctionnement est comparable à Autodoc, Mister-Auto ou Oscaro. Une petite plateforme comparée à ces derniers, mais son potentiel est énorme.

* Données hors flux direct des fournisseurs vers les indépendants (3 Md€ au cumul).

AAG prend donc le virage digital ?

F. B. : Cette acquisition est stratégique dans la mesure où il s’agit d’amorcer un développement online en BtoC plus puissant. Nous travaillons d’ailleurs sur le déploiement effectif de Winparts d’ici 2024 dans chaque pays où AAG est présent. Parallèlement, nous avons également monté une équipe digitale dédiée au BtoB, toujours aux Pays-Bas, mais déconnectée de Winparts. Nos centres d’expertise sont répartis en Europe. Le digital et la logistique sont ainsi centralisés aux Pays-Bas.

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Avez-vous surgonflé vos stocks du fait de la pénurie ?

F. B. : Nous les avions massivement augmentés depuis deux ans de plusieurs dizaines de millions d’euros, notamment avec nos fournisseurs premium. D’une part pour lancer NAPA dans tous les pays, et ensuite pour nous prémunir de carences éventuelles, notamment chez certains équipementiers chroniquement voire structurellement défaillants même hors Covid. Je dois dire que nous avons eu « le nez creux », car nous avons pris cette décision avant même la pénurie en composants, les fermetures d’usines, les livraisons chaotiques et les coûts de transport en surchauffe. Cette anticipation est venue pallier une situation tendue avec des taux de service fragilisés. Bien souvent, nos partenaires ont trouvé des solutions alternatives. Dans quelques cas critiques, nous avons trouvé des palliatifs vers d’autres concurrents. Et encore actuellement, certains fournisseurs ne peuvent pas donner de délais acceptables, mêmes approximatifs. Dans ce cas, nous prenons des options alternatives durables, mais jamais de second rang !

Pas de remise en cause de vos projets au vu du contexte ?

F. B. : Absolument pas. Nous avons simplement gelé pendant un an notre croissance externe. L’urgence de la situation nous a obligés à être agile pour prendre des décisions rapides. C’est tout. Nous déroulons notre feuille de route NAPA en tant que marque privée européenne (sept à vingt lignes de produits selon les pays). Nous devrions clôturer 2021 avec un CA de 150 M€ (37 M€ en 2020), mais avec un objectif de doubler ce chiffre dans deux ans.

On dit que la gestion des flottes est le sujet dominant…

F. B. : C’est l’un des sujets émergents car ce sont de nouveaux clients à adresser, avec des parcs importants à gérer, mais il fait partie d’un écosystème plus global : financeurs, assisteurs, assureurs, réparateurs agréés. À l’échelle mondiale, nous injectons dans nos réseaux les outils dont ils ont besoin pour monter en qualité, être certifiés hybride et électrique, formés, digitalisés… Nos collègues espagnols par exemple ont de solides contrats avec des apporteurs qui alimentent au quotidien les Top Garage locaux. Les ateliers doivent réaliser que ce n’est pas un business anecdotique.

Parlez-nous du concept Nexdrive ?

F. B. : C’est notre fil conducteur pour la montée en gamme de nos réseaux de réparation en matière d’électrification full et hybride. Nexdrive est un programme déjà lancé aux Pays-Bas et en Allemagne. Il le sera en France et au Royaume-Uni en 2022. Au menu : la certification, la formation, la recharge et l’approvisionnement des pièces électriques disponibles sachant que sur un parc roulant de 1,7 million de véhicules électriques, la notion de fast-mover change. Il faut également prendre en compte le taux de défaillance des pièces. Une grande inconnue aussi bien en OE qu’en IAM. Il ne faut pas anticiper une baisse drastique des entrées atelier en 2030, comme certains le prédisent. Il y a une grande différence entre baisse des entrées et baisse de la valeur facturée.

Comment se projeter dans une période d’inflation galopante ?

F. B. : L’inflation demeure vertueuse… jusqu’au niveau d’acceptation du client final !

Les équipementiers ont en effet annoncé des hausses de tarifs supérieures à la moyenne historique du marché. Les États-Unis sont beaucoup plus impactés que l’Europe, comme les fournisseurs de lubrifiants et de composants liés au pétrole. Si nous sommes encore dans des zones « répercutables » auprès du consommateur, nous atteignons les limites de l’acceptable avec des salaires qui ne vont pas augmenter en proportion, sans compter l’inflation des prix de l’énergie. En 2022, nous anticipons une répercussion en France de cette inflation jusqu’à 2 %, mais cela dépendra également des prix de l’énergie et du carburant. Malheureusement, personne n’a de boule de cristal. l

m.blancheton@zepros.fr

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