Verrouillage constructeur : la FNA tire la sonnette d’alarme

Jérémie Morvan
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Devoir se connecter sur le site constructeur pour une simple remise à zéro après une opération de vidange : une situation ubuesque rencontrée par des réparateurs pour certains véhicules. La Fédération nationale de l'artisanat automobile en appelle à la mobilisation des pros.
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Renault Clio 5, Golf 8, Mercedes Classe E, Fiat 500 : pour ces véhicules – et la liste pourrait s'allonger – la remise à zéro de l’indicateur de maintenance nécessite de se connecter à la plateforme web du constructeur via son outil de diagnostic, d’avoir une sorte d’autorisation d’intervenir sur le véhicule, puis seulement l’intervenant a la capacité de réaliser l’opération. Opération encore faisable «manuellement» sur les anciennes générations.

Exemple issu du terrain mis en avant par la FNA : la Fiat 500 affiche «pollution huile moteur» alors que la vidange vient d’être réalisée. Pour la remise à zéro, le réparateur indépendant doit au préalable : créer son compte sur le site du constructeur, avoir un appareil de diagnostic dont le fabricant a développé la fonctionnalité propre au modèle du véhicule concerné et créditer financièrement le compte pour payer chaque opération.

Des réparateurs «infantilisés» et «sous tutelle» ?

La FNA hausse le ton : «On n’est pas là dans une opération nécessitant des reprogrammations complexes, mais sur de l’intervention simple que les réparateurs font tous les jours. Cela devient démesuré et nous sommes loin des impératifs de sécurité que les constructeurs brandissent en permanence pour justifier leur mainmise sur le système. Cette dérive est inquiétante. Car si elle ne touche pour l’instant qu’un petit nombre de véhicules, à plus long terme, cela veut dire une maîtrise complète par le constructeur. Il faut que les professionnels s’emparent du sujet», s’agace Aliou Sow, délégué général de la FNA.

Pour la fédération, cette dérive «traduit une atteinte grave à la concurrence, quand on sait que le constructeur est en même temps un concurrent direct des réparateurs indépendants». Car, rappelle Aliou Saw, les fabricants d’outils de diagnostic multimarque ont besoin de temps (deux ans) pour intégrer la fonctionnalité propre à la marque du constructeur, voire au modèle considéré. Autre point soulevé par la FNA : est-ce au constructeur de s’assurer de la qualité de professionnel de celui qui intervient sur un véhicule, et donc lui autoriser l’accès à des fonctions simples, même pour des opérations sans lien avec la sécurité du véhicule ?

La réglementation européenne montrée du doigt

En clair, les réparateurs sont sous surveillance, doivent montrer patte blanche… et payer «sans être sûr in fine d’avoir accès à l’information nécessaire, car aucun contrôle n’est effectué pour vérifier que les constructeurs remplissent bien leur obligation de rendre disponibles les données en totalité, sans délais et sans discrimination tarifaire». La FNA s’inquiète d’autant plus que Bruxelles veut sortir un règlement pour l’accès aux données de sécurité, autrement plus sensible, et que les ébauches de textes semblent aller dans ce cadre vers une obligation d’agrément des réparateurs.

«Nous ne sommes pas contre un encadrement, mais là ça va trop loin. D’autant que l’eCall commence à monter en puissance, ce qui donne encore une maîtrise des données par les constructeurs. Toutes ces restrictions mises bout à bout sont très inquiétantes pour l’avenir, si on ne fait rien.» Et en définitive, c’est toute la chaîne des opérateurs indépendants qui est impactée : artisans de l’automobile, éditeurs de logiciels, fabricants d’outils de diagnostic.

Caroline Ridet

 

Jérémie Morvan
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