Procès Bosch / Oscaro (suite): comment la Cour d’appel a débouté Bosch et consacré Oscaro…
Bosch est probablement déçu : son appel contre Oscaro n’a fait que confirmer le jugement de première instance qui n’avait déjà pas produit les effets qu’il escomptait. Bosch avait, on s'en souvient, raté son coup puisqu’il avait été débouté, condamné aux dépens et au paiement à Oscaro de la somme, symbolique pour lui mais douloureuse pour l’orgueil, de 5 000 euros. En face, Oscaro était sorti intact et blanc comme neige, mais il avait été débouté de sa contre-attaque en «demande de déchéance de marque verbale», décision logique puisque cela serait revenu à empêcher l'équipementier de protéger le mot «Bosch». Le site de vente en ligne restait aussi sous la menace d’une demande en concurrence déloyale de Bosch France, considérée comme recevable par les juges de première instance…
Bis repetita donc : la Cour d’appel a globalement confirmé cette première décision, l’assortissant cette fois d’une condamnation à verser 30 000 euros à Oscaro.com. Cette plaie d’argent n’est toujours pas mortelle pour le gigantesque groupe qu’est Bosch. Mais en s'infectant ainsi, elle confirme que la voie judiciaire qu’avait ouverte l’équipementier contre Oscaro se referme pour le moins brutalement.
Les motifs et raisons de la procédure initiale de Bosch, on les connaît : «Nous attaquons Oscaro en justice pour usage frauduleux de notre marque», nous confirmait mi-décembre 2010 Thierry Leblanc, le patron France de Bosch Aftermarket, quand Bosch décidait de presser sur le bouton judiciaire. La raison : une campagne publicitaire du site avait agacé Bosch France comme Bosch Monde en s’appuyant nettement sur la marque, à grand renfort de remises spectaculaires. Cela nuisait selon l’équipementier au positionnement de la marque, voire à celui de la myriade de familles de produits proposées par Bosch, de l’auto à l’électro-ménager.
Parallèlement, Bosch «auto» acceptait mal que des produits techniques puissent être ainsi bradés. En termes de prix, peut-être, en termes de “geste techniques” ensuite : vendus en ligne, sans l’accompagnement d’une pose “professionnelle”, les risques de dysfonctionnement pour des produits “technos” s’accroissent nécessairement et avec eux, le risque de voir imputées ces défaillances au seul produit acheté en ligne.
En termes de stratégie politico-commerciale surtout. Car il ne faut pas occulter le contexte de l'époque : la colère des distributeurs traditionnels et leur incompréhension en voyant toute la gamme Bosch proposée à vil prix sur internet...
Les principaux arguments réfutés
En appel, Bosch a logiquement maintenu son argumentation initiale : est selon lui assimilable à une contrefaçon la reproduction massive, sur le site Oscaro, des marques et logos de l'équipementier, en arguant notamment de l'article L.713-4 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel «la faculté reste ouverte au propriétaire [des marques] de s'opposer à tout nouvel acte de commercialisation s'il justifie de motifs légitimes, tenant notamment à la modification ou à l'altération, ultérieurement intervenue, de l'état des produits».
Dans le cas de la campagne publicitaire d'Oscaro, Bosch considérait que «la reproduction massive de ses marques dès la page d'accueil et sur l'ensemble des pages du site internet [...] ajoutée à l'utilisation répétée et démultipliée de la référence "BOSCH" dans les slogans publicitaires [...] excède les limités d'un usage nécessaire et légitime de la marque par le revendeur [...] et tend à faire croire à tort au consommateur à l'existence d'un lien commercial avec la société Robert Bosch GMBH titulaire de la marque». C'était justement là l'autre objet de la colère de Bosch : en s'approvisionnant sur les plateformes de distribution de pièces, Oscaro se fournissait –et se fournit toujours– librement en donnant ainsi l'impression d'être avalisé en tout (en termes de communication, de produits, de prix et de message) par l'équipementier.
Mais force est de constater que tous les arguments déployés par Bosch ont été retoqués en appel (voir les attendus du jugement en cliquant ici ou sur l’image ci-dessus).
Logiquement, Bosch va maintenant étudier l’éventualité d’un pourvoi en Cassation. Encore faudra-t-il que ses juristes trouvent, dans la décision d’appel, un motif de forme juridique qui puisse le justifier : le rôle de la cour de Cassation se “limite” à dire le Droit, c'est-à-dire à constater qu’il a été ou non correctement appliqué par la juridiction d’appel.
Pour l’heure, l’équipementier n’a pas encore pris sa décision…