EXCLUSIF – Pièces plus ou moins rénovées: Bosch menace ICR Auto!

Jérémie Morvan
Image
Nous l’annoncions en "dernière minute" dans un article consacré à la pièce de réemploi dans la newsletter de la semaine dernière («Pièces de réemploi : un avenir radieux !») : les alternatives aux pièces neuves -échange standard, échange réparation et/ou pièce de réemploi- étant de plus en plus demandées, il apparaît que certains indélicats surfent sur cette vague en mélangeant un peu (trop) les genres. En clair, en mentant sur la qualité de la pièce et, in fine, en engageant indirectement le nom du fabricant de la pièce en question. Voilà donc la suite de l'histoire, qui oppose en fait Bosch à ICR Auto, spécialiste de l'injection diesel...
Partager sur
lecteur 110Bosch a récemment mis en demeure ICR Auto, une entreprise proposant sur son site marchand (ainsi que sur la place de marché Le Bon Coin) des injecteurs prétendument rénovés selon les process du fabricant, de cesser la vente des produits à sa marque : la société vendrait des injecteurs a priori rénovés selon les standards de l’équipementier mais qui s’avèreraient n'être que des pièces d'occasion réemballées. «Objet : informations mensongères contenues sur le site http://www.injecteur-diesel.com». Telle est l’entête de la lettre envoyée le 16 juin dernier par Bosch Automotive Aftermarket à ICR Auto. Il s’agit d’ailleurs de la seconde mise en demeure envoyée à ICR Auto par l’équipementier ; la première, en date du 15 mai, est visiblement restée sans suite…Transmis également à la Feda, ce courrier n’y va pas par quatre chemins : Bosch lui intime l’ordre de retirer immédiatement les produits vendus sous sa marque et ce, dans les plus brefs délais. Sous peine de saisir la juridiction compétente, au regard de la tromperie envers les clients du site : les pièces de rechange vendues sont selon Bosch des pièces de réemploi à peine retouchées, alors qu'ICR Auto prétend qu’il s’agit de pièces de rechange remanufacturées…
Une poule aux œufs d’or ?
Au regard du prix des pièces neuves, notamment les pièces dites “techniques”, une offre particulièrement riche s’est en effet développée en matière d’échange standard ainsi qu’en échange réparation. Elle se développe aussi depuis plus récemment en matière de pièce de réemploi (voir «Pièce de réemploi : un avenir radieux») et «ANALYSE - Pièce de réemploi : quand la Sferen trace la voie de l’avenir…»).Si les équipementiers ont longtemps soutenu que la réparation de pièces techniques –injecteurs, pompes, turbos, etc.– était quasi-impossible, tous sont revenus sur leur position face à la demande croissante du marché. Prenons l’exemple des injecteurs common rail. Bosch, Delphi, Denso ou Siemens, les équipementiers de rang 1, ont tous mis en place des process de réparation aujourd’hui effectuée chez des grands noms du Diesel, Niort Frères ou IDLP par exemple. Disposant en interne d’un équipement de pointe pour les tests et la rénovation des produits, ils ont également investi massivement en formation pour disposer des compétences nécessaires à ces opérations pointues. Car ces pièces de rechange, à la valeur unitaire particulièrement élevée et ce, d’autant qu’elles sont en général remplacées à un stade du cycle de vie du véhicule où sa valeur vénale a déjà significativement baissé, subissent toute une batterie de tests, voient certains de leurs composants remplacés durant ces process de rénovation particulièrement strictes.
Désinformation
Et force est de constater que certains ne se plient pas vraiment aux mêmes règles. Car le site d'ICR Auto, annonçant que «ces produits sont en parfait état de fonctionnement», et que «la réparation est effectuée suivant les recommandations du fabricant», semble pourtant mélanger allègrement les genres : en cliquant sur l’onglet “échange standard”, l’offre présentée sur la page concerne –au moins pour partie– de l’échange réparation. Or, dans le premier cas, la pièce est rénovée en interne par le fabricant (ou un sous-traitant dûment contrôlé) sur des sites de rénovation appliquant des process industriels particulièrement strictes ; dans le second, le process de réparation est identique (ou quasi), mais effectué à un échelon local (régional) par des équipes techniques labellisées par le fabricant du produit.Ce qui pourrait sembler une simple argutie sémantique prend tout son sens lorsque l’on évoque le prix des pièces. Sur une base 100 pour un injecteur neuf, l’échange standard se positionnera en général 30% moins cher, tandis que l’échange réparation, évitant le circuit long de remontée de vieille matière jusqu’à l’usine de remanufacturing, se situera 50% moins cher environ que la pièce neuve.Ce flou déjà artistique pour un professionnel averti est évidemment encore moins décelable par le consommateur particulier, qui pense faire une bonne affaire (le site annonce d’ailleurs sur sa page d'accueil «des prix cassés toute l’année»)…
Injecteurs à peine nettoyés…
En l’espèce, ICR Auto tente de faire passer pour des injecteurs common rail en échange standard des pièces de réemploi tout bonnement prélevées sur un véhicule, visiblement remballées et n’ayant fait l’objet de presque aucune rénovation. Car dans sa mise en demeure, Bosch mentionne deux références achetées sur le site web (porte-injecteurs références 0445 110 110 et 0 445 110 076. Après analyses minutieuses (d’ailleurs corroborées par Niort Frères (Autoditribution) et IDLP (Precisium Groupe), le constat est sans appel : «les expertises menées tant par nos équipes techniques que par des tiers qualifiés (IDLP et Niort Frères) ont souligné que les injecteurs de marque Bosch n’avaient pas été réparés selon les règles de l’art».Petit florilège : «le résultat de cet examen atteste du non-respect total de la procédure et du savoir-faire Bosch. Des traces d’usure et de calamine, décelées en plusieurs endroits lors du démontage du porte-injecteur permettent de conclure sans contestation possible qu’il avait été monté sur un véhicule». Ou encore : «Il apparaît que ces injecteurs, conditionnés dans des sacs plastiques ordinaires, n’ont pas été réparés tel que nous, Bosch en notre qualité d’équipementier fabricant, le préconisons (protocole de contrôle de banc Bosch EPS200)». Pire : «Les pièces ne sont ni remplacées ni nettoyées (traces de calamines visibles entre le nez et le raccord, traces de corrosion, raccord HP encrassé par des salissures moteur, alors même que le site indique un "nettoyage minutieux")».Ultimes preuve que les pièces en question n’ont pas été rénovées selon le protocole de l’équipementier allemand : «Lors du démontage complet de la pièce, il apparaît qu’aucun des quatre écrous n’a été remplacé, allant à l’encontre des engagements pris sur le site. Les nez d’injecteurs contrôlés ne sont pas neufs tandis qu’aucune goupille n’a été changée. L’examen souligne que la liste des pièces à remplacer obligatoirement n’a pas été respectée». En outre, «le contrôle avec classes sur banc EPS815 montre que le débit "VE" des injecteurs est trop fort et hors tolérance». Résultat : «L’usure des pièces internes de ces injecteurs peut entraîner des dysfonctionnements importants et même entraîner des dégradations moteur»…Parce que ce non-respect du protocole de rénovation, pourtant revendiqué par le site internet, s’avère donc une pratique trompeuse à l’égard des clients, Bosch somme ICR Auto de retirer sans délai les produits à sa marque (dans les 30 jours), car le distributeur engage le nom de l’équipementier et «trompe le consommateur (professionnel comme particulier) en offrant des produits de qualité inférieure à ce que les clients sont en droit d’attendre lorsqu’il acquiert des produits d’origine Bosch», estime l’équipementier dans sa mise en demeure.Si les 30 jours mentionnés ne sont pas encore écoulés, la fin du délai approche. Or, à l’heure de boucler cet article, des injecteurs Bosch en «échange-standard» étaient en tout cas toujours visibles sur le site d’ICR Auto et Le bon Coin…
La Feda solidaire
«La position de la Feda est claire, déclare Yves Riou, secrétaire général de la Feda : chaque fois que l'on cherche à faire de l'argent en mettant en avant un grand nom de l'industrie automobile au mépris des règles de qualité et d'information des consommateurs, nous sommes solidaires des actions intentées contre eux. Cela s'apparente à une forme de "parasitisme économique" qui doit cesser !» Cette position tranchée de la distribution est somme toute logique : «C'est l'ensemble de la filière indépendante qui est menacée par ces mauvaises pratiques, poursuit-il ; elles portent atteinte à l'équipementier qui voit son nom engagé sur la vente d'une de ses pièces alors qu'il n'a pas la main sur sa qualité, mais aussi à tous les réseaux de réparation, ces distributeurs-rénovateurs qui sont nos adhérents et qui ont beaucoup investi dans le matériel et la formation de leurs équipes pour effectuer des rénovations de qualité.» De la même manière, ces produits défectueux, donc polluants, vont à l'encontre de l'éco-entretien prôné depuis plusieurs années par la fédération, tout autant engagée sur la qualité des pièces commercialisées en France que sur la volonté de voir reconnaître une filière écologiquement responsable...Quant à la pièce de réemploi pure et dure, qui cherche elle aussi sa légitimité, elle se passerait tout aussi bien de telles pratiques...
Jérémie Morvan
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire