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<strong>Analyse</strong> – Revaloriser les taux horaires ? Évidemment…

Jean-Marc Pierret
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Faut-il augmenter les taux horaires de main d’œuvre ? Oui, surtout si le réparateur se forme et investit pour suivre les exigences technologiques d'une bonne réparation. Et surtout quand le prix des pièces, cet autre 50% d’une facturation atelier moyenne, est sous pression…
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C’est un appel que lancent de plus en plus de têtes de réseaux, de réparateurs indépendants et bien sûr de carrossiers : il faut re-va-lo-ri-ser les taux horaires ! Chiffres en main, c’est ce que vient d'ailleurs de réclamer Autodistribution à ses réparateurs-congressistes. Une étude interne a constaté un T1 à 52 euros en moyenne dans le réseau AD, alors même que la moyenne nationale des MRA est à 54 euros et celle des Agents (RA2), à 60 euros ! Le même souhait est en outre régulièrement formulé par tous les réseaux d’enseignes de groupements et d’ailleurs, par toutes les organisations professionnelles.

Deux raisons président à cette pressante préconisation. La première, c’est que le marché de la pièce qui pèse environ 50% d’une facturation atelier est sous pression. Entre les prix bas affichés par les sites grand public de ventes de pièces en ligne, les certitudes de l’Autorité de la concurrence sur la “cherté” desdites pièces et les associations de consommateurs qui les surveillent constamment, cette variable est plus ou moins “bloquée”. Son avenir est en outre incertain : toutes ces tensions menacent le protecteur référentiel prix constructeur, qui préserve encore le marché. Mais pour combien de temps ?

Financer la montée en gamme par les taux horaires

L’autre raison, c’est que les réparateurs indépendants sont dans une douloureuse “crise des ciseaux” : sur un marché baissier en volume mais à la technicité croissante, (voir «la révision s’est effondrée en 5 ans !»), il leur faut investir en moyens techniques, en formation, en outils de gestion pour rester au contact du marché tout en gagnant en productivité et en rentabilité. Il leur faut donc dégager plus de moyens pour affronter le paradoxe d'un marché en décroissance volumétrique mais en croissance technologique. Et le moyen-clé, c’est d’abord de mieux rétribuer l’heure de main d’œuvre pour redonner de l’air à des professionnels qui en manquent de plus en plus…

Mais par rapport à quoi ? Quand on compare ces 54 euros affichés par les MRA français aux taux constatés par le juge de paix qu’est l’INSEE, l’appel à l’augmentation des taux horaires semble éminemment justifié. En août dernier, notre institut national des statistiques constatait, pour la réparation mécanique, un taux horaire moyen TTC français de… 75,36 € TTC.

Ce taux est certes une moyenne mélangeant tous types de réparateurs (dont les RA1) consultés dans 96 agglomérations de plus de 2 000 habitants. Mais il vient conforter le conseil d’augmentation : avec 54 euros en moyenne, les MRA sont 40% sous cette moyenne nationale dite “de référence”. L’INSEE fera encore plus rêver (ou pleurer) nos amis carrossiers : ne s’intéressant apparemment qu’aux taux affichés, ses statisticiens trouvent un tarif moyen en réparation-collision de… 77,09 € TTC ! Nous leur conseillerons vivement d’appeler assureurs et plateformes de gestion de sinistres pour pondérer considérablement leur chimérique affirmation...

Taux horaires du plombier : comparaison n’est pas raison…

Autre argument régulièrement utilisé pour amener les réparateurs à se décomplexer en termes de taux de  main d’œuvre : la comparaison avec le taux d’autres métiers, comme ceux de plombier et d’électricien. C’est vrai que l’investissement du plombier est infiniment moindre que celui que doit consentir un réparateur lambda pour entretenir ou réparer correctement une automobile. Mais attention tout de même : selon l’INSEE toujours, le taux de main d’œuvre moyen d’un plombier était en août dernier relevé à 51,29 € TTC ; pour un électricien, c’est encore plus bas : 49,88 € TTC.

Pas de quoi donc crier au scandale, au vu des 77,06 € TTC de l’automobile selon l’INSEE, ou même des 54 € TTC relevés en moyenne chez un MRA. D’autant qu’un petit tour sur Internet permet de constater que pour le plombier ou l’électricien, on trouve assez facilement des taux à 30/35 € TTC de l’heure…

Mais si la comparaison est du coup incertaine avec un MRA, elle garde au moins tout son sens pour les carrossiers qui, à en croire les témoignages recueillis régulièrement sur notre site, sont parfois contraints de travailler entre 30 et 40 € de l’heure par les donneurs d’ordres (voir notamment «comment la “vraie-fausse” augmentation annuelle menace tous les pros») ! On frémit pour le pauvre plombier ou électricien qui doit lui aussi se soumettre parfois à des exigences drastiques en matière de réparation de sinistres : il tombe alors à 15/20 € de l'heure ?

Même si comparaison n’est donc pas nécessairement raison, le conseil d’augmenter le taux horaire n'en reste pas moins pertinent dans une France de la réparation indépendante assez timorée en la matière. Surtout si le réparateur se forme et investit : il faut bien répercuter, au moins en partie, les coûts induits par ces efforts d’adaptation aux exigences du marché, quitte à bien les mettre en scène auprès d’un consommateur qui ne sait a priori rien des efforts de son réparateur...Et si jamais le prix des pièces devait baisser sous la pression du marché, il faudra de toute façon le faire. Car la même règle est constatée partout en Europe : quand le prix de la pièce est élevé dans un pays, le taux de main d’œuvre y est bas ; mais quand le prix de la pièce est faible, le taux horaire est plus fort. Où qu'ils soient, les réparateurs doivent évidemment pouvoir gagner leur vie...
Jean-Marc Pierret
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