Faux VO/vrais VGE (suite) : M6 se penche sur les épaves roulantes

Romain Thirion
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Le lundi 3 avril dernier, M6 a rediffusé le numéro d’Enquête Exclusive du 27 novembre. Intitulé “Garagistes escrocs, experts véreux : le scandale des épaves roulantes”, le reportage suit l’enquête du groupe automobile de la Section de recherches de la Gendarmerie Nationale de Paris. Menés depuis près de trois ans, leurs travaux révèlent peu à peu l’ampleur d’un trafic ayant remis à la route entre 200 et 300 000 véhicules gravement endommagés.
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Il fallait jouer les couche-tard pour assister à la rediffusion, le 3 avril dernier sur M6, du numéro d’Enquête Exclusive du 27 novembre 2016 intitulé “Garagistes escrocs, experts véreux : le scandale des épaves roulantes”. Mais dix semaines après que L’Argus de l’Assurance a révélé l’existence d’une deuxième affaire de faux VO/vrais VGE, une telle rediffusion s’imposait. Afin de continuer d’informer sur un scandale touchant potentiellement 200 à 300 000 véhicules… Et leurs propriétaires, souvent ignorants de la dangerosité de leurs automobiles.Le chiffre est évoqué par le procureur en charge du dossier ayant conduit le Tribunal de grande instance (TGI) d’Evry, le 7 décembre, à condamner un expert en automobile et un remorqueur à de la prison ferme. Et un réparateur à de la prison avec sursis, suite à un accident mortel provoqué par une Clio RS d’occasion classée en réalité VGE. Le véhicule, on le découvre devant les caméras de M6. Du moins ce qu’il en reste, après l’accident qui, début 2014, a coûté la vie à Maxime, passager de son ami Vivien, tout frais propriétaire de la Renault noire.
Atelier clandestin et faux rapport
Les reporters remontent donc le fil des responsabilités dans cette affaire, au plus près des enquêteurs de la Section de recherches de Paris. Où l’on découvre que la personne qui avait revendu le véhicule à Vivien était en réalité employée d’un garage francilien. L’homme s’était constitué un véritable atelier clandestin dans son propre garage, avec du matériel de soudure ancien impropre à une réparation dans les règles de l’art et dans le respect de la loi. On voit d’ailleurs l’homme affirmer devant les gendarmes qu’il ignorait l’interdiction de réparer ainsi un véhicule gravement endommagé.Mais ce réparateur du dimanche n’aurait rien pu revendre sans que l'expert n’ait accordé au véhicule classé VGE l’autorisation d’être remis en circulation. L’enquête se penche alors sur l’expert auteur du faux rapport de conformité, censé avoir validé les conditions de sécurité routière de la Clio. Un rapport que l’expert a réalisé sans jamais avoir vu le véhicule. Voilà qui a finalement tout de l’archétype d’arnaque aux VGE. Car elle nécessite forcément la complicité d’un réparateur escroc et d’un expert malhonnête.
Pas de faux VO/vrai VGE sans expert véreux
Les reporters se concentrent ensuite sur une automobiliste victime du scandale des 5 014 faux VO/vrais VGE. Contrainte par un courrier du Ministère de l’Intérieur, elle fait expertiser son véhicule par un expert dans un centre de contrôle technique. Et se voit alors signifier l’interdiction de circuler de sa Twingo, achetée peu kilométrée à bon prix à un homme qui ne lui a jamais dit que son véhicule avait déjà été accidenté des demi-trains avant gauche et droit. L’occasion pour les journalistes de rappeler qu’une telle situation ne pourrait être possible « sans la complicité d’experts véreux, attirés par l’argent facile ». On retrouve ensuite les gendarmes sur la piste d’experts en automobile suspects de remettre en circulation plusieurs centaines de VGE par an.L’un d’eux, suspecté d’en avoir autorisé 1 200 à reprendre la route en 2015, aurait dû, selon les enquêteurs, travailler 10 heures par jour, 365 jours par an, pour atteindre de telles statistiques. Au cours d’une perquisition à son domicile et suite à la participation d’un témoin clef, l’enquête nous apprend que l’expert suspect ne visitait jamais l’atelier pour inspecter les véhicules au moment d’établir ses rapports. « C’est de l’argent facile, confirme l’expert aux gendarmes. Vous n’avez pas trop de boulot et le lendemain, un gars vous dit que si tu travailles pour lui, il te donne 5 000 euros par mois : soyons honnêtes, je ne connais pas un mec en France qui dirait non. » Tout comme son confrère évoqué plus haut, l’expert est aujourd’hui frappé de l’interdiction d’exercer sa profession.
A la fois garagiste, expert et contrôleur technique
Si le manque de travail des experts sur un marché qui se concentre énormément peut s’expliquer par divers facteurs, rien n’oblige évidemment l’un d’entre eux à succomber à de telles pratiques. Des pratiques encouragées, d’après les reporters, par un puissant escroc. Un homme dirigeant à la fois un garage, un cabinet d’expertise et un centre de contrôle technique, sans être officiellement gérant d’aucune des trois entreprises, car ayant recours à des prête-noms. De quoi contourner aisément l’interdiction faite aux experts, réparateurs et contrôleurs techniques d’exercer simultanément les activités de l’un ou de l’autre.L’homme comptait également, pour son trafic, sur la complicité de particuliers qui acceptaient de faire démanteler leurs véhicules pour pièces. Véhicules que le professionnel faisait ensuite disparaître et que les propriétaires déclaraient volés pour escroquer leur assureur. Les perquisitions, filmées pour M6, conduisent les gendarmes à découvrir que l’homme aurait mené son trafic de faux VO/vrais VGE depuis cinq ans. A raison d’environ 1 500 véhicules par an, autour de 7 500 épaves roulantes auraient ainsi été remises en circulation en Île-de-France. Et probablement ailleurs en métropole. Au total, l’on apprend à la fin de l’enquête que les gendarmes ont saisi auprès de l’escroc plus d’1,5 million d’euros d’avoirs criminels.
Romain Thirion
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