Électrification des parcs : le monde avance, l’Europe recule
La route de l’électromobilité est bel et bien ouverte au niveau mondial. Sur 2025, les ventes de véhicules électriques devraient bondir de 21 %. Jusque-là suiveurs, les pays émergents ont été proactifs, quand les USA freinent et que l’Europe, pourtant très dynamique sur 2025, pourrait ralentir le mouvement avec la décision de la Commission européenne d’infléchir la trajectoire de décarbonation.
L’année 2025 se termine sur une belle dynamique du marché mondial des véhicules électriques qui devrait dépasser les 18,5 millions de ventes enregistrées en novembre. Ces volumes représentent une progression de 25 % par rapport à la même période en 2024. Ainsi, plus d’un quart des ventes totales mondiales de véhicules neufs concernent ces technologies électrifiées (BEV et PHEV). Jusque-là plutôt animé par la Chine et l’Europe, l’élan vers l’électrification des parcs s’est étendu à l’ensemble des régions. Ainsi, en 2025 dans trente-neuf pays, dont douze hors d’Europe, la part de marché des VE dépasse les 10 %. Il y a six ans, ce palier n’était dépassé que par quatre pays européens ! L’Asie s’affirme comme le continent le plus dynamique sur la transition. Avec un puissant moteur, la Chine, dont le taux de pénétration dépasse 50 %, pèse toujours près des deux tiers des ventes mondiales de véhicules électriques. Mais plus encore, une transformation radicale est en route chez ses voisins.
Les pays émergents à la manœuvre
Pays maintenant constructeur, le Vietnam a doublé sa pdm des VE depuis 2024 pour atteindre près de 40 % en 2025… quasi exclusivement en modèles VinFast ! La Thaïlande a franchi la barre des 20 % de pdm (vs 1 % en 2019). Et en Indonésie, dans le Top 10 des pays où les exportations chinoises explosent, la pénétration électrique a atteint la barre des 15 %. Résultat d’une politique gouvernementale de réduction de la TVA pour l’achat d’un VE ainsi que des droits de douane à l'importation pour les constructeurs s'engageant à ouvrir des sites de production dans le pays d'ici 2026. En revanche, l’électrification du parc auto risque d’être plus longue en Inde, pays du deux-roues – pénétration de moins de 3 % des ventes –, avec cependant un bond de 57 % des volumes de VE vendus entre 2024 et 2025. Certains pays d’Amérique latine affiche eux aussi une politique volontariste. Ainsi, la pénétration des ventes de VE a atteint les 27 % en 2025, 17 % au Costa Rica ; la Colombie et le Brésil passent la barre des 10 %. Et bien évidemment, les marques chinoises dominent sur ces pays qui ont représenté en 2025 des belles voies de croissance, dans un contexte d’exportations drastiquement réduites vers les États-Unis, avec quatre pays phares : le Brésil, le Mexique, les Émirats arabes unis et l'Indonésie. On peut également citer la Turquie qui a poussé sur les technologies électriques, notamment boostées par sa marque nationale Togg, avec une augmentation de 6 % des ventes en 2025 qui représentent 44 % des ventes totales. Là encore, on peut y voir l’effet de la “baguette magique” de l’initiative gouvernementale d’allégements fiscaux sur ce segment, avec dans le viseur l’espoir de concrétiser le projet d’installations industrielles sur le territoire du leader chinois BYD.
Électromobilité débranchée
Si les pays émergents sont offensifs pour rattraper leur retard sur l’électrification de leur parc, l’engouement est bien moindre chez ceux qualifiés de “développés”. Ainsi au Japon, pays de Toyota champion toutes catégories de l’hybride mais aussi des kei-cars, ses 3 % de pénétration des versions électriques ne décollent pas depuis 2019. Les États-Unis font à peine mieux avec une pénétration autour de 7 % (source : S&P Global) ; dynamique freinée par la fin du crédit d’impôt fédéral mais également par une politique “Trump” ouvertement anti-électrification et qui a revu à la baisse la norme CAFE… et donc réduit fortement les exigences de niveau requis de consommation moyenne de carburant.
Rétropédalage européen
Et puis il y a le cas Europe, qui accueille le champion de l’électromobilité avec la Norvège et ses 94 % de pénétration des VE dans ses ventes totales, suivie par ses voisins Danemark (64 %), Finlande et Suède autour des 35 %. Tandis qu’à l’autre bout du spectre, le sud et l’est de l’Europe affichent entre 5 et 8 %. Entre les deux, l’Allemagne et la France annoncent autour de 18 % de pénétration. Au total, on estime le marché européen à 3,8 millions de VE vendus sur les neuf premiers mois de 2025 pour une pénétration moyenne autour des 16 %. Une Europe des vingt-sept engagée dans une trajectoire volontariste de décarbornation… qui vient de revoir ses ambitions à la baisse et de reculer sur l’objectif de fin de production des véhicules à combustion thermique à l’horizon 2035.
Sous la pression conjointe de plusieurs États membres, au premier rang desquels l’Allemagne, et des industriels de l’automobile, Bruxelles propose d’assouplir l’objectif de zéro émission en permettant d’intégrer jusqu’à 10 % de véhicules thermiques ou hybrides dans les plans. Une décision pragmatique et salvatrice de l’industrie automobile européenne qui au moins desserre l’étau, d’autant que la Commission européenne affirme son soutien au “Made in Europe” via l’obligation de contenus locaux dans la production. Une flexibilité bienvenue pour offrir un délai supplémentaire aux constructeurs historiques, mais qui fait aussi prendre le risque de décrocher définitivement l’attelage industriel européen du train de l’électromobilité, qui quoi qu’on en dise va poursuivre sa route au niveau mondial.