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Faire de la contrainte un levier grâce à de l’accompagnement

, mis à jour le 02/12/2025 à 12h12
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Émilie Repusseau

Juriste de formation, passée par la défense des consommateurs, Émilie Repusseau a fait de la vulgarisation des règles et de l’accompagnement son fil rouge. À la FNA, elle s’investit auprès des élus et adhérents avec une boussole simple : rendre la règle compréhensible et praticable dans l’atelier et faire reconnaître les métiers des services de l’automobile. Elle raconte ici son parcours, ses combats pour la défense des métiers notamment du contrôle technique comme outil de prévention, et les défis qui attendent la filière.
 

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Quelles ont été les étapes clés de votre parcours professionnel qui vous ont amenée à occuper ce poste au sein de la FNA ?

J’ai fait mes études de droit à Rennes puis à Paris, avec une spécialisation en droit européen et droit de la consommation. Mon premier poste a été à la CLCV, une association nationale de défense des consommateurs. Je me suis retrouvée parachutée dans le Nord–Pas-de-Calais, une région magnifique et chaleureuse, avec pour mission de gérer le département consommation dans le Nord et d’accompagner les trente-deux associations locales notamment par de la formation. J’y ai vu de près les réalités du surendettement, les factures d’énergie impayées, les contrats incompréhensibles… Je passais avec une grande motivation, des heures en permanence à expliquer aux consommateurs et à leurs familles qu’elles avaient le droit de se défendre, qu’elles n’étaient pas condamnées d’avance face à un fournisseur d’énergie ou un établissement bancaire. Cette expérience m’a appris à vulgariser, à écouter et surtout à redonner confiance par de l’assistance calibrée. 


En 2011, je rejoins la FNA comme juriste généraliste au sein d’une équipe de 3 personnes. J’avais en charge toutes les demandes d’assistance juridique hormis le droit social et environnemental. C’était vaste : affichages obligatoires, conformité, litiges avec des clients particuliers ou professionnels. Je passais de l’assistance du consommateur à celle du chef d’entreprise, ce qui est bien différent.


« Un artisan, c’est celui qui ne compte pas ses heures, il est chef d’entreprise, RH, il est en lien avec le comptable, il prend tous les risques ! En fait, souvent il a appris un métier qu’il exerce avec excellence, mais pas à être chef d’entreprise. D’où l’importance pour nous à la FNA de les accompagner face au millefeuille réglementaire et de trouver des solutions, d’avancer avec eux en confiance. »


 J’avais également la responsabilité d’animer la défense à 360 degrés de deux métiers : les détaillants en carburants et les centres de contrôle technique, puis progressivement les autres en soutien. En 2014, on m’a confié la direction du service juridique. Nous avons eu à pied d’œuvre de renforcer l’information aux adhérents, relancer le suivi européen, et surtout à structurer le plaidoyer pour mieux faire connaître leurs métiers du grand public comme lors du long combat vers la reconnaissance du libre choix du réparateur. Aujourd’hui, comme Secrétaire générale adjointe, je pilote le service métiers, et accompagne les autres pôles de la fédération pour toujours répondre aux attentes des adhérents et des élus bénévoles engagés pour défendre leur profession. 
 

Quelles responsabilités principales vous sont confiées en tant que Secrétaire générale adjointe ?

Mon quotidien, c’est d’être à la fois un appui stratégique sur les actions à engager pour faire prendre en compte les besoins des entreprises de proximité lors des évolutions réglementaires qui les touchent. Les textes sont souvent complexes, techniques, voire illisibles. Aujourd’hui, les enjeux sont à la fois au niveau local, national et européen. Chaque échelon est important. 

Je n’ai pas eu à souffrir de remarques sexistes ou de freins explicites. Mais oui, la barre est haute. En tant que femme, on n’a pas le droit de bafouiller ou de donner l’impression d’hésiter. J’ai toujours veillé à arriver avec des dossiers béton, des exemples concrets, parfois collectés directement auprès d’adhérents que j’appelle en amont. Cela me donne une vision claire des situations vécues sur le terrain. Mais je souligne surtout le rôle de nos élus bénévoles. Nous travaillons en tandem avec beaucoup de respect et l’envie de faire avancer les dossiers. Ce climat de confiance est précieux. 

Quels sont les gros dossiers que vous avez eu à défendre auprès des instances au Sénat et ailleurs ? Quelles victoires vous ont particulièrement portée ?

Je garde un souvenir très fort du dossier des stations-service indépendantes. L’État avait imposé le passage aux cuves double paroi, un investissement énorme pour des petites stations. Beaucoup risquaient de fermer. Avec René Carbonel, le président de branche carburant de l’époque, nous avons plaidé devant le Sénat pour obtenir des reports de la date limite de mise en conformité. Le jour où le Sénat a voté l’unanimité pour ce report, j’ai ressenti une vraie joie. On avait sauvé un maillage de proximité, vital pour des territoires entiers.


Autre combat marquant : la transposition de la directive sur le contrôle technique en 2018. Nous avons défendu l’idée qu’il ne devait pas être vécu comme une sanction, mais comme une information graduée pour rouler en sécurité. Le contrôle technique, c’est un garde-fou vital pour le parc roulant. Si on signale tôt un défaut, on permet une réparation abordable. Attendre, c’est condamner le client à une facture énorme, voire au remplacement du véhicule. J’ai encore en tête des anecdotes de contrôleurs qui voyaient arriver des voitures rafistolées avec des tendeurs en guise de ceinture…
 

Comment percevez-vous votre place en tant que femme dans ces instances ? Devez-vous en faire “deux fois plus” pour porter votre légitimité ?

Je n’ai pas eu à souffrir de remarques sexistes ou de freins explicites. Mais oui, la barre est haute. En tant que femme, on n’a pas le droit de bafouiller ou de donner l’impression d’hésiter. J’ai toujours veillé à arriver avec des dossiers béton, des exemples concrets, parfois collectés directement auprès d’adhérents que j’appelle en amont. Cela me donne une vision claire des situations vécues sur le terrain. Mais je souligne surtout le rôle de nos élus bénévoles. Nous travaillons en tandem. Ce climat de confiance est précieux.

En février 2025, vous avez alerté Matignon sur l’avenir de la filière des services de l’automobile et demandé au gouvernement de prendre des mesures. Puis vous avez à nouveau alerté le Sénat qui vient de rendre un rapport choc. Où en êtes-vous aujourd’hui ?

La filière des services de l’automobile est très souvent oubliée des dispositifs nationaux et locaux. C’est regrettable car elle est une force qui pourrait soutenir l’amont de la filière par sa capillarité, les liens que nos entreprises ont avec les usagers. Sur la chute des ventes par exemple, la fiscalité est devenue un frein. 


Notre message était clair : arrêtons avec les règles punitives et changeantes. La fiscalité auto est devenue illisible : un hybride exonéré en 2023 se retrouve taxé en 2024. Cela casse la confiance des consommateurs et bloque les achats. Résultat : les gens préfèrent mettre dix mille euros dans une réparation lourde plutôt que dans un véhicule neuf.


Nous avons aussi dénoncé l’absurdité des ZFE, qui excluent des véhicules sur la base de leur date d’homologation et non de leur niveau réel d’émissions. Je connais des Crit’Air 1 qui polluent plus que des Crit’Air 2, simplement parce qu’ils n’ont pas été entretenus. Cela crée de l’injustice sociale et territoriale. Notre position, c’est : regardons le parc roulant, entretenons-le, et misons sur le contrôle technique comme outil de prévention. C’est ce que nous plaidons aujourd’hui dans nos rencontres avec les personnes en charge de la refonte de la directive européenne relative au contrôle technique. La réparabilité des véhicules est également un sujet. 
 

La formation et l’attractivité des métiers de l’auto font-elles partie du problème ?

Oui, mais pas comme on l’imagine. Sur la formation, la filière est proactive. Les habilitations électriques sont avec le diagnostic, les formations les plus suivies. Leurs coûts ont longtemps été pris en charge à 100 % grâce à l’action de la branche des services de l’automobile dont le dialogue social est l’un des plus dynamiques de notre pays. Sur l’attractivité, c’est plus difficile. Prenez le dépannage-remorquage : ces professionnels sortent de leur lit à deux heures du matin, sous la pluie, pour sécuriser une autoroute. Ils sauvent littéralement des vies mais sont payés une misère car les tarifs sont encadrés par l’Etat. Les tarifs maxima des fourrières des véhicules lourds par exemple n’ont pas été revus depuis le passage à l’euro. Les métiers doivent être reconnus à leur juste valeur et accompagnés par l’Etat. 


Il y a aussi la question de l’adaptation des compétences aux nouvelles technologie. Les véhicules sont désormais des logiciels sur roue, et nécessitent des équipements de pointe comme les ADAS et de la formation. Pour les carrossiers par exemple, le manque de personnel est criant alors que le métier évolue très rapidement : digitalisation du suivi sinistre, déploiement de l’intelligence artificielle. A cela s’ajoute un quotidien difficile avec une augmentation significative du poids de l’administratif. Se former est indispensable dans un contexte où ils se retrouvent en permanence pris en étau avec les experts d’assurance, contraints de rogner sur leurs marges et leurs taux horaires. À force, cela devient intenable, car nous ne sommes plus dans les années quatre-vingt-dix : aujourd’hui, une simple défaillance électronique ou un panneau lumineux défectueux peuvent transformer une voiture en véhicule économiquement irréparable.  
Enfin, il est primordial de maintenir voire de revaloriser l’apprentissage en France. Raboter les aides aux entreprises ou aux jeunes détruit le renouvellement des générations sur les métiers concernés. 

 

Quels sont, selon vous, dans les deux prochaines années, les principaux défis pour la filière automobile, notamment pour les artisans réparateurs ?

Le premier défi, c’est la stabilité. Les entrepreneurs artisans investissent quand ils savent où ils vont. Or, la valse des lois et des malus les empêche de se projeter. Le deuxième, c’est la compétitivité de l’amont européen. Dans l’électrique, la Chine détient aujourd’hui une avance technologique et reste agressive sur les prix des véhicules vendus fragilisant les constructeurs européens. Les équipementiers également défendent l’adoption d’une règle dite d’origine pour sauver la souveraineté automobile européenne consistant à imposer un seuil de 80% de contenu local. Le troisième, c’est l’accès aux données techniques ou générées par les véhicules. Si demain un réparateur ne peut pas accéder aux infos ou aux outils, le libre choix disparaît. Enfin, il faut concentrer nos efforts sur le parc roulant : quarante-deux millions de véhicules en circulation. C’est là que se joue la réparabilité, bien plus que dans les deux millions de véhicules neufs vendus chaque année.

En tant que représentante féminine forte de la FNA, quels conseils donneriez-vous aux femmes qui souhaitent s’engager dans les métiers ou dans les instances du secteur ?

D’abord, maîtrisez vos dossiers. Quand vous arrivez préparée, avec des exemples du terrain, votre positionnement, voir légitimité, ne peuvent pas être contestés. Ensuite, travaillez en réseau : trouvez des partenaires qui enrichissent votre vision. On apprend toujours d’autrui.  Soyez stratèges aussi : préparez vos interventions, choisissez vos moments. Et surtout, gardez le lien avec le terrain. Quand je prépare une audition, j’appelle des carrossiers, des réparateurs, pour savoir ce qui se passe vraiment dans leur atelier. Les individualités ne font pas avancer les dossiers. C’est en s’épaulant, dans une force collective, que l’on déplace des montagnes. 
 

Conclusion

Transformer les contraintes en solutions : ce pourrait être la devise d’Emilie Repusseau. Derrière les textes, avec la FNA, elle revendique une méthode simple : expliquer, graduer, accompagner. Avec une conviction : « quand on tient compte des artisans, on avance. Ils sont des acteurs clés pour faire face aux enjeux de demain dans les territoires, dans l’accompagnement des consommateurs dans leur choix. Il faut plus de pragmatisme dans les règles de demain. Si la règle est proportionnée et applicable, les entreprises respirent, les clients ont confiance, et la transition devient possible. »

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