Exclusif : Comment les pros de l'auto européens ont-ils vécu la crise ?
Zepros a enquêté du côté des marchés européens et même au-delà, pour savoir comment distributeurs et réparateurs ont résisté à la déferlante Covid-19 ! Hormis nos voisins allemands dont l'économie ne s'est pas figée, ou encore nos amis russes où l'anarchie régnante fait prendre des risques à des garagistes plus que téméraires, les ateliers européens affichent le même taux de résistance... Nous vous proposons un tour d'horizon mondial !
PORTUGAL : Les ateliers résistent
Une activité écroulée de 75 % à fin avril avec 80 % des ateliers déclarant rester ouverts (étude ANRA). Les ateliers portugais ont su résister au confinement démarré le 18 mars pour se clôturer le 4 mai. Dés mi-mai, ils ont regagné 14 points de fréquentation. Mais ce sera bien une reprise en pente douce que prévoit GiPA Portugal qui prévoit pour juin des entrées atelier encore à – 40 % (comparé à juin 2019) et toujours des valeurs négatives (autour de – 10 %) pour septembre. GiPA estime qu'en octobre-novembre le niveau d’activité normale n’aura pas été retrouvé malgré un pic de sortie de confinement pour certaines familles de produits (batterie, pneumatiques…). Mais, pour cause de risque de crise économique attendue avec son chômage et de baisse des dépenses dans l’automobile sur les sept mois qui vont clôturer l’année, GiPA table sur une année 2020 à – 22 % en activité après-vente.
Réalisé avec l’aide de nos confrères portugais de Jornal das Oficinas
ESPAGNE : « Cet été, les choses devraient rentrer dans l’ordre »
Angel Acebron est le patron d’un atelier FirstStop à Guadalajara (Castille-La Manche) resté ouvert pendant le confinement, « uniquement avec une personne (contre cinq habituellement) pour assurer les services d’urgence, tels que les crevaisons, changement de batterie… L’activité a commencé à reprendre doucement le 4 mai, avec une montée en puissance à partir du 11 mai. À mi-mai, nous étions à 40 % de notre activité habituelle. » Pour faire revenir les clients, l’atelier propose le service à domicile, mais également une prestation de décontamination. Évidemment, tout se fait sur rendez-vous, ce qui était déjà le cas dans 80 % des cas avant la crise. La relance ? « Même si pour la troisième semaine de mai notre planning est quasiment plein, je reste sceptique. Car les clients reviennent uniquement pour les services d’urgence, mais nous ne retrouvons pas les prestations que nous avons l’habitude de faire en mai. L’été devrait permettre un retour à la normale. »
Réalisé avec l’aide de nos confrères espagnols de Posventa
ITALIE : Un marché à - 13% en 2020
Comment les pros ont-ils traversé le confinement ?
Marc Aguettaz (GiPA Group) : En mars, les garagistes ont enregistré une baisse d’activité de 65 %. En avril, un quart des 28 700 ateliers italiens sont restés ouverts mais pour 10 % d’activité, et beaucoup de grossistes ont fermé. Ceux restés sur le pont ont saisi l’opportunité d’occuper le terrain pour donner des conseils aux réparateurs sur les nouvelles conditions sanitaires, l’organisation avec les salariés, le nettoyage des véhicules. Ou les aider à trouver des masques, les produits d’hygiène. Une vraie pénurie. Parallèlement, l’état a mis en place un chômage partiel étendu jusqu’en juillet, ainsi qu’un report des échéances de charges sociales pour ceux qui ont perdu 33 % de leur CA.
Le déconfinement a-t-il créé un pic d’activité ?
M. A. : Il y a bien eu une forte vague dans les ateliers au début, mais le calme est revenu. Les garages travaillent actuellement à 50 % de leur capacité, sachant que juin et juillet devraient faire monter la température ! Les Italiens vont prendre leur véhicule pour partir en vacances, pas le train ni l’avion puisque les voyages à l’étranger ne sont pas conseillés. D’autre part, pour des raisons sanitaires mais aussi pour sauver l’économie nationale.
Quelle perspective pour les garagistes italiens ?
M. A : 10 à 15 % des pros (MRA et concessionnaires) ne vont pas se relever. La demande est moins forte que l’offre. Le marché devrait finir à - 13 % fin 2020, avec cependant des perspectives plus réjouissantes pour 2021 qui pourrait rebondir à + 9 % par un simple effet mécanique du transfert d’activité non réalisée en 2020.
Contribution pour Zepros de Marc Aguettaz (DG Italie Gipa Group).
ROYAUME-UNI : « Les clients comprennent mal la notion de service essentiel »
« À la suite du discours du Premier ministre le 23 mars, nous avons ouvert à des heures restreintes, uniquement pour les réparations essentielles », raconte à notre confrère britannique Aftermarket Online, Hayley Pells, la patronne d'Avia Autos implanté dans le Pays-de-Galles. Un recentrage pas toujours compris par la clientèle. « J'ai été surprise, car j'ai dû refuser certains services que l’on peut considérer comme « frivoles », en particulier avec les voitures de course, les voitures de piste… dont nous sommes spécialistes, ou même la climatisation que pour l’instant je refuse. » Salle d’attente fermée, accès à l’atelier interdit, exit facture papier, tout se fait en numérique et bien sûr protocole sanitaire de désinfection obligatoire avec macaron apposé sur les véhicules traités… « Nous avons changé notre stratégie marketing et mis à jour notre fiche Google Business. Nous ne faisons aucune action spéciale pour encourager la fréquentation. Je ne pense pas que cela est approprié dans la situation actuelle. »
Source : AFTERMARKET ONLINE
RUSSIE : « Au risque de sanctions, pas d’autres choix que travailler ou mourir »
Quels sont les effets du Covid-19 sur les ateliers russes ?
Mikhaïl Kalinine, journaliste à Novosti Avtobiznesa : La crise a entraîné une dévaluation de 15 % du rouble et une hausse rapide du prix des pièces de rechange, plus de neuf sur dix étant importées. Les clients modestes doivent se tourner vers les ateliers clandestins de mauvaise qualité. Début mai, une enquête de notre magazine a révélé qu’un tiers des ateliers a perdu 20 % de clients minimum.
Comment fonctionnent-ils pendant la pandémie ?
M. K. : Dans de nombreuses régions le travail est interdit pour eux, avec des amendes possibles de 5 000 à 7 000 €… Les règles d’autorisation changent presque tous les jours. Seuls ceux travaillant pour les autorités sont actifs, avec masques, gants, etc. Les autres risquent la faillite, car ils doivent payer loyers et salaires. Ils ouvrent donc clandestinement, sous la menace de sanctions. Mais ils n’ont pas d’autres choix que de travailler ou de mourir. Un tiers des indépendants pourraient fermer avant la fin de l’année si la crise ne s’arrête pas.
Sur quelles aides peuvent-ils compter ?
M.K : Je ne suis pas sûr que les garagistes obtiennent grand-chose. Les associations locales de réparateurs indépendants ne sont pas représentatives des 20 000 à 40 000 ateliers russes. Celle des concessionnaires est plus forte, mais sans accès direct au gouvernement. La réparation auto n’a pas été incluse dans les secteurs touchés par la pandémie.
ALLEMAGNE : Crise quasi sans douleur pour les réparateurs
L’économie ne s’est finalement jamais totalement arrêtée outre-Rhin, et cela se voit aussi sur l’activité des garages déclarés « d’utilité publique », à l’instar du reste de l’Europe. Selon un sondage réalisé par l’institut allemand Wolk Wolk After Sales Experts, la dernière semaine de février la cinquantaine d’ateliers « témoins » de l’analyste ont commencé à ressentir une baisse d’activité, mais sur les trois premières semaines de mars les factures éditées par les ateliers repartaient à la hausse par rapport à la même période de 2019. Puis s’en sont suivies trois semaines de recul plus marqué. Mais dès mi-avril, le business s’affichait plus fort que 2019. Au total, sur mars les réparateurs allemands ont généré un CA à + 5 % quand avril s’affichait à – 9 %. En bilan d’étape sur les quatre premiers mois de 2020, et malgré le trou d’air relatif entre fin mars et les deux premières semaines d’avril, les réparateurs étudiés ont gagnés 2000 € de plus que sur la même période de 2019 et ont rempli leur carnet de rendez-vous ! À première vue, la crise aura été quasiment indolore pour les ateliers allemands. Il faut dire qu’à peine 5 % des automobilistes avaient déclaré boycotter leur garage par peur de l’épidémie.
Distribution PR allemande : impact minimum
En mars, une chute de 6 % du CA et un « petit » - 20% sur avril ! Tel est l’impact relevé par Michael Göhrum, le dirigeant d’une plateforme PR implantée à Sindelfingen, dans le Bade-Wurtemberg. Le tout en revoyant les amplitudes d’ouverture, fermant le comptoir et instituant le télétravail ! Mi-avril, le grossiste a tout de même déclenché le chômage partiel tout en conservant son rythme de livraison. Côté disponibilité, il avait surstocké dès décembre pour pouvoir tenir quatre mois sans réapprovisionnement.
Source : AMZ
ETATS-UNIS : L’Américain fait sa révolution
Un taux de chômage record à 15 % en avril contre 3,5 % en février et 36,5 millions de demandes d’allocations enregistrées depuis le début du confinement ! Le pays de l’Oncle Sam se retrouve au niveau de la Grande Dépression des années 1930. Cependant, les Big Three (Ford, GM et FCA) n’envisagent pas de faillite, ce qui rassure les marchés pour la remise en route des usines. Les ventes VN repartent doucement mais sûrement, avec 600 000 unités écoulées en avril (- 50 %) et des concessionnaires qui ont peu ou pas fermé. Les États-Unis tablaient sur un marché 2020 à 17 millions d’immatriculations. Mi-mai, elles étaient de 13 millions. Tout se joue à présent sur l’évolution culturelle de l’Américain sur son besoin de consommation car le Covid-19 a modifié les comportements : si 50 % des citoyens ont déclaré avoir toujours besoin de leur voiture, 28 % ont souligné leur détachement. Le chômage, le télétravail, l’isolement ou l’incertitude du lendemain sont passés par là. Tout ceci affectera sans aucun doute l'avenir du marché automobile aux États-Unis, pourtant gros consommateur de mobilité.
Contribution pour Zepros d’Alexander Gruzdev (cabinet Gruzdev-Analyze).