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Reprise d’Oscaro par PHE (ex-Autodis Group) : après l’effort, les réconforts…

Jean-Marc Pierret
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Le rachat d'Oscaro à peine confirmé, PHE (ex-Autodis Group) a vite présenté les grandes lignes de sa stratégie afin de redresser et pérenniser sa superbe prise. Au menu des moyens : la puissance financière et logistique du groupe et son carnet de fournisseurs. À celui des objectifs prioritaires : rassurer au plus vite les consommateurs et les troupes d'Oscaro, sur fond de réconciliation avec les distributeurs traditionnels d'Autodis (Autodistribution), l'autre filiale de PHE...
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Alors que le communiqué de Parts Holding Europe (PHE, le nouveau nom d'Autodis Group) officialisait la prise de contrôle du pure-player à hauteur de 82,5 % du capital le 13 novembre à 19h00, il précisait aussi qu'une conférence de presse téléphonique était organisée le lendemain à 16 heures. Racheter Oscaro n'est évidemment qu'un début. Le perfuser pour lui rendre ses couleurs financières est la plus simple partie du challenge. Il faut surtout vite restaurer la confiance auprès du grand public et faire au site une place harmonieuse au sein du groupe de distribution.

PHE n'aura donc guère attendu pour faire sa première sortie médiatique post-rachat d'Oscaro et passer ses principaux messages. Premier constat : si le communiqué de la veille était poliment cosigné et co-commenté par le repreneur et le repris, la conférence de presse du lendemain était, elle, uniquement conduite par le président de PHE, Stéphane Antiglio. Comprendre que dorénavant, c'est PHE qui est seul aux affaires opérationnelles pour gouverner Oscaro. La fin de l'époque Pierre-Noël Luiggi est bel et bien actée, même s'il siègera toujours au conseil de l'entreprise (voir «Oscaro bel et bien racheté par Bain Capital»).

Mettre un nouveau pilote dans l'avion
Philippe Nobile, directeur au Boston Consulting Group depuis 2016 et désigné tout nouveau manager de transition d'Oscaro par PHE. Philippe Nobile, directeur au Boston Consulting Group depuis 2016 et désigné tout nouveau manager de transition d'Oscaro par PHE.

En attendant d'ailleurs le recrutement d'une nouvelle équipe dirigeante pour Oscaro, sa direction est d'ores et déjà confiée à Philippe Nobile, directeur au BCG (Boston Consulting Group). Spécialiste des entreprises et des stratégies digitales, il assure le management de transition, à la fois pour remettre Oscaro dans le sens de la piste tout en laissant le temps à PHE de recruter.

C'est à la fois délicat et très malin. Les compétences de Philippe Nobile, autant que sa neutralité, soigneront, mieux que le plus compétent des émissaires estampillés Autodis, les traumatismes que la période aura sûrement causé dans les troupes d'Oscaro...

Dans ce contexte d'ailleurs, réécrire l'avenir impose de ne jamais insulter le passé. A ce titre, Stéphane Antiglio a su rendre un hommage aussi appuyé qu'indiscutablement sincère au créateur d'Oscaro : «En seulement 15 ans, il a conduit une entreprise du petit entrepôt initial où le fondateur faisait lui-même les premiers colis jusqu'à ce leader aux 320 millions qui trône au sommet d'un segment de marché qu'il a lui-même bâti», souligne-t-il.

Rassurer -et agacer- les fournisseurs....

Reste maintenant à mettre en place les chantiers urgents. A commencer bien sûr par rassurer clients et fournisseurs équipementiers échaudés par les difficultés du site.

Pour lesdits fournisseurs, Stéphane Antiglio n'a pas besoin de longs discours. C'est assez simple car déjà fait. Pour eux qui vivaient dans l'incertitude des délais de paiement et du destin d'Oscaro, la seule arrivée de PHE au capital a été un soulagement. La puissance du repreneur constitue en elle-même une réassurance immédiate et conséquente. Et ce, mêmes si certains grands équipementiers calculent déjà les surcoûts liés à un effet du rapprochement qui va mécaniquement agglomérer leurs ventes déjà faites dans le canal traditionnel avec celles constatées chez Oscaro.

En ce moment toutefois, ils se succèdent à rythme forcés au siège de PHE à Arcueil pour entendre la bonne parole. L'exercice va bien sûr prioritairement agacer ceux qui sont fournisseurs d'Autodis Group mais livrent Oscaro en direct, comme elle ouvre à l'inverse des perspectives pour ces autres qui ont toujours refusé de miser sur les potentialités pourtant avérées d'Oscaro. La centrale d'achat de PHE s'en régale sûrement déjà. Elle est en position idéale pour compter les volumes rassemblés et préparer l'addition. Mais allez : on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre des deux côtés d'un même manche...

...et surtout, rassurer les clients automobilistes

L'essentiel des efforts va surtout concerner l'enjeu-clé des clients consommateurs. Car il y a là urgence vitale. Ces derniers mois et «tout particulièrement ces dernières semaines, explique Stéphane Antiglio, les clients d'Oscaro ont subit une campagne de dénigrement systématique sur les réseaux sociaux destinée à les dissuader d'acheter leurs pièces sur le site au prétexte d'un dépôt de bilan prétendu imminent.» Et les ventes en ont pâti...

La priorité des priorités va donc être de rapidement «regagner la confiance des consommateurs», insiste-t-il. En parallèle, il faudra sûrement traiter vite les très nombreux clients qui sont parfois depuis bien trop longtemps en attente de remboursement...

Car ce sont les effets conjugués sur internet de cette campagne de dénigrement et des reproches sincères qui expliquent, selon lui, l'emballement du rapprochement des deux entreprises. «En septembre dernier, rappelle-t-il, notre prise de 4,95 % du capital de l'entreprise s'était opérée dans le cadre du soutien classique d'un fournisseur pour son client». Mais fin septembre, ce récent déferlement de messages négatifs sur les réseaux sociaux a brutalement aggravé les difficultés financières et les incertitudes sur l'avenir immédiat d'Oscaro. «Les e-réputations se font et se défont à la vitesse du web. Il nous a alors fallu vite entreprendre les négociations avec Pierre-Noël Luiggi pour pouvoir intervenir plus largement».

le temps de la réconciliation

Le président d'Autodis Group saisit aussi l'occasion médiatique pour expliquer que si l'histoire s'est accélérée, elle n'en devait pas moins finir par s'écrire en ce sens. Avec PHE ou un autre. «Oscaro est né comme une startup et s'est développé comme une startup». Mais «tôt ou tard, toute startup doit s'adosser à un groupe puissant pour assoir son activité et poursuivre sa croissance», précise-t-il, laissant entendre que le pure-player a peut-être trop tardé à ouvrir son capital comme il aurait dû le faire.

Avec prudence mais confiance, Stéphane Antiglio annonce donc l'ère de la grande réconciliation. Avec prudence, car si l'opportunité pour PHE de mettre un pied de géant dans la pièce en ligne fait de lui un superbe groupe de distribution omnicanal, il lui reste tout de même à faire harmonieusement cohabiter en son sein deux stratégies qui ont été longtemps antinomiques, voire ennemies. Le circuit long traditionnel et ses prix, faits d'une cascade d'intermédiaires logistiques et d'une multitude de services associés, n'a guère été ravi de voir émerger le circuit ultra-court du web et sa pièce, nue de toute prestation mais à -60%, qui passe directement du producteur au consommateur par la seule entremise d'un site marchand.

Ménager les deux camps

Mais Stéphane Antiglio a néanmoins confiance. Les temps ont changé et les esprits se sont calmés, se réjouit-il. «Il y a encore quelques années, cette opération nous aurait été impossible. Mais aujourd'hui, nos distributeurs ont compris qu'Oscaro ou pas, ce canal de vente est dorénavant installé. Ils ont aussi pu en mesurer les limites. Ils savent que la grande majorité des automobilistes ne se tournent pas vers le web pour entretenir leurs véhicules.»

Dans ce contexte où il a probablement dû mettre les brèves dernières semaines à profit pour préparer aussi discrètement qu'activement les leaders d'opinion de ses troupes à l'événement, Stéphane Antiglio remet toutefois la balle au centre. Il lève alors toute ambiguïté qui pourrait trop laisser craindre dans un camp ou trop espérer dans l'autre. Il n'y aura pas d'arbitrages arbitraires. Même intégré à une écurie historiquement traditionnelle, le site ne perdra pas une plume qui pourrait l'empêcher de s'envoler à nouveau : «Il sera toujours un concurrent du réseau Autodistribution !»

La fin de la grande guerre des prix ?

Mais même s'ils sont capables d'accepter cette cohabitation, il restera peut-être nécessaire de donner des gages tarifaires à ces distributeurs, voire à leurs réparateurs. Stéphane Antiglio ne va rien dévoiler de sa stratégie en la matière, mais semer tout de même des indices.

Il va bien sûr prudemment expliquer que sa marge de manœuvre est a priori étroite en ce qui concerne le positionnement des prix sur Internet. Ils ne sont pas seulement définis par Oscaro, rappelle-t-il en substance, mais par bien d'autres sites marchands qui sont libres de définir leurs stratégies tarifaires. Cette précaution oratoire posée, il va toutefois laisser la porte entr'ouverte en concédant que, à son avis, «les niveaux de tarification de la vente en ligne sont trop agressifs, ce qui explique d’ailleurs que les acteurs du e-commerce ont du mal à dégager la rentabilité nécessaire à leur bonne rentabilité, comme ça été le cas pour Oscaro».

Maintenant qu'il est aux commandes du plus puissant des sites incarnant ce segment de marché, on peut donc s'attendre à ce que Oscaro soit dans un proche avenir, autant que faire se peut, celui qui tentera de siffler la fin de la grande braderie. Ne serait-ce le temps au moins de voir si ses deux principaux poursuivants que sont Mister-Auto et Yakarouler saisissent ou non la chance d'arrondir aussi leurs marges...

Synergies présentes et à venir...

Reste cet autre chantier structurel évoqué par Stéphane Antiglio, à l'évidente portée des nouveaux patrons d'Oscaro : améliorer la densité de l'offre pièces du site. Fort de ses multiples référencements et de sa puissance logistique, PHE va donc s'atteler à élargir et approfondir les gammes pour permettre à sa nouvelle recrue de rater le moins de ventes possible, tout en sécurisant définitivement les approvisionnements du site marchand.

Beaucoup d'autres questions, en revanche, attendront. Logistéo sera-t-il converti en partie aux besoins et aux attentes d'Oscaro ? Trop tôt pour le dire, même si S. Antiglio souligne qu'en l'état, le site de Réau n'est pas vraiment dimensionné pour satisfaire les besoins d'expédition du business BtoC.

Les comptoirs des distributeurs (ou les magasins Autodistribution Proxi) serviront-ils de point relais aux pièces Oscaro ? Les réparateurs clients des distributeurs constitueront-ils le réseau de montage dont la e-boutique a toujours refusé de se doter ? seront-ils seulement réceptifs (même question évidemment pour les distributeurs), d'une façon ou d'une autre, à une conversion au “buy and fit” (pièces achetées sur Oscaro et installées dans les ateliers, sous enseignes ou pas) ? Accepteront-ils au moins d'accompagner le tout récent élargissement de l'offre Oscaro aux pneumatiques, au risque sinon de s'agacer ensuite de voir PHE/Oscaro obligé de trouver d'autres solutions sans eux ?

L'apport d'Oscaro

En attendant les réponses, n'oublions pas non plus de rappeler les gains d'image, de notoriété et même de parts de marché qu'apporte à l'inverse Oscaro, dans sa version nationale comme internationale, au groupe qui l'accueille.

Le site est présent en Italie (Oscaro.it), où il vient aussi renforcer le positionnement omnicanal d'Autodis Italia (faut-il d'ailleurs l'appeler maintenant PHE Italia ?) En Belgique aussi (Oscaro.be), aux côtés de Doyen. Avec Oscaro.es en Espagne et Oscaro.pt au Portugal -et aussi symboliques soient ses deux filiales-, le site a pris des positions qui permettent tout de même à PHE de poser deux petits drapeaux prometteurs dans cette Péninsule Ibérique où l'on prête au groupe d'imminentes ambitions.

Mieux : PHE peut même maintenant se la jouer transcontinental, puisqu'OscaroParts.com existe aux USA depuis 2013, à San José, en Californie, «au cœur de la Silicon Valley» comme le proclame fièrement le pure-player. Pas de quoi certes faire d'ores et déjà frémir les deux géants américains LKQ Corp. ou GPC. Mais il faut bien un début à tout...

Jean-Marc Pierret
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