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Faux VO/vrais VGE (suite) : étrange défense devant le TGI de Senlis
Publié le 12/07/2018
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Le TGI de Senlis a connu le 4 juillet dernier un étonnant début de procès concernant des VGE revendus en VO. (photo Google Street View)
Face au TGI de Senlis, devant lequel ils comparaissaient en correctionnelle le 4 juillet dernier, un expert et un “casseur-réparateur” véreux accusés d’avoir revendu des VGE comme VO s’en sont remis à une défense abracadabrante, poussant le Tribunal à renvoyer le procès au 5 décembre prochain !
Mi-mars 2018, à la suite de nos confrères du journal Le Parisien, nous vous annoncions qu’un expert de l’Oise devait comparaître en correctionnelle devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Senlis (60). Il avait frauduleusement remis à la route en tant que VO plus de 1 250 véhicules gravement endommagés pour le compte d’un “casseur-réparateur” véreux. Le procès des deux hommes, qui n’avait pas encore été fixé, devait finalement se tenir le mercredi 4 juillet dernier. Mais à la suite d’une courte audience, il a été renvoyé au 5 décembre 2018.
La sécurité des “faux VO” plus que précaire
Pourquoi ? Parce que Me Antoine Vey, avocat de l’expert en automobile établi à Nanteuil-le-Haudoin (60), a déposé des conclusions de nullité de la procédure !Pourtant, l’enquête conjointe de la Section de recherche de la gendarmerie d’Amiens, dans la Somme (80), et de la Brigade de recherche de Senlis était claire. Elle avait montré que les réparations des VGE effectuées par le complice de l’expert, gérant d’une “casse auto” à Bonneuil-sur-Marne (94), compromettaient directement la sécurité des véhicules.Qu'on en juge : malfaçons au niveau des soudures, reprogrammation de calculateurs d’airbag en dépit des préconisations constructeur, usage de pièces d’occasion sur des équipements de sécurité… Autant de graves manquements aux règles de l’art de la réparation auto dont s’était rendu coupable le gérant de la “casse auto”, néanmoins “blanchi” par les fausses expertises de sécurité réalisées par l’expert, dont les obligations légales le contraignent à réaliser un suivi précis des réparations effectuées pour remettre les véhicules endommagés en circulation. C’est le fameux suivi VE.«Aucune loi» mais «des recommandations», vraiment ?
Déférés devant le tribunal correctionnel de Senlis, le premier devait donc répondre d’escroqueries et de mise en danger d’autrui avec risque immédiat de mort ou d’infirmité permanente. Le second est poursuivi pour complicité d’escroquerie par personne chargée d’une mission de service public, mise en danger d’autrui et usage de faux dans un document administratif par un chargé de mission de service public.Mais selon l’avocat de l’expert donc, la seule chose à l’encontre desquelles auraient agi son client et son complice seraient… «les recommandations constructeurs» ! Selon Le Parisien, Me Antoine Vey ne comprend pas «quelles obligations légales il aurait dû observer» car «il n’y en a pas : ce sont des recommandations constructeurs», a-t-il ajouté. «Le véhicule était réparé dans les règles de l’art», a pour sa part défendu son confrère, MeJacky Attias, niant que son client “casseur-réparateur” ait un jour revendu un VGE encore dangereux comme VO. Il a relevé à son tour l’absence de loi ou de règlement encadrant son intervention !Les pièces de sécurité : un enjeu en Droit
Pourtant, l'article R326-2 du Code de la route concentre deux impératifs en valeur absolue : l'obligation de conformité aux normes du constructeur et l'obligation de conformité globale du véhicule, le véhicule remis en circulation l'étant sous la responsabilité de la personne physique qui détient l'information de dangerosité, en l'occurrence l'expert. En conséquence, il apparaît inenvisageable de contourner la référence systématique aux normes des constructeurs, sauf à admettre qu'un véhicule “dangereux pour la vie du conducteur ou celle d'autres personnes” soit parfaitement admis à circuler à nouveau sur voies ouvertes au public. Aussi, le discours consistant à évoquer des réparations «dans les règles de l’art» sans jamais se référer aux normes des constructeurs révèle un paradoxe difficilement défendable, puisque ces deux notions de droits sont intimement liées en réalité.Les articles R327-2 et R327-3 du même code, en outre, posent bel et bien des limites légales à la remise d’un VGE à la route dans le cadre de la procédure VE. Le premier des deux textes dispose en effet, à son alinéa III, que «dans le cas où l'expert confirme la présomption de dangerosité, son rapport comporte la liste des réparations à effectuer si le véhicule est techniquement réparable». Et le site de la Sécurité Routière, dont les experts en automobile dépendent, explique bien que «l’expert doit, à l’issue de ce suivi des réparations, attester que : les réparations touchant à la sécurité prévues par le 1er rapport ont bien été effectuées, le véhicule peut circuler dans des conditions normales de sécurité et [qu’il] n’a pas subi de transformation notable ou de nature à modifier les éléments contenus dans la carte grise».Pas que l'affaire des constructeurs, pourtant
Dans un article de la revue Jurisprudence Automobile, Lionel Namin, secrétaire général de l’Alliance nationale des experts en automobile (ANEA) souligne d’ailleurs combien certaines pièces relatives à la sécurité du véhicule doivent faire l’objet d’une attention toute particulière de l’expert. «Plusieurs équipements et pièces touchant directement à la sécurité doivent aussi faire l'objet d'une homologation», écrit-il, comme les véhicules eux-mêmes lors de leur mise sur le marché. Raison pour laquelle la remise en circulation des véhicules accidentés présentant un risque pour la sécurité est subordonnée à la délivrance, par l’expert chargé du suivi VE, d'un rapport d'expertise dit “certificat de conformité”.«La mission de contrôle de l'expert porte aussi sur la conformité du véhicule réparé à son type réceptionné, poursuit, plus loin, Lionel Namin. Les procédures relatives aux véhicules endommagés, visées par le Code de la route, relèvent de la réparation, c'est-à-dire que l'intervention menée sur le véhicule doit se faire à l'identique, ajoute-t-il. Le véhicule doit rester conforme aux caractéristiques techniques présentes au moment de sa réception et de la délivrance du certificat d'immatriculation.» Les pièces touchant à la sécurité devant elles aussi faire l’objet d’une homologation, comme cité ci-dessus, et l’intervention menée devant se faire à l’identique, la seule reprogrammation de calculateurs d’airbag en dépit des préconisations constructeur dont s’est rendu coupable le “casseur-réparateur” et qu’a validé l’expert suspect, a donc une chance de tomber sous le coup de la loi.Jouer sur la méconnaissance des juges
C'est donc dans ce contexte pourtant précis que les pratiques auxquelles se sont adonnés les prévenus sont devenues de simples “manquements à des recommandations constructeurs”. La défense des deux suspects a de toute évidence joué à fond la carte de la méconnaissance des juges envers les procédures de réception et d’homologation des véhicules, ainsi que des pièces contribuant à leur sécurité. Jusqu'à obtenir cet inattendu renvoi du procès des deux prévenus au 5 décembre prochain.Ce qui laisse donc cinq mois de répit au “casseur-réparateur”. Quant à l’expert qui avait été suspendu pour six mois de la liste nationale des experts en automobile après avoir été sanctionné par la Commission nationale des experts en automobile (CNEA), il pourrait même, en l’absence de jugement, y être inscrit de nouveau… En attendant, comme le précise Le Parisien, l’ANEA se serait constituée partie civile, estimant être victime des agissements de l’expert. Comme toute la filière de la réparation automobile, soit dit en passant.Sur le même sujet
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