Défaillances d’entreprises : la vilaine tendance….
A première vue, le bilan de santé des entreprises françaises en 2018 pourrait ne pas apparaître trop inquiétant. Selon la toute dernière étude Altares qui suit l’actualité des défaillances d’entreprises trimestre par trimestre, 2018 se solde en effet par un petit 1% de défaillances en moins (procédures de sauvegarde, redressements ou liquidations judiciaires confondues), soit 54 627 par rapport aux 55 175 de 2017. Mais hélas, ce total en apparence neutre cache une bien plus vilaine tendance qui s’aggrave trimestre après trimestre depuis 6 mois.
Une fausse bonne année 2018
Le ciel était pourtant encore dégagé de janvier à mars 2018 : les défaillances d’entreprises avaient reflué de 9% par rapport au 1er trimestre 2017. Las : après un second trimestre 2018 encore encourageant mais déjà moins glorieux (-2% seulement), le troisième trimestre replongeait dans le rouge (+6%). Le dernier trimestre 2018, avec son +4%, n’a rien pu corriger. Et les gilets jaunes, en détériorant encore les chiffres du commerce sur la toute fin d’année comme en ce début 2019, nous promettent certainement un 1er trimestre 2019 particulièrement douloureux.
L’étude Altares l’annonce d’ailleurs assez clairement. On y découvre les chiffres des sociétés de transport, hautement révélateurs de l'activité économique. Ils sont particulièrement désastreux : le nombre de défaillances «dérape sur le dernier trimestre, relève ainsi Altares ; c’est essentiellement le fret interurbain qui pèse sur l’évolution». Et particulièrement brutalement : +11,3% sur l’année... pour +35,8% sur le seul 4ème trimestre !
Si le commerce, tous secteurs confondus, devrait pouvoir s’enorgueillir d’un assez net recul des défaillances sur toute l’année 2018 (-3,7%), il constate une hausse sur le dernier trimestre (+2,2%). L’amplitude est pire encore chez les détaillants (-5,5% sur l’année, mais +4% d'octobre à décembre). Seuls les grossistes s’en tirent mieux (-3,9% sur l’année et même -6% au 4ème trimestre).
L’après-vente dans la même tourmente
Ce dernier chiffre reflète d’ailleurs la bonne tendance enregistrée chez les distributeurs-stockistes de l’automobile. Malgré une triste fin d’année avec un mois de décembre particulièrement -mais aussi traditionnellement- mauvais, ils affichaient une assez bonne activité sur l’année 2018, peu encline en effet à une avalanche de défaillances d'entreprises du secteur (voir «Après-vente et gilets jaunes : décembre désastreux, janvier heureux ?»).
Mais dès que l'on touche aux professionnels en contact direct avec les consommateurs, les nouvelles sont bien moins bonnes. Les entreprises du commerce automobile, fortement dans le rouge en 2018 (+18,3% de défaillances), se seraient bien passé d’un dernier trimestre culminant à +8,8%. Mais il est vrai qu’en plus des gilets jaunes, le commerce VN/VO subit déjà le retournement du VN depuis septembre et l’afflux de VO faiblement kilométrés (norme WLTP oblige), donc nombreux et chers à stocker et peu enclins à être rapidement écoulés.
Quant aux professionnels de l’entretien-réparation, ils terminent aussi l’année bien plus mal qu’ils ne l’ont commencée : la sinistralité des garagistes, qui a pourtant baissé de 4,1% sur l’année, a dérapé de +9,7% sur le seul dernier trimestre. Et ce n’est pas le report de 6 mois (au moins) du nouveau contrôle technique anti-pollution qui va les aider à se refaire en ce début 2019…
Peu d’espoir d’embellie début 2019
Forte du constat d'une année 2018 mal orientée, l’analyse d’Altares est donc sans ambiguïté pour l’avenir proche. «Lorsque s’amorce le mouvement des “gilets jaunes” en novembre, les entreprises sont déjà fragilisées par des trésoreries sous tensions depuis plusieurs semaines. Pour nombre des plus petites d’entre elles, en particulier dans le commerce de l’habillement, le défi de novembre-décembre était de réussir à rattraper une partie du chiffre d’affaires perdu les mois précédents.» On sait évidemment ce qu’il est advenu des ventes de rattrapage espérées avant Noël, puis des soldes de ce début d’année 2019 qui auraient dû être en partie salvatrices...
«Les perturbations ont pu donner le coup de grâce à certains commerces. D’autres sont encore debout mais, par manque de trésorerie, [ils sont] en situation de ne plus pouvoir payer leurs fournisseurs, constate Thierry Million, le directeur des études de la société Altares, en cette fin janvier.
Début décembre dernier, nous énumérions les nuages qui s'accumulaient sur l'après-vente, nous faisant craindre une difficile année 2019 pour tout le secteur (voir «Les gilets jaunes menacent-ils l’après-vente?»). A la lecture des conclusions de l'étude Altares et de ses prédictions, nous ne sommes guère ravis d’avoir eu raison…