Otop : déjà une candidature à la reprise… et encore un sursis d’un mois

Jean-Marc Pierret
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Liquidation judiciaire, mais avec un plan de continuation d'un mois. La décision du tribunal de Commerce de Paris de ce 18 juin au matin est donc à la fois inquiétante et porteuse d'espoir pour Newdis France. Le candidat de dernière minute à la reprise -et les autres- ont jusqu'au 2 juillet pour finaliser ou remettre leur offre. Et parmi la liste des prétendants possibles, on parle même d'un équipementier...
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Otop n'a pu échapper à la mise en liquidation judiciaire du fait de l'absence d'activité depuis de longues semaines. Mais grâce à une candidature à la reprise de dernière minute, le tribunal de Commerce de Paris a accordé une continuation d'un mois. Un «candidat (...) très crédible (qui) dispose de moyens suffisamment élevés pour retenir toute l’attention du tribunal», a expliqué Franck Millet, président-fondateur d'Otop, aux filiales et concessionnaires du réseau par mail et dans la foulée de la décision.

Le potentiel repreneur a donc un mois pour approfondir son offre. Et d'autres candidats, pour sortir du bois.

Jusqu'au 2 juillet pour candidater

Qui est ce mystérieux acquéreur ? Son nom a été inévitablement évoqué lors de l'audience du tribunal qui se déroulait à huis-clos. Mais du côté de Newdis comme de l'association des concessionnaires, mutisme absolu. Une association qui ne cache toutefois pas sa ferme volonté de susciter aussi des candidatures, elle qui s'est constituée pour défendre les intérêts des «27 concessionnaires aux 39 centres de services et aux 110 salariés», soulignait récemment Stéphane le-Mounier, président des concessionnaires Otop (voir «Otop : vers une mise en redressement judiciaire»). Le tribunal a donc donné jusqu'au 2 juillet pour déposer les dossiers de reprise et s'est fixé le 16 juillet pour trancher définitivement...

Plusieurs noms circulent évidemment depuis que l'on apprenait qu'Otop, n'ayant pu obtenir son prêt garanti par l’État, ne pouvait reprendre son activité en sortie de confinement. Tous ont assez probablement été sollicités par Newsdis France et/ou son réseau de concessionnaires. Des groupements, des distributeurs indépendants, des enseignes de réparation... Même «un grand équipementier» a été évoqué par la bande.

Lister ici les quelques 8 noms murmurés depuis plusieurs semaines serait aussi désagréable pour eux qu'inutile. Aucun, là encore, n'est prêt à confirmer s'intéresser au dossier. La seule entreprise parmi celles citées à avoir pour l'heure officiellement démenti tout intérêt pour le distributeur disruptif, c'est Autodistribution, par la voix de Jérémy de Brabant, DG de PHE, lors de sa conférence de presse post-confinement.

Des candidatures logiques...

Après justement que PHE ait lui-même ouvert la voie en reprenant Oscaro -ce qui aurait semblé hérétique quelques années plus tôt-, il n'y aurait rien de vraiment surprenant à voir un groupement reprendre Otop. Son positionnement, aussi agressivement agaçant apparaisse-t-il à beaucoup de distributeurs, n'en demeure pas moins possiblement complémentaire. Pendant 24 mois, Otop a assis ses premiers succès en chassant sur des terres souvent en friche dans la distribution, à savoir celles de ces petits MRA qui, indépendants en diable, braconnent de ci-delà les meilleurs prix pour servir une clientèle souvent désargentée. 

Pas de grande surprise non plus si une puissante enseigne de réparation venait à s'intéresser à Otop. Elle sont nombreuses à vivre de dépannages pièces auprès de plateformes et pourraient trouver un réseau Otop à la fois utile pour assoir un volume d'achat accru, moins externalisé... et même “diversifiant”. La culture BtoC n'exclut visiblement plus les appétits en BtoB...

... à l'incroyable option équipementière

Mais s'il s'agissait en revanche d'un «grand équipementier», la nouvelle serait pour le moins... disruptive. Nous oserons même dire “couillue”. Car cela voudrait dire deux choses assez inédites.

  1. D'abord, que l'équipementier en question prendrait en connaissance de cause le risque de recevoir des appels peu amicaux de grandes centrales d'achats. il ne peut effectivement ignorer que ces puissants clients sauraient lui rappeler sans ménagement qu'il a quelques concurrents-équipementiers plus respectueux de la chaîne de valeur. Et fatalement, très intéressés à se voir transférés les volumes et les chiffres d'affaires que l'équipementier aventureux représente en référencement.
  2. Pour prendre ainsi le risque de devenir aussi frontalement concurrent de ses clients distributeurs, il faudrait que ledit équipementier ait de sacrées ambitions derrière la tête. Elles devraient effectivement en valoir le coup -et surtout le coût- pour être ainsi prêt à sacrifier des volumes existants et certainement conséquents en distribution traditionnelle pour juste s'offrir une aventure digitale qui pèse pour l'heure “seulement” 12 millions d'euros de CA au mieux, à marge en outre fatalement réduite et ce, sur la seule France.
Un rêve digital ou un cauchemar commercial ?

Car à l'heure où les groupements se sont largement internationalisés -voire même mondialisés quand on pense par exemple au duo planétaire qu'incarne GPC/AAG, à la puissance transatlantique d'un LKQ ou même à l'ensemble européen de PHE- cela reviendrait à risquer une punition de dimension mondiale pour une toquade locale, aussi digitale et excitante soit-elle.

Cette éventualité forcerait probablement toute la distribution à faire au plus vite un solide exemple. Car les puissantes centrales d'achat de cette distribution traditionnelle en tireraient d'office deux conclusions aussi logiques que définitives :

  1. s'il est donc prêt à une guerre quasi-totale, l'équipementier en question doit déjà penser déployer “son” newdis/Otop bien au-delà des limites hexagonales et probablement, très vite ;
  2. et le courage n'impliquant pas toujours l'inconscience, il pourrait très probablement n'être que la partie visible d'une armada d'autres équipementiers. De ceux qui attendent avec une secrète gourmandise de voir si le vieux rêve de beaucoup de fournisseurs (shunter les coûts de distribution pour dialoguer et commercer directement avec le réparateur) n'est pas enfin en train de devenir réalité. D'autant que la digitalisation, justement, rend le court-circuit possible. Et pour beaucoup d'équipementiers qui n'osent le dire, peut-être même inéluctable...

On saura le 16 juillet au plus tard si un repreneur sort du chapeau judiciaire et qui il sera.

Et comme d’habitude, nous vous tiendrons au courant…

Jean-Marc Pierret
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