Faurecia Service – Entretien avec Jean-Daniel Jeunehomme, directeur aftermarket
Après-vente Auto : Pouvez-vous dresser un rapide portrait de cette jeune division au sein du groupe Faurecia ?
Jean-Daniel Jeunehomme : Faurecia Service est, il est vrai, une jeune entité qui n’a commencé à travailler sur le marché que l’année dernière. Notre approche du marché est visiblement pertinente dans la mesure où nous commençons à voir l’adhésion de nos clients cibles à nos concepts pour la rechange.
Nous sommes dans un marché dur, où de nombreuses transformations ont lieu à l’heure actuelle - tant technologiques qu’économiques-, mais avec un point très positif et que l’on surveille très attentivement : les régulations visant à la dépollution des véhicules. Cet élément a été un facteur-clé pour Faurecia dans sa décision de s’implanter sur le marché de l’aftermarket. Faurecia Service s’inscrit aujourd’hui dans un trend de montée en cadence et souhaite servir de plus en plus d’acteurs du marché. Nous nous focalisons actuellement sur la demande européenne pour nous consolider sur ces marchés avant d’envisager d’autres zones géographiques.
AVA : Pourquoi avoir attendu 2017 pour investir le terrain de la rechange ?
J.-D. J. : Le groupe a fait deux analyses et quasiment deux lancements en 15 ans avant de s’apercevoir que le marché n’était malheureusement pas assez mature. Les préoccupations environnementales actuelles sont bien plus prégnantes et bien plus tangibles qu’à une époque pas si lointaine où un célèbre homme politique déclarait : «La maison brûle, et l’on regarde ailleurs». On regardait bel et bien ailleurs ! On ne pouvait tout simplement pas entrer sur le marché avec des produits de qualité OE car tout simplement décorrélés des référentiels prix de l’époque. Cela fait trois ans que Faurecia a pris la décision de se positionner stratégiquement sur la rechange, décision prise aussi en fonction du fait que les ruptures technologiques observées sur les motorisations et les cockpits ont repositionnés des équipementiers comme Faurecia au rang de partenaires des constructeurs, et non plus ‘seulement’ de fournisseurs. Ce repositionnement nous incite à être présent sur le marché de l’IAM.
AVA : Que regroupe l’offre Faurecia Service aujourd’hui ?
J.-D. J. : Nous avons investi le marché avec le programme Easy2fit (NdlR : kits de lignes d’échappement complète présentée en octobre 2017) où nous venons de passer la barre des 3 000 références et où l’on vise 98% de couverture de gamme. Pour garantir ce taux de couverture, la gamme s’est enrichie de plus de 200 références en 2019, notamment de catalyseurs en technologie SCR, et de nouvelles références viendront s’ajouter cette année.
Concernant la fabrication, nous nous sommes associés à Veneporte afin de conjuguer notre expertise OE en termes de dépollution et leur expertise sur le plan de la fabrication en plus petites séries. Quant au volet distribution, l’offre Easy2Fit a été conçue à l’origine dans l’optique de proposer des packaging qui permet un transport autrement plus facile et standardisé, de manière à accompagner les grandes transformations logistiques que connait le secteur de la distribution de pièces en Europe.
Faurecia Service a également lancé en juin 2019 la FilterCleanBox, machine de nettoyage des filtres à particules (Fap). Elle a été officiellement présentée sur Equip Auto de la même année. Car si l’on entend de plus en plus les autorités promouvoir les énergies alternatives -et si Faurecia s’investit bien évidemment dans les technologies électrique et hydrogène- il faut aussi donner la possibilité aux professionnels d’intervenir sur un parc roulant thermique qui, pour certains marchés en Europe, courra jusqu’en 2035-2040.
Pour ce matériel, nous nous sommes adossés à France Atelier et en plus d’une distribution directe. Les professionnels de l’entretien-réparation ont aujourd’hui pleinement conscience des avantages de ce type de matériel, qui permet de redonner une seconde vie à un Fap lorsque l’achat d’un Fap neuf n’est pas toujours cohérent face à la valeur résiduelle du véhicule. Ils ont aussi pleinement conscience de la profitabilité d’une machine de nettoyage de Fap et nous nous appuyons pour cela sur les ‘proof of concept’ réalisés au travers de grands réseaux de fast fitters européens où le nombre de prestations réalisées sur le terrain était jusqu’à deux fois supérieures à nos objectifs initiaux !
AVA : Des nouveautés sont-elles à venir ?
J.-D. J. : Bien sûr ! Sans rien dévoiler de plus précis Faurecia Service travaille sur les notions de service et facilité de service, à proposer de nouvelles offres sur le segment des véhicules commerciaux, et à la notion de convergence des offres OE – IAM. Sur ce dernier point, dans le cadre de nos partenariats multiples avec les constructeurs, de l’harmonisation des normes et des marchés, Faurecia Service souhaite rationaliser davantage l’offre sans rien sacrifier ni aux performances des produits en termes d’émissions, ni à l’acceptabilité des systèmes, ni non plus à leur positionnement prix…
AVA : A l’heure où tout le monde ne semble jurer que par le véhicule électrique, Faurecia emprunte une autre voie : l’hydrogène. Pourquoi ?
J.-D. J. : Aujourd’hui, l’électrique est une technologie mature, mais des problématiques demeurent : problème de matériaux (terres rares) et d’autonomie, notamment pour les véhicules premium et commerciaux. Pour ce type d’applications l’hydrogène prend tout son sens. A travers notre co-entreprise avec Michelin, Symbio, nous avons d’ailleurs signé en fin d’année dernière un contrat avec Hyundai Europe pour équiper plusieurs centaines de camions avec ce type de propulsion. Le problème aujourd’hui c’est le prix à la production : un système complet (pile, valves, réservoir, système de pilotage) coûte encore le prix d’une voiture… C’est pour démocratiser cette nouvelle technologie que Symbio a indiqué vouloir réduire le prix par 10 d’ici 5 ans et ramener le package complet au prix d’un moteur thermique actuel. En parallèle, la montée en puissance des énergies vertes rend possible la production d’hydrogène à plus grande échelle et sans production de CO2. On entre dans un cercle vertueux car on a déjà et on aura besoin de l’hydrogène comme énergie pour les véhicules lourds.
AVA : Quelles sont les perspectives en rechange avec cette technologie et comment la rechange indépendante notamment pourrait s’y implanter ?
J.-D. J. : Faurecia produit des réservoirs et des valves à hydrogène et, à travers Symbio, des piles à combustible et des systèmes de pilotage… Or, il est impératif de les contrôler régulièrement. A travers nos clients grands comptes (réseau de marque, groupements de distribution ayant des enseignes de réparation), nous devons former et informer les professionnels de l’entretien des process de contrôle de ces systèmes. Idem pour le remplacement, dans la mesure où les piles à combustible comme les réservoirs doivent être changés après un certain nombre de cycles. Cette maintenance doit-elle être seulement réservée aux réseaux constructeurs ? Nous ne le pensons pas ; nouvelle preuve de la nécessité pour Faurecia de mettre un pied dans la rechange indépendante. On parle déjà de ce sujet-là avec de très grands réseaux de l’IAM…
La réparation électronique avec Clarion
AVA : A travers le rachat de Clarion Electronics, Faurecia élargit encore sa palette de services à destination de l’aftermarket. Quels sont-ils ?
J.-D. J. : L’objectif est ici de devenir, en première monte, un leader mondial de l’électronique embarquée dans les cockpit des véhicules et sur les systèmes ADAS basse vitesse, en clair des systèmes permettant de faire se déplacer le véhicule sur quelques dizaines voire centaines de mètres sans aucune intervention humaine (ex: parking, livraison de véhicule, etc.). Mais Faurecia disposait avant ce rachat de compétences en électronique, notamment au travers de Parot et des starts up pour monter en compétence dans notre expertise du cockpit du futur. Avec Clarion, Faurecia devient systémier électronique, afin de concevoir et d’intégrer hardware et software dans le cockpit.Au-delà Clarion Electronics est un atout pour Faurecia en rechange, car il nous place en capacité de réparer n’importe quel système électronique de n’importe quel véhicule européen. Nous sommes le seul équipementier à ce jour à proposer la remise en état d’un organe électronique en 48h, partout en Europe, à travers un catalogue de plus de 1 700 produits – calculateurs, commodos, écran GPS, etc. Ce service, connu en France sous le nom de Repar’Lab et jusqu’ici ‘réservé’ aux réseaux constructeurs, est ouvert depuis la fin de l’année dernière à l’ensemble des acteurs de la rechange, dont bien sûr les indépendants. A l’image de nos solutions pour les fap, il s’agit ici d’une réelle alternative au remplacement de pièces technologiques, donc chères, sur des véhicules dont la durée de vie croissante les amènes à une valeur vénale peu en rapport avec le prix d’une pièce neuve. »
Les concentrations, facteurs de compétence
AVA : Comment analysez-vous le phénomène actuel de vaste restructuration des acteurs de la distribution de pièces de rechange ?
J.-D. J. : On assiste à une phase de ‘professionnalisation’ du secteur. Évolution des parcs automobile, car-sharing, technologies de plus en plus pointues rendant les véhicules de plus en plus chers, énergies alternatives (VE, pile à combustible), véhicules autonomes d’ici 15 ans… sont autant de facteurs qui poussent en effet les structures à se regrouper d’un point de vue capitalistique ou encore à s’associer dans des écosystèmes où chaque partenaires apporte sa brique de compétence. Cette consolidation est rendue indispensable au regard des coûts technologiques pour rester dans la course.En aval, chez les réparateurs, on assiste au même phénomène : le diagnostic précis d’une boucle de dépollution ne pourra plus être réalisé par un indépendant pur très longtemps. Les technologies actuelles imposent formation, équipements, rentabilité, etc. Ce que peuvent procurer les réseaux…