Romain Thirion

PPG : «Le modèle de distribution de peinture n’est pas en péril»

Arnaud Racapé
Directeur Marketing Automotive Refinish - Europe du Sud
PPG
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Arnaud Racapé PPG

Arnaud Racapé décrypte pour notre Atlas de la distribution PR la physionomie du marché européen de la peinture en 2022 et évoque les perspectives 2023.

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Comment s'est présenté l’année 2022 en volume et en chiffre d’affaires ?
Arnaud Racapé

2022 était dans le prolongement de 2021. Cette année-là, le marché avait connu plusieurs rebonds après une année 2020 covidée. Les volumes étaient extrêmement bons et PPG avait connu une superbe année, même si elle s'était avérée difficile du côté des coûts des matières premières, situation qui s'est prolongée en 2022. Nous espérions que l'inflation de ces matière premières s’arrête en 2022 mais ça n’a pas été le cas. En volume, au niveau européen, le marché est stable par rapport à 2021. Les principaux pays d’Europe de l’Ouest (Royaume-Uni, Allemagne, Italie) affichent un marché flat entre -1 et +1 %. L'Espagne est à +5 % et la France à -3 % selon les données CEPE, qui compile les volumes déclarés par les 6 principaux fabricants de peinture. En effet, le rebond en volume était plus fort en France en 2021 alors que l’Espagne l’a plutôt connu en 2022. Si l’on prend en compte les différentes composantes du marché, la hausse de tarif a boosté le chiffre d'affaires marché de l’ordre de +10 à +20 % en 2022 selon les fabricants, car certains d'entre eux ont passé deux hausses, comme en 2021, ce qui n’est pas habituel.

Quelles sont les principales causes de l’inflation actuelle et peut-on craindre qu’elle s’accélère encore en 2023 ?
Arnaud Racapé

L’accroissement du coût des matières premières en est à l’origine. Le mix n’est pas forcément en croissance cependant. Donc les progressions de CA se situent entre 5 et 15 % en fonction des fabricants. Mais la rentabilité, elle, ne s’est pas forcément améliorée car les matières premières ont augmenté de +20 % en coût, les coûts logistiques ont crû de +25 à 50 %, voire ont été multipliés par trois ou quatre pour le transport en container. Les emballages ont vu leurs coûts progresser de +25 % sur les deux dernières années. Depuis cet été, l'on subit une deuxième lame, conséquence de la guerre en Ukraine qui entraîne l’explosion des coûts du gaz et met à mal des professionnels très peu protégés par rapports aux particuliers. Le coût de l’énergie impacte également notre production et nos training centers, en plus de nos clients carrossiers à échéance de leurs contrats, qui voient leur abonnement augmenter de trois, quatre, cinq, voire six fois. Nous espérons une stabilisation car c’est une situation handicapante pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur.

Quel a été le niveau moyen de l’inflation sur les produits de peinture à l’échelle européenne ?
Arnaud Racapé

Entre 10 et 20 % d’augmentation de tarif selon les fabricants et les pays. Comme ce ne sont pas des hausses marketing mais des hausses matières premières, PPG a pris la décision d'appliquer la même augmentation dans tous les pays sur nos deux dernières hausses de 2022.

Comment accompagnez-vous vos clients pour maîtriser cette inflation ?
Arnaud Racapé

PPG accompagne ses clients de plusieurs manières : nous sommes le fabricant de peinture qui a le plus de présence terrain, commerciale et technique, et le conseil est devenu clef. Parfois, nos clients finaux sont démunis face à la situation et nous nous devons de les aider. Ce n’est pas par un communiqué de presse que l’on accompagne nos clients : ils ont besoin de conseils au quotidien, en rapport avec leur réalité propre. Cela ne peut se faire que par l’humain. Nous leur conseillons certains produits et leur proposons depuis janvier le PPG Energy Calculator, pour leur permettre de sélectionner les produits qui leur coûtent le moins en énergie et en émissions de CO2. Le calcul en énergie, le calcul en dioxyde de carbone et l’impact sur la productivité seront renseignés dans le système. Nous avons aussi repositionné le tarif d’un produit Air Dry – très peu consommateur d’énergie – pour les aider à économiser.

La situation économique va-t-elle pousser à un changement de modèle du distributeur peinture, avec moins de gratuité côté services et plus de facturation détaillée ?
Arnaud Racapé

Nous continuons de faire confiance totalement à notre réseau de distribution. Je ne crois pas qu’on assistera à un changement de modèle car le conseil, le service et l’humain restent primordiaux et d’autant plus en période de crise car les carrossiers vont dans le détail et qui mieux qu’un distributeur peut le faire ? Devons-nous toutefois nous renouveler ainsi que nos distributeurs ? Probablement. Le service n’est pas facturé ou très peu. Il peut y avoir des réajustements de tarifs à l’avenir et en échange des services facturés, davantage de propositions. J’y crois et ce qui est apporté au carrossier en termes de services, de matériel, de logiciel, de suivi en termes de formation continue, de services à valeur ajoutée (MVP chez PPG) n’est pas suffisamment valorisé. Or, qui dit valorisation dit facturation mais il reste à trouver le juste équilibre. Ce qui nous intéresse est la marge que peut générer le carrossier via nos produits.

Est-ce que la situation tend à booster l’attrait pour les solutions de préparation automatisée ?
Arnaud Racapé

En 2023, nous devrions apporter des modifications significatives pour les carrossiers. Les carrossiers cherchent-ils à économiser du produit ? La réponse est oui, et notre machine MoonWalk le leur promet, à hauteur de 10 %. Elle leur fait gagner 10 à 12 minutes par teinte et leur offre un atout pour retenir leur personnel, plus que jamais. En plus, elle leur garantit une reproductivité parfaite de leurs teintes. Donc oui, MoonWalk était LA bonne idée. Nous en comptons 1 350 en Europe et 250 en France, qui ont toutes été facturées, preuve du bénéfice de MoonWalk. Ces chiffres n’ont que trois ans, puisque la commercialisation a démarré début 2020. Compte tenu du nombre de machines, PPG a gagné la bataille et un positionnement authentique de leader sur la préparation automatisée. Certains groupes automobiles nous en ont commandé dix en France, malgré l’investissement que cela représente compte tenu de la situation actuelle.

Les marques B ont-elles profité de cette situation inflationniste ?
Arnaud Racapé

L’épisode de hausse tarifaire a entrouvert la porte à certaines marques B qui communiquent de façon plus basique et facile avec l’argument prix. Dans tous les marchés, il existe un positionnement pour le low cost et pour le premium. Mais aucun de nos carrossiers premium n’a changé sa peinture pour une marque B. Mais, oui, il y a plus d’installations de carrossiers en nombre par des marques B. Même si des carrossiers qui grossissent en marque B peuvent aussi passer en marques premium. Il y a aussi des carrossiers qui choisissent d’avoir double machines et prennent le premium pour les homologations et les réparations premium, et la marque B pour les réparations de moins forte valeur ou le VO. Mais il est difficile d’être une marque B car elles vendent moins cher, elles "donnent" tout et n’ont pas grand monde sur le terrain pour aider au quotidien le carrossier.

La distribution sur internet profite-t-elle de la situation actuelle ou rentre-t-elle dans le rang ? Que représente-t-elle en parts de marché sur le continent européen ?
Arnaud Racapé

Le web est très disparate selon les pays. La France y est plus réceptive, devant l’Italie et l’Espagne, mais il n’y a pas de révolution, pas de nouveaux acteurs. Ceux qui le faisaient sont toujours là, ils séduisent toujours le client par le prix, mais pas grand-chose d’autre.

Romain Thirion
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