François Delion, Renault : « Être irréprochable avec ses clients comme avec ses réseaux »
Face à la vague de nouveaux modèles électriques et connectés annoncés par le groupe Renault dès 2024, l’après-vente doit être au rendez-vous immédiatement ! Au cœur des enjeux de François Delion : l’anticipation dans tous les sens du terme (pièces, clients et réseaux) ! La feuille de route du directeur après-vente monde de Renault est ainsi structurée pour les dix années à venir.
Zepros : 2023, une année compliquée ou fluide pour Renault en après-vente ?
François Delion : Nous avons observé une évolution positive de l’activité tout au long de l’année et sur tous les canaux ! Notre parc très récent diminue, effet post-Covid oblige, mais notre canal atelier augmente de plusieurs points car nous réussissons chaque année à fidéliser un peu plus nos clients sur des véhicules plus âgés. Un gain dans la durée que j’attribue à notre politique commerciale et notre excellente base relationnelle avec nos réseaux de distribution, où qu’ils soient. Pour se targuer d’avoir une relation irréprochable avec ses clients, il faut l’être également avec ses concessionnaires.
La pièce d’origine conserve-t-elle sa longueur d’avance en atelier ?
Pour les clients, elle reste une référence du marché. Qu’on ne s’y trompe pas : il n’est pas question de dénigrer la pièce de qualité équivalente, mais cette pièce d’origine est conçue et validée par les ingénieurs qui ont conçu les véhicules et selon des process sans commune exigence. Et nous nous engageons à fournir 100% de nos pièces OE en rechange dès le lancement du véhicule, ce qui suppose du stock sur des pièces qui ne sont pas forcément consommées, mais c’est notre promesse. Celle-ci va d’ailleurs se transformer en challenge pour l’année 2024 puisque Renault sort dix nouveaux modèles dans son plan produit ! Donc 100 % des pièces seront disponibles dans la foulée.
Le client, où qu’il soit dans le monde, se déporte-t-il plus tôt qu’avant sur du Value+ ou du Motrio ?
Pas plus tôt car le maintien dans le temps de la valeur résiduelle du véhicule repousse la décision du client de basculer sur les gammes alternatives. Le prix d’achat du véhicule neuf est également le premier vecteur de choix pour son entretien par la suite. Les programmes Value+ et Motrio sont donc plus vite enclenchés sur des modèles Dacia par exemple. Reste que les mises sous tension du pouvoir d’achat poussent les clients à conserver leur véhicule plus longtemps, faisant croître mécaniquement le potentiel de nos gammes Value+ et Motrio.
Un bilan de vos contrats d’entretien ?
50% de nos véhicules neufs vendus à des particuliers ressortent de la concession avec un contrat d’entretien, bien souvent mensualisé. Un acte rassurant dans la mesure où il n’y a plus de relation transactionnelle avec l’atelier. Ce constat est mondial, hors pays en pleine inflation/ déflation comme l’Argentine où les taux d’intérêt sont explosifs et l’équation économique de ce contrat ne fait pas de sens. Sur des marchés plus stables mais moins matures, nous déployons des solutions plus souples comme les packs d’entretien renouvelables chaque année. Mais la recette du contrat d’entretien est globalement une réussite en Europe et au-delà… !
Et sur l’occasion ?
Nous avons dupliqué le contrat d’entretien sur l’occasion en appliquant un tarif par segment et motorisation, ce qui facilite le travail du vendeur en fonction de son parc de secondes mains. Depuis un an, le réseau propose une offre en pièces d’origine et une offre alternative cohérente sur des occasions de quatre ans. Résultat : un véhicule d’occasion sur six repart avec un contrat (versus un sur dix en 2021) et nous objectivons un véhicule sur trois à terme.
Le point sur Digital Care Service ?
Ce parcours phygital est appliqué en France, en Espagne, en Italie et en Allemagne, mais facilement duplicable à l’échelle mondiale (une quinzaine de pays d’ici 2025). Il s’agit d’un service gratuit de dépose des clés et de restitutionduvéhicule24/7dans une consigne à QR code unique pour des travaux mécaniques (la carrosserie est à l’étude), hors moteur et boîte. Cette digitalisation libère le client de la contrainte du passage en atelier. C’est un service à la carte, et les standards habituels – passage à l’atelier, attente au comptoir du conseiller service… – sont désormais optionnels et adaptés au souhait du client. Dans les quatre pays cités, 80% des affaires proposeront ce service à l’été 2024. Et j’irai même plus loin : sachant que 80% de notre parc 10 ans sera connecté d’ici 2030, nous bouclerons notre périmètre en après-vente en saisissant ce moment précis pour proposer à l’avance un rendez-vous au client. Cette brique digitale facilite encore davantage le parcours client pour le faire arriver jusqu’à nous.
Quel est l’enjeu majeur actuel pour vos réseaux?
La montée en compétences! C’est le premier enjeu car la pénurie de main-d’œuvre est croissante, quasiment partout dans le monde (hors Amérique du Sud et Asie), surtout sur des postes techniques. C’est pourquoi nous avons inauguré en novembre 2023 un premier centre de formation dernier cri en carrosserie-peinture, en plein cœur de notre Technocentre en France, avec le nec plus ultra en termes d’équipements. Ensuite, nous investissons dans la formation des opérateurs sur l’architecture électronique des véhicules connectés et nous travaillons finement avec eux sur la prise en main du véhicule à distance par nos propres équipes (Remote Diagnostic). Enfin, nous travaillons sur l’intelligence artificielle car elle ouvre le champ des possibles : elle nous permet d’analyser plus vite les remontées de défauts, la manière dont ils ont été traités par les techniciens et le meilleur chemin à suivre. In fine, le technicien optimise ses réparations et libère son temps pour des heures commerciales facturées.
Nous nourrissons aussi de grandes ambitions à l’international, que ce soit en Amérique du Sud avec la relance de Motrio en Argentine, ou en Asie avec l’Inde qui est un marché à gros potentiel !
Quid de Motrio ?
Notre enseigne signe une croissance de 200 points de service (300 entrées, 100 sorties) en Europe [N.D.L.R. : 2500 sites environ] avec une croissance à deux chiffres de nos revenus. Motrio veut être très active commercialement et vise la première place en termes de satisfaction client. Nous nous développons moins vite que certains en nombre de points de service, mais nous ne sacrifierons jamais la qualité pour la quantité, et cela vaut également pour les produits. Nous avons également lancé Motrio Carrosserie en France – nous devrions franchir la barre de la centaine de sites fin 2024 – avec un concept exportable partout ailleurs via une structure “light”: trois à quatre collaborateurs, des conditions d’adhésion peu contraignantes (ni droit d’entrée, ni royalties, ni redevance), une offre pièces constructeur et une offre multimarque Exadis, et un catalogue en peinture et para-peinture Ixell.
Où sont les nouvelles poches de croissance en après-vente?
Étant donné notre plan produit mondial 2024 en vente, notre premier enjeu consiste à être au rendez-vous de ces lancements pour l’après-vente. Un enjeu majeur pour continuer à croître sur notre marché principal qu’est l’Europe. Nous nourrissons aussi de grandes ambitions à l’international, que ce soit en Amérique du Sud avec la relance de Motrio en Argentine, ou en Asie avec l’Inde qui est un marché à gros potentiel, sachant que ce pays est extrêmement avancé sur le digital. Je pourrais également citer la Corée du Sud, qui est un marché premium sur lequel nous relançons la marque…
De plus, notre plateforme mondiale Qstomize est porteuse : celle-ci est spécialisée dans la conversion des véhicules commerciaux (plateau-benne, caisson frigorifique…) et dans la réalisation de série limitée. Elle est présente dans toutes les usines Renault du monde (Amérique latine, Espagne, Turquie, Roumanie…), en bout de chaîne. Je peux garantir que le gisement de croissance sur ce service unique en son genre est continu et planétaire !
Enfin, nous avons un véritable potentiel autour des offres d’économie circulaire développées en nous appuyant sur notre récente structure “The future is neutral”. J’en prends pour preuve le lancement en 2024 d’une gamme de produits autour du véhicule électrique, une première !