Autodistribution/TowerBrook: A. Redheuil détaille l'accord

Jean-Marc Pierret

C’est maintenant officiel : le fonds d’investissement TowerBrook va reprendre les rênes de l’Autodistribution. Il a en effet signé un protocole d’accord en ce sens avec Investcorp - actuel propriétaire de l’AD - et les prêteurs du groupe (38 banques et établissements de prêts). Fin avril/début mai, le conseil d’administration sera dirigé par Gerd Siekmann, tandis que la présidence sera assurée par Olivier Roux. Alain Redheuil, actuel Président de l’AD, garde la main sur la direction de groupe jusqu’à la clôture du processus. Il est venu hier devant la presse expliquer les détails de l’accord...

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Alain Redheuil cèdera donc sa place, mais restera dans le groupe, au conseil d’administration. Le reste de l’équipe «Investcorp», notamment les deux directeurs généraux Marc Frustié et Christophe Laurent-Atthalin, n’est pas remis en question.

L’AD sort donc par le haut d’une situation assez paradoxale : pendant que ses deux holdings Parts Holdings et Autodis croulaient sous un endettement record (750 millions d’€), l’Autodistribution elle-même gagnait de l’argent ! Car d’un point de vue purement opérationnel (activité de la centrale d’achat, les distributeurs et les réseaux de réparation), le groupement de distribution affiche des résultats enviables : «Malgré un second semestre pour le moins compliqué, le groupe a terminé l’année avec un CA en hausse de 4,3% par rapport à 2007, qui lui-même avait enregistré une hausse de 17 % par rapport à 2006. Quant au résultat d’exploitation, il a augmenté de 5 %», précise Alain Redheuil, l’homme fort d’un bateau qu’on disait parfois, à tort, partant par le(s) fond(s)…

Surendettement explosif

L’AD, reprise par Investcorp et pilotée par A. Redheuil depuis 2006 était sortie de la difficile période Finelist avec une stratégie rénovée. Mais avec un durable talon d’Achille infecté par la déroute des marchés financiers : le surendettement des holdings Parts Holdings et Autodis. Déjà «limite» avant-crise, la situation était devenu intenable dans le contexte financier et économique actuel. Plus la peine de rêver d’une sortie par le haut, par exemple par une introduction en Bourse comme initialement planifié lors de la croissance contrôlée de l’endettement.

Résultat : «50 millions d’euros de frais financiers par an, ce n’était plus tenable», concède Alain Redheuil. Et même insupportable en pleine entrée en vigueur de la LME : la réduction des délais de paiement a généré un surcoût initialement estimé par A. Redheuil à 70 millions d’€, un peu moins certes en tenant compte des quelques adaptations transitoires imaginées entre distributeurs et fournisseurs.

Aussi le patron de l’AD s’était-il lancé depuis de longs mois, «nuit et jour», dans une renégociation de la dette -jusqu’à demander expressément la nomination d’un mandataire ad hoc- afin que ce dernier accompagne la dure négociation avec les 38 organismes de prêts. Il avait même ensuite fallu mettre les deux holdings concernées sous procédure de sauvegarde...

C’est l’époque où les rumeurs les plus alarmistes s’entrechoquaient, confondant trop souvent mandataire et administrateur judiciaire, procédure de sauvegarde et faillites... Dans ce contexte complexe, les parties ont cependant fini par trouver un accord : en contrepartie de la réduction de la dette bancaire de l’AD (ramenée de 540 millions à 140 millions d’€), les banques créancières se partagent désormais 21,5 % du capital.

TowerBrook : une solution durable

C’est Alain Redheuil qui est allé chercher la solution TowerBrook Capital Partners, démentant au passage l’image caricaturale très en vogue de «financier prédateur». «TowerBrook est là pour poursuivre la stratégie de l’AD, pas pour faire un coup», corrige-t-il.

Ni bien sûr pour générer des coûts. L’AD va certainement devoir resserrer les boulons à la demande de son nouveau patron. Mais pas n’importe comment, complète en substance A. Redheuil : si l’arrivée d’un fonds d’investissement peut alimenter les rumeurs de coupes sombres dans les effectifs d’une entreprise, il assure que ce ne sera pas le cas en l’espèce.

Le repreneur détient désormais 62,5 % du capital de l’AD, injecte 110 millions d’argent frais en capital, auxquels s’ajoute une enveloppe de 50 millions –«un minimum», précise Alain Redheuil, «pour permettre de saisir les opportunités d’acquisitions». Investcorp va également mettre la main à la poche, à hauteur de 24 millions d’€. Au final, l’ancien actionnaire principal ne détiendra plus que 16 % du capital.

Ainsi, «la dette devrait représenter moins de 2,5 fois l’Ebitda» (résultat opérationnel) estimée à l’exercice 2008,» souligne le communiqué officiel publié hier matin.

On reprend le cap initial...

L’épisode de la «chute de la maison AD» connaît donc une fin heureuse. «Nous ne pouvons nous réjouir des difficultés de l’AD», confiait d’ailleurs en fin d’année, sincèrement, son concurrent Jean-Jacques Lafont, patron de GAUF, 2ème groupement de distribution. A ce titre au moins, la «solution TowerBrook» soulage donc tous les acteurs, partenaires comme rivaux : une «catastrophe AD» aurait immanquablement rimée avec une catastrophe marché. Le secteur, déjà bousculé, ne pouvait se permettre l’effondrement d’une société pesant 40% du marché...

La situation financière désormais assainie, les projets peuvent même repartir de plus belle. «Les objectifs sur 5 ans que s’était assignée l’équipe d’Investcorp lors de son arrivée en 2006, notamment sur le CA, sont maintenus : l’objectif d’1,5 milliard d’€ de CA d’ici 2011 reste d’actualité», se réjouit A. Redheuil.
Autre chantier qui ne pâtira pas du changement d’actionnariat : la politique logistique, au travers de la mise en place de plateformes régionales. «Elles participent à l’amélioration de la qualité de service : leur déploiement est non seulement confirmé, mais peut-être même accéléré».

Qu’on se le dise donc : «la volonté de reprise s’est aussi manifestée à travers l’intérêt du repreneur pour les projets en cours, confirme-t-il. TowerBrook partage notre vision de la distribution et, au-delà, de notre politique commerciale».

Autre dossier enfin que le patron de l’AD n’a eu de cesse de faire avancer, et qui sera poursuivi par le nouveau propriétaire : le développement du groupe à l’international. Après son implantation en Pologne en 2007, puis en Italie l’année dernière, l’AD devrait continuer son expansion sur d’autres marchés. Pas de destination précise à l’ordre du jour, mais le futur ex-homme fort du groupe précise qu’aujourd’hui «les constructeurs sont européens, nos clients sont européens, l’AD est le seul acteur de la distribution à pouvoir prétendre aussi à une dimension réellement européenne

...sans tout oublier

Les perspectives retrouvées n’effaceront toutefois pas facilement quelques mauvais souvenirs. «Les hommes ont une capacité d’oubli extraordinaire que n’ont pas les animaux. Et par moment, on se sent drôlement animal...». Une image qu’A. Redheuil traduit immédiatement en langage plus clair : «Je n’ai pas compris –ni accepté– le comportement de certains fournisseurs...», déclare-t-il en faisant allusion sans plus de détail à ceux qui, trop prudents face au désarroi financier de l’AD, l’ont forcé à chercher d’autres solutions de référencements. Mais le malheur annoncé des uns fait déjà le bonheur des autres...

Jean-Marc Pierret
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