Électrique : Cinq ans pour rattraper la Chine

Muriel Blancheton
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Alexander Gruzdev

Etats des lieux du marché automobile américain : le consultant Alexander Gruzdev livre sa vision d'une culture pro voiture en pleine transition électrique et un secteur toujours en manque crucial de main d'oeuvre...

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Un état des lieux du marché de l’automobile ?

Alexander Gruzdev : Nous sommes confrontés à une forte inflation et à une augmentation des taux d'intérêt qui ont affecté le marché des ventes de voitures. Le manque de véhicules sur le marché du neuf a inévitablement entraîné un report et une augmentation sur les prix de l’occasion. Et malgré des prévisions plus optimistes pour 2022 que les deux années précédentes, la nouvelle récession a tassé les ventes de voitures à moins de 14 millions d’unités, soit encore plus bas qu’en 2020, année de pandémie (14,7 millions à - 14 %). La pénurie de micropuces, encore très présente, ajoutée à l’augmentation du coût des matières premières et de nombreux composants, ont relevé significativement les prix partout.

Les véhicules électriques rencontrent-ils le succès aux États-Unis ?

A. G. : Ils sont en plein essor grâce aux crédits d’impôt accordés aux particuliers, mais le prix croissant de l'essence a aussi joué un rôle. De plus, il existe également de nouveaux dispositifs pour soutenir les constructeurs automobiles, via l’Inflation Reduction Act notamment. Malgré cela, certains pensent que cela ne sera pas suffisant pour que les États-Unis puissent concurrencer la Chine dans ce domaine, en particulier sur les infrastructures de recharge. Des experts estiment que l'écart à combler est de cinq ans.

Les constructeurs investissent donc massivement dans ces véhicules ?

A.G : Bien sûr, et ils mettent le paquet ! En 2021, Ford a annoncé son intention d'investir avec le Coréen SK Innovation dans la construction d'une usine de batteries électriques aux États-Unis pour environ 11 Md€. General Motors a lui-même investi presque 7 Md€ dans la production de camions électriques et de batteries pour véhicules légers dans ses usines du Michigan. Et l’Inflation Reduction Act augmentera encore ces investissements ! Cette loi vise avant tout à protéger les intérêts nationaux et prévoit d'importantes subventions pour soutenir les secteurs "verts" de l'économie, avec des déductions fiscales pour l'achat d’un véhicule électrique par exemple. L'IRA fait beaucoup de bruit entre l’Europe et les Etats-Unis, alors qu'elle n’a pas encore démarré, car cela pourrait affecter le flux d'investissement de l'Union européenne vers les États-Unis. Espérons que tous deux trouveront des accords mutuels à ce sujet.

Le manque de main-d’œuvre est-il toujours aussi important ?

A.G : Il reste le principal problème, sachant que cette pénurie de personnel touche également les personnes qualifiées. D'année en année, cette problématique s'aggrave avec la complexification des véhicules nécessitant de nouvelles compétences dans les ateliers, et c'est là où le bât blesse. C'est aussi vrai pour les concessionnaires que pour les indépendants et les enseignes de réparation. De mon point de vue, la solution est dans la spécialisation des techniciens qui pourraient sous-traiter leurs prestations. Ainsi, une personne formée sur la réparation des injecteurs en concession pourrait intervenir en sous-traitance dans les dizaines d’ateliers autour d’elle. Les salariés du garage se concentreraient principalement sur les opérations de maintenance et les pneumatiques ne nécessitant généralement pas des connaissances spécifiques.

Muriel Blancheton
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