Gaël Escribe, Nexus : « Passer d’une structure de centrale de référencement à une structure de groupe »

Jean-Marc Pierret
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Ecribe Gael

Nexus Automotive International s’apprête à fêter ses dix ans en mars prochain. Avant cela, Gaël Escribe (CEO) nous parle tendances et défis pour un aftermarket planétaire qui devrait atteindre 1 196 Md€ en 2030...

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Comment s’achève l’année 2023 pour l’aftermarket mondial ?

Gaël Escribe : La Chine est l’indiscutable point noir de l’année à fin septembre, avec la plus mauvaise performance aftermarket au niveau mondial. La sortie du Covid-19 a été compliquée, avec un impact certain sur la consommation chinoise. En outre, la ville de Shanghai, l’une des plus électrifiées au monde, est venue confirmer l’impact négatif sur l’activité après-vente que peut avoir un parc à la fois massivement jeune et électrifié. Cette ville aux 60 % d’immatriculations électriques constitue un test grandeur nature. Si Shanghai était un pays, il se classerait à la 50e place mondiale avec ses 30 millions d’habitants ! À l’opposé, c’est l’Europe et particulièrement les pays de l’Est qui ont tiré la croissance. Malgré la crise ukrainienne, l’Est européen affiche la plus forte progression cette année.

L’Afrique, elle aussi secouée par des crises géopolitiques et environnementales, reste-t-elle également porteuse ?

G.E. : Oui, comme tous les marchés qui accèdent à la mobilité automobile par des véhicules âgés. En ce qui concerne la rechange, la problématique africaine concerne la percée des équipementiers chinois. Elle se confirme, au détriment des équipementiers occidentaux supportés par Nexus, notamment dans les pays où les modalités de financement ou d’assurance-crédit ne sont pas conformes aux standards exigés par les équipementiers traditionnels. Les équipementiers chinois ont une agilité et une capacité de prise de risque supérieures à leurs homologues occidentaux. Cette même logique se rencontre dans les ventes de véhicules. Les industriels chinois font montre d’une agressivité et d’un pragmatisme que les états-majors européens ou américains, trop éloignés des réalités africaines, n’ont pas.

Nexus en chiffres
•    42 Md€ de CA cumulé
•    139 pays
•    456 membres
•    2 251 points de distribution
•    16 structures régionales

Devrez-vous donc vous tourner vers les équipementiers chinois pour accompagner votre développement en Afrique comme en Chine ?

G. E. : La culture aftermarket mondiale ne fait pas encore partie de la leur. L’interfaçage entre leurs méthodes et les nôtres est encore difficile à envisager. D’autant que pour l’instant, ils n’ont pas d’organisation aftermarket suffisamment matures pour travailler avec des structures telles que la nôtre. Je dis bien « pour l’instant ». Car qualitativement comme quantitativement, l’industrie équipementière chinoise progressera inévitablement. Selon McKinsey, l’après-vente chinoise (pièces et services, dont les pneus) atteindra 233 Md€ d’ici 2030, contre « seulement » 91 Md€ en 2017. Elle pèsera alors 19,5 % des 1 196 Md€ planétaires attendus à la fin de la décennie. Son marché sera alors monté sur le podium mondial, derrière les 337 Md€ nord-américains et les 295 Md€ européens prévus.
Le parc roulant chinois (VP, VUL et PL) atteignait déjà 318 millions de véhicules en 2020, soit la moitié de l’ensemble Asie/Moyen-Orient et plus de cinq fois celui de l’Afrique. On ne peut donc pas avoir des ambitions mondiales en rechange sans tenir compte du potentiel du marché chinois et de ses acteurs.

La digitalisation, encore et toujours…

La digitalisation est un mouvement mondial qui se développe particulièrement vite au sein des pays émergents, souligne Gaël Escribe. « C’est l’une des raisons de la percée très forte de Marketparts.com, dont la croissance s’accélère. L’entreprise s’installe notamment en Inde, en attirant de plus en plus d’équipementiers qui ont maintenant dépassé la crainte des conflits de distribution. Ils ont pris conscience que le marché mondial de la rechange est immense et que Marketparts.com est un outil qui permet de prendre des positions partout. » 

Toujours concernant l’Inde, Gaël Escribe est le seul Occidental à siéger au conseil d’administration de la start-up Ki Mobility – développée par le grand distributeur VN TVS, adhérent de Nexus. Ki Mobility consolide encore son empreinte de plateforme digitale multimarque qui gère l’intégralité du parcours après-vente, depuis l’entrée atelier jusqu’à sa restitution en passant par chaque livraison de pièces et par chaque étape atelier. « C’est une chance d’avoir parmi notre communauté un tel pure-player en passe de devenir une licorne », se félicite t-il. 

Avec la société Sparker, Nexus poursuit son identification de société innovantes. « Nous avons franchi une première étape : l’identification et la consolidation de solutions qui peuvent participer au développement futur de nos partenaires équipementiers. Il nous reste à traiter, filtrer et simplifier l’adaptabilité des solutions proposées aux besoins des équipementiers pour faciliter le « plug and play » des offres de ces start-up innovantes.
 

Comment évolue la consolidation des achats au sein de Nexus ?

G. E. : C’est un enjeu lié à la disparité de la communauté Nexus. Nos membres opèrent sur des parcs différents, avec des fournisseurs différents. Nous sommes encore à moins de 30 % dans la consolidation des achats, mais nous progressons au travers de nos très bonnes performances aux Etats-Unis, fruits d’une très forte intégration de l’activité américaine au sein de Nexus. Nous avons de fantastiques perspectives de progrès. Une partie de ce chemin va être fait avec l’intégration progressive des équipementiers américains et japonais. Ils vont utiliser l’empreinte mondiale de Nexus pour globaliser leurs activités hors de leurs frontières. Notre taille est pour eux une opportunité : nous sommes identifiés comme le plus gros réservoir planétaire de croissance et nous avons renforcé nos équipes nord-américaines et asiatiques pour les accompagner au mieux dans leur volonté de conquête de nouveaux marchés.

Nexus va avoir dix ans en mars prochain. Quelles sont vos dernières nouveautés qui vont inspirer sa seconde décennie ?

G.E. : Nous souhaitons être un accélérateur de croissance. Pour accompagner celle de nos membres et de nos partenaires fournisseurs, nous allons passer d’une structure de centrale de référencement avec de nombreuses initiatives périphériques à une structure de groupe. Ceci dit, nous continuons de renforcer notre centrale de référencement et de services. Car l’empreinte globale de Nexus revêt encore de nombreuses opportunités non exploitées. En complément, nous avons créé la société SmartParts, qui va développer la marque Drive+ que nous souhaitons mondiale. Elle a pour mission d’adresser, avec nos partenaires équipementiers, le segment très porteur du parc vieillissant dans le monde. Elle a donc vocation à être complémentaire et non pas concurrente des pièces premium, en permettant aux équipementiers de parfaitement segmenter leurs offres. Une équipe est constituée ; un entrepôt ultra-moderne est d’ores et déjà déployé en Pologne. Cela doit permettre à Drive+ un premier focus sur l’Europe et l’Amérique latine avant de globaliser l’offre.

Côté investissements, nous poursuivons notre incubation de start-up et nous renforçons notre fonds d’investissement Mobilion qui s’implante cette année en Europe avant, là aussi, de se globaliser. Par ailleurs et à l’instar des stratégies de consolidation des International Warehouse Distributors (GPC, LKQ, PHE, Uniparts, SAG...), nous devons nous aussi devenir acteur de ce mouvement qui concerne nos membres. Nous avons donc créé la société Autoparts United avec une équipe dédiée aux projets de consolidation régionaux, tout particulièrement à la fois dans le domaine du poids lourd et du véhicule léger.

Nos perspectives pour les dix prochaines années sont bonnes. Nous nous donnons les moyens d’exploiter toutes les opportunités d’un parc vieillissant, de ne pas subir une électrification qui n’aura de toute façon pas les effets dévastateurs annoncés (N.D.L.R. : cf. page 22), le tout appuyé par nos trois piliers : centrale de référencement, SmartParts et Autoparts United pour accompagner les consolidations de nos membres.

800 invités aux dix ans de Nexus

« Nous allons rassembler toute notre communauté à Monaco en mars pour fêter et surtout matérialiser nos années de succès enregistrés par une communauté aussi diversifiée qu’unie, annonce Gaël Escribe. C’est, je crois, notre grande réussite et notre force : avoir construit cet ensemble sans membres dominants, sans égo, sinon une authentique fierté d’appartenance à cette culture d’agilité qui nous portent tous au-delà du business model d’origine. » Huit cents personnes seront conviées à Monaco les 5 à 7 mars 2024 « autour d’un agenda extrêmement riche », promet Gaël Escribe. 

Un Nexus Climate Day toujours plus mature, un conseil prospectif qui comme à son habitude, adressera certains des grands enjeux de l’industrie et beaucoup d’occasions de se projeter dans le futur du marché et dans celui de Nexus. 

Monaco sera aussi l’occasion de saluer la belle éclosion de l’association Talents4AA : « Un exemple typique d’activité collaborative réussie dans notre industrie. Nous avons fédéré des parties généralement opposées sur le marché car alignées sur cette priorité que sont la valorisation et l’enrichissement du capital humain dans l’aftermarket. » Pour lui, « 2024 sera l’année du déploiement de nos efforts pour attirer les talents vers un secteur séduisant par son intégration des défis environnementaux, digitaux et organisationnels »

C’est aussi l’esprit du nouveau Nexus Experience Center. Dans sa première session de trois jours, il a réuni les nouveaux collaborateurs et les nouveaux membres pour accélérer le partage des valeurs et des innovations de Nexus...

Jean-Marc Pierret
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