Marché lubrifiant : Une stabilité portée par un parc vieillissant

, mis à jour le 05/06/2025 à 16h19
Image
TOTALENERGIES vidange

Les ventes de lubrifiants auto ont repris des couleurs. Après une baisse de 3,8 % des volumes en 2023, 2024 a arrêté la chute pour se stabiliser... à un étage cependant inférieur. Sur les trois premiers mois de l’année, les ventes sont stables vs T1 2023. 

Partager sur

Chez TotalEnergies, on anticipe une année 2025 en léger retrait, sans variation majeure par rapport à 2024... sauf nouveau rebondissement économico-géopolitique ! Ce resserrement de marché est clairement structurel. « Moins de véhicules diesel, plus de versions essence et hybrides avec des carters d’huile plus petits, donc des volumes de vente qui devraient progressivement se réduire », décrit Claire Nicolosi, directrice Lubrifiants France de TotalEnergies. Ce phénomène se retrouve dans les chiffres : + 4 % des volumes de vente de lubrifiant pour véhicules essence et mixtes, contre un significatif - 25 % pour les versions diesel en 2023 ! Mais des pertes de volumes « compensées par un parc croissant et vieillissant de véhicules que les automobilistes veulent garder et qui ont besoin d’entretien », complète-t-elle.

Coût des matières stable, prix à la hausse

Volumes également compensés par un gonflement de la facture “vidange”, avec en 2024 un tarif (huile + filtre à huile) variant de 50 à 150 €. Pourtant, selon les fabricants, la folle inflation post-crise sanitaire puis d’approvisionnement a cessé pour laisser la place à une stabilisation des coûts des matières premières, voire une légère diminution. Cause du gonflement de la facture : une montée en gamme des lubrifiants pour répondre aux préconisations constructeurs toujours plus technologiques. Pas étonnant donc que les MDD dépositionnées continuent de gagner du terrain, y compris chez les garagistes sous la pression de leur clientèle de particuliers comme chez les gestionnaires de flottes. Autre tendance à noter : la remontée du DIY depuis deux ans. « À quelques exceptions, la vidange reste accessible avec pour unique complexité le choix du lubrifiant adapté », note-t-on chez Castrol. D’où le travail des industriels pour optimiser leur sélecteur d’huile en ligne.

IAM gagnante

Dans ce paysage, l’après-vente indépendante tire son épingle du jeu. Avec près d’un tiers du marché chacun, MRA et retailers sont sur une tendance toujours haussière, tandis que les réseaux constructeurs – un gros tiers des ventes – perdent tous les ans du terrain. Mais attention, les 10 % de marché restants passent par Internet... Une dynamique en plein essor à surveiller.

Jérémie Morvan

• 2024 : + 0,17% en volume par rapport à 2023, à 273 258 tonnes de lubrifiant automobile (source CPL).
• T1 2025 :- 5%en volume vs T1 2023, à 69 138 tonnes de lubrifiant auto (source CPL).
• Répartition par type de producteur (pdm):
                      53 % Pétroliers
                     46,6 % Indépendants du graissage
                       0,3 % Autres

Émissions polluantes : les lub’ en prennent pour leur grade

Une baisse continue des volumes des grades 10W-XX et supérieurs remplacés par une augmentation des volumes des grades 0W-XX... avec une résistance notable du 5W30 en France principalement, boosté par les moteurs pure-tech de Stellantis nécessitant plus de viscosité ! Résultat, avec 40 % de part de marché estimée, le grade 5W30 fait jeu égal en volume avec les 0W, huiles à faible viscosité. « Ces produits sont vertueux en matière de réduction des émissions de CO2. En permettant de réduire les frottements, ils favorisent la baisse de la consommation de carburant. Ils sont non seulement à recommander d’un point de vue technique pour les nouveaux moteurs, mais aussi pour leur impact positif », insiste Claire Nicolosi (TotalEnergies Lubrifiants France). Huile doit aujourd’hui rimer avec réduction des émissions polluantes. « Certes, nous vendons des lubrifiants pour des véhicules thermiques, mais nous contribuons à réduire leur impact environnemental. Nous agissons sur les émissions de CO2 avec des carburants plus respectueux de l’environnement (E85, HVO) et des lubrifiants plus fluides. Nous œuvrons également pour rendre toute la chaîne plus vertueuse en incorporant 50 % de plastique recyclé dans nos bidons et en transportant nos produits dans des camions utilisant de plus en plus de biocarburants », complète-t-elle.

Vers des lubrifiants plus écologiques

Dans cette logique, les huiles régénérées commencent à prendre leur place. Estampillées “plus durables”, elles s’affirment aussi performantes que des “neuves”. L’énergéticien a ainsi initié l’année dernière une offre issue d’huiles régé- nérées (huiles recyclées, purifiées, traitées par hydrogénation pour donner des huiles de base de grande qualité ensuite additivées) : Quartz EV3R (VL) et Rubia EV3R (PL). Le Barista Oil Garage de Kennol est compatible et associable avec les Ecobox 20 l et les fûts de 220 l. « L’important était de développer des produits plus vertueux sans jamais dégrader leur performance et à partir d’huiles recyclées de très grande qualité. Nous avons également voulu obtenir des homologations constructeurs (PSA, Renault, Volkswagen), gage de qualité qui rassure le consommateur final comme le client professionnel. » « Seules les huiles de groupe 1 sont pour l’heure disponibles en régénéré. L’offre n’est pas prête pour les huiles du groupe 3 et supérieur (80 % du marché), mais cela aurait du sens de développer un produit régénéré pour ces grades ! Cyclevia a fait un appel à projets en ce sens. Mais il y a encore de multiples questions à résoudre, notam- ment en matière d’homologation... », complète Léa Morihain, directrice générale de Kennol.

Un moteur, une huile

La tendance est aujourd’hui à une formulation de lubrifiant par moteur... avec un engouement pour des lubrifiants spécifiques adaptés à des moteurs downsizés et turbocompressés. Ainsi, avant la norme Euro 6, un véhicule lubrifié d’origine en 0W30 pouvait passer en 5W30 pour les vidanges, avec des huiles plus ou moins interchangeables. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Car, explique un professionnel : « Le vrai enjeu n’est plus tant la lubrification du moteur que la gestion de la dépollution. C’est l’obsession des constructeurs ! Et remplacer une référence homologuée par une autre, c’est risquer de faire tomber la garantie avec, de surcroît, un moteur qui a perdu en efficacité en termes de dépollution. »

Casse-tête de la référence

Résultat : le nombre de références explose. « Il y a encore quinze ans, avec une demi-douzaine de viscosités, le garage traitait 95 % de ses entrées atelier. Aujourd’hui, il y en a plus de quinze au minimum ! Les professionnels stockent de petits fûts de 60 litres ou disposent de bars à huile », explique Eddy Albert, responsable national des réseaux mécanique VL Autodistribution. Le “bar à huile”, capable d’accueillir plusieurs références, tient donc la vedette dans les ateliers ! Mais en petite quantité... « À l’heure actuelle, disposer d’une douzaine de références n’est même plus suffisant ! Chaque constructeur a sa propre norme, chaque moteur ses spécifications. Il faut avoir le “0.20” Renault, VW... Effet induit : la multiplicité des références impacte directement le prix de la prestation car ils sont quasiment obligés d’acheter l’huile à la demande, en petit contenant... Ce qui revient évidemment plus cher », conclut Guillaume Abecassis, responsable marketing et concept manager Bosch Car Service. Et si le distributeur doit proposer à son client une logistique bien huilée, le professionnel doit pour sa part gérer finement ses stocks à l’atelier. « Notre barista permet de délivrer la quantité exacte d’huile nécessaire par véhicule en fonction du VIN et d’indiquer en temps réel les volumes d’huile restants », indique à cet égard Léa Morihain.

Caroline Ridet

Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire