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Expertise automobile: le très intéressant témoignage d’un jeune expert inquiet…
Publié le 07/01/2013
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Tout témoignage n'a pas valeur statistique et n’engage que celui qui le produit. Certes. Mais celui-là nous a paru intéressant dans son ensemble à plus d’un titre : ce courrier est présenté comme émanant d’un jeune expert qui veut encore croire à son métier et dénonce des dérives que nous avons déjà entendues de-ci de-là… et témoigner anonymement pour ne pas nuire à sa carrière et/ou au cabinet qui l’emploie, un peu à l’image des confessions de carrossiers que nous recueillions durant l’année 2010 et qui réclamaient aussi l’anonymat par peur du pouvoir des donneurs d’ordres. Bien sûr, il appelle vos commentaires. Masqués ou non. Et concordants ou non…
Mise à jour au 23 juin 2016 : cet article fait partie des quelques-uns qui poursuivent une étonnante car prolifique "carrière internet" sur notre site. Il a déjà été consulté plus de... 25 000 fois depuis sa mise en ligne en janvier 2013 ! Un indice de plus venant confirmer l'un de nos axes rédactionnels depuis que ce témoignage a éveillé notre intérêt. La vie des experts n'est visiblement pas simple...
"Madame, Monsieur,Je me permets de vous écrire afin de vous faire part de mes inquiétudes concernant l’évolution du métier d'expert en automobile. Je suis un jeune expert salarié dans un cabinet privé, dynamique, motivé et ambitieux. Malgré tout, il me semble difficile d’envisager sereinement l’avenir de ma profession.En effet, ces dernières années, je constate avec regret que l’ingérence des donneurs d'ordres (assurances, banques et mutuelles) sur les cabinets d’expertise automobile évolue de façon nuisible aussi bien pour les assurés que pour nous experts. La liberté de l'expert automobile indépendant est aujourd'hui sérieusement mise à mal.La mainmise des donneurs d'ordres sur les cabinets privés devient étouffante et intolérable. En s'appuyant sur les résultats économiques des uns et des autres, en comparant l’incomparable, les donneurs d'ordres nous imposent de sans cesse diminuer les coûts moyens de sinistre. Tout cela au détriment des assurés et toujours sous la menace de diminuer ou de faire perdre aux experts des portefeuilles de missions.Nombreux sont nos rapport modifiés sous la pression des experts conseil ou autres conseillés salariés des compagnies qui nous demande de diminuer ou d'augmenter les VRADE (Valeur de remplacement à dire d'expert) à leur convenance (en jouant ouvertement avec les plafonds de recours). Nous en sommes arrivés aujourd'hui à une situation plus qu'inacceptable et qui malgré tout ne semble plus étonner personne car rentrée dans les habitudes au fil des années. Certains mandants se permettent même d'établir nos grilles d'honoraires de façon arbitraire sans concertation et sans tenir compte des particularités de chacun alors que nos prestations sont normalement libres. D'autres font même varier ces mêmes honoraires en fonction de nos résultats économiques.Nous en sommes arrivés à des situations impensables il y a encore quelques années. Sur le terrain, nous hésitons parfois à ordonner aux réparateurs des contrôles de géométrie, des tests de freinage et de suspension, des mesures de soubassements et autres contrôles de sécurité fondamentaux, afin d’éviter l’augmentation du coût de la réparation. Les relations entre les cabinets d'experts se dégradent sous le poids de la concurrence qui prend parfois le pas sur la déontologie.Un expert se doit de tout mettre en œuvre pour donner les moyens aux réparateurs d'effectuer les travaux sur un véhicule accidenté dans les règles de l’art et ce genre de préoccupations ne devrait même pas lui traverser l’esprit lorsqu'il est devant un véhicule.Extrait du code de déontologie de l'expert automobile :«Article 11 : Impartialité1. L’expert en automobile doit toujours considérer qu'une mission lui est confiée, notamment, en raison de ses obligations d'impartialité et de loyauté, qui sont exposées dans le présent Code. Il doit donc conserver en toutes circonstances son objectivité, même s'il est missionné ou rémunéré par une partie.2. Il doit pour cela, tout en considérant les intérêts légitimes de la personne qui l’a choisi, exécuter sa mission de façon impartiale. (...)4. L’expert en automobile s’interdit d’accepter une mission s’il n’est pas en mesure, pour quelque raison que ce soit, de garantir qu’il pourra la conduire de manière totalement impartiale à l’égard des parties ou des personnes qui sont concernées par l’expertise ou par le différend en cause.6. L’expert en automobile qui, en cours d’expertise, estime ne plus être en mesure de garantir cette impartialité, a le devoir d’en informer les parties et d’interrompre sa mission.»La réalité est toute autre et l'intérêt économique de nos interventions a largement pris le pas sur celui de la technique. Un bon expert est aujourd'hui un expert «pas cher», c'est à dire avec un bon coût de sinistre. Et cela n'étonne plus personne. On n’hésite pas à nous le faire remarquer lors des nombreuses réunions mandants/experts qui prennent des allures de conseil de discipline avec l'affichage au tableau des bons et surtout des mauvais élèves.Malheureusement, notre profession est aujourd'hui peu défendue. Certes l'ANEA (alliance nationale des experts automobile) fait de son mieux, mais ses moyens sont dérisoires face aux pouvoirs des compagnies. Les membres décisionnaires de cette alliance sont pour la plupart patrons de cabinets qui sont eux-mêmes dépendants des donneurs d'ordre et donc pas aussi libre qu'ils le souhaiteraient. Les dernières tendances entre assurances visent à tout simplement "shunter" l'expert lors d'un sinistre afin d'éviter les frais engendrés par notre prestation au détriment de la qualité de service et de la sécurité. En effet, depuis peu, des plateformes de «techniciens» sont mises en place pour effectuer les expertises à distance sur photos, sans aucun respect du contradictoire, ayant pour seul objectif des résultats économiques, la baisse du coût moyen de sinistre et de la note d'honoraires.Plus récemment encore, la mise en place du «Chiffrage Autonome du Réparateur» (CAR) par COVEA (d'autres suivent) consiste à faire contrôler les devis des réparateurs par un automate de gestion (!!!) avant de lancer les travaux. Tout cela dans le but d'éviter l'expertise et ainsi de diminuer les frais d'honoraires, toujours au détriment de l'assuré, de la qualité des réparations et du respect des procédures. Une partie de notre travail est ainsi reportée sur les réparateurs qui, malgré toutes leurs qualités, n'ont pas nos qualifications techniques, juridiques et administratives pour la gestion des sinistres. Comme je l'entends souvent sur le terrain de la part des carrossiers : «à chacun son métier, je ne suis pas expert ni photographe...» (en référence aux nombreuses photo-expertises).L'avenir de notre profession est aujourd'hui en danger, les cabinets licencient en masse, on ne compte pratiquement plus d'embauche. Cela engendre un problème de renouvellement des effectifs à moyen terme car rappelons-le, un expert, avant de pouvoir passer son diplôme, doit procéder à un stage de deux ans au sein d'un cabinet en tant qu'expert-stagiaire rémunéré. Il va sans dire que, compte tenu de la conjoncture actuelle, la priorité n'est pas à la formation et à l'embauche mais à la survie et au maintien des effectifs en place.Il n'y aura donc plus de nouveaux experts formés dans un futur proche. Je vous laisse deviner les conséquences à long terme. Suivra également dans la foulée la disparition des emplois de formateurs, car devenus obsolètes.Comment pouvons-nous respecter notre déontologie et rester impartiaux dans de telles conditions?Comment assurer au propriétaire du véhicule accidenté remis en état la garantie d’une réparation de qualité, sécuritaire et fiable sous cette pression économique ? Il y a des solutions simples pour palier tous ces problèmes et rendre la raison à nos donneurs d'ordres. Pour cela plusieurs mesures sont à prendre d'urgence par le législateur :Je témoigne aujourd'hui avec regret dans l'anonymat car un tel courrier me coûterait assurément la perte de mon emploi (par la pression des groupes sur mon patron) et de sérieux problèmes tant les enjeux économiques sont importants. Je compte sur le législateur pour rapidement prendre des décisions concrètes et efficaces. L'Etat a su faire confiance aux experts en 2009 en instaurant la mise en place de la procédure VGE (véhicule gravement endommagé). Celle-ci nous donne des responsabilités supplémentaires en nous permettant d'immobiliser les véhicules selon certains critères de dangerosité après un accident de la circulation. Tous ces véhicules qui sont aujourd'hui privés d'expertise après accident sont susceptibles d'être remis en circulation sans aucun contrôle.Pourquoi nous gratifier d'un coté d'une mission de service publique liée à la sécurité routière et nous empêcher de l'appliquer de l'autre en permettant à certains véhicules de passer entre les mailles du filet et continuer à rouler dangereusement sans que son propriétaire en soit informé ?Il faut rapidement que le bon sens reprenne le dessus et il faut rendre ses lettres de noblesses à notre profession.Je tire aujourd'hui ce signal d'alarme en envoyant ce courrier à un maximum de personnes influentes et susceptibles de pouvoir agir dans l'intérêt de la profession et de tous les assurés automobiles. Vous pouvez bien sûr en faire de même.Un Expert salarié excédé
- rendre l'expertise légale dès le premier euro de dommage ;
- l'expertise doit être réalisée obligatoirement par un expert diplômé ou un stagiaire expert sous tutelle de son maître de stage. (ne plus tolérer les plateformes techniques incontrôlables dont la concurrence est déloyale) ;
- interdire l'ingérence des donneurs d'ordres dans nos dossiers ;
- interdire aux donneurs d'ordres de nous fixer des objectifs chiffrés et de nous comparer entre cabinet dans le but d'éliminer les plus «faibles» ;
- donner à l'ANEA son indépendance en dissociant ses membres des donneurs d'ordres afin qu'elle puisse agir librement et ainsi lui donner le pouvoir et les moyens nécessaires pour faire face aux nombreuses attaques auxquelles nous faisons face ;
- tolérer l'EAD (expertise à distance) réalisée exclusivement par des experts indépendants et fixer un plafond de travaux relativement bas (environ 1 500 €) au-delà duquel l'expertise terrain devient nécessaire …
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