EXCLUSIF – Les experts mettent Feu Vert « Hors-leur-loi »!

Jean-Marc Pierret
Image
A en croire cette mise en demeure adressée à Feu Vert par la CFEA (confédération des experts), un véhicule d’occasion ne pourrait être légalement expertisé, au sens de son évaluation, que par un expert automobile. Transmis à tous les pros du VO qui se découvrent donc multirécidivistes. Sans d'ailleurs jamais en avoir été informés par l’ANEA ou la CFEA jusqu'à cette initiative commerciale de Feu Vert…
Partager sur
Le président de Feu Vert, Bernard Perreau, a reçu une violente mise en demeure de la CFEA (Confédération Française des Experts en Automobile) en date du 26 mai dernier. L’objet de ce colérique courrier signé de Philippe Ouvrard, par ailleurs Président de l'ANEA ? «Votre entreprise accomplit des missions d’expertise de véhicules d’occasion. D’ailleurs, d’après votre propre  “information presse : Feu Vert réalise pour le propriétaire une expertise complète de l’état du véhicule” afin de mieux vendre les véhicules d’occasion.» Or, proclame le courrier de la CFEA, «dans les faits, nous déplorons que votre service vise à court-circuiter les activités menées par les experts en automobile, devenant ainsi responsable d’une action de concurrence déloyale».
le feu rouge de la CFEA à Feu Vert...
Mais de quoi parle-t-on ? De ce nouveau service que Feu Vert vient récemment de lancer (voir «Feu Vert : deux services de confiance») sous la forme d’une solution d’achat/vente de VO à particulier en deux packs proposant :
  • un examen complet du véhicule (intérieur, extérieur, mécanique, test routier),
  • une étude de valeur à partir de la cote Argus officielle,
  • une garantie 3 mois extensible à 6 mois pour 20 € de plus,
  • et un livret pour faciliter les démarches de ventes et d’achat.
Le tout, pour 179 € à 239 € (contrôle technique inclus) selon le pack choisi.Diag_de_lexpert Cliquez sur l'image pour découvrir l'offre Feu VertCela serait sûrement resté aussi novateur dans la forme qu’anodin sur le fond si Feu Vert n’avait pas voulu décliner là son habituel slogan récurrent : «la patte de l’expert». Car l’expertise constitue sa signature depuis des lustres. Résultat logique : le chat parle ici de «Diagnostic de l’expert» et signe la communication du nouveau service par «Expertisé & Garanti»… Et voilà pourquoi Philippe Ouvrard, président de l’ANEA et en l’occurrence, en tant que président de la CFEA, ne l’entend pas de cette oreille et s’en vient donc tirer celle de ce chat prédélinquant qui s’autorise ainsi l’inconcevable : l'évaluation VO qui ne serait en fait, ni plus ni moins, qu’une expertise. Et en cela, une inacceptable atteinte, parce qu’illégale, au monopole des experts en automobile, croit-il devoir rappeler.
«Le monopole des experts “contaminé”» selon la CFEA
Car le courrier est sans ambiguïté : «Le lancement de ce service interpelle l’ensemble de notre profession (les experts du secteur libéral et BCA Expertise) et, en son nom, nous conduisons cette intervention sous l’égide de la CFEA (Confédération Française des Experts en Automobile). Elle vise à vous rappeler quelles sont les prérogatives légales des experts en automobile en France d’une part, et en conséquence à vous mettre en garde sur un volet de votre projet d’entreprise, qui semble vouloir faire évoluer Feu Vert vers une activité d’expertise automobile».Et voilà le service de Feu Vert «ambigu et trompeur» comme le souligne Philippe Ouvrard en page 2 de son courrier. Car il ne veut visiblement pas lâcher l’affaire, laissant clairement filtrer la menace d’une procédure et la nature des arguments qui seraient alors employés : «la contamination du monopole de l’expert est corroborée par vos propos» ; «Vous prétendez être le seul à proposer ce service, ce qui est faux puisque des services comparables nommés “Carré Expert Pro” et “Experveo” existent» ; «par conséquent, vous induisez en erreur votre public en vous attribuant des missions et le titre d’expert qui font l’objet d’un monopole que vous ne détenez pas sachant qu’en outre, la qualification d’expert en automobile est pénalement protégée». Et d'évoquer alors «Les pratiques commerciales trompeuses» et des «allégations ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur».Diantre...  On imagine déjà le poil hérissé du petit chat taquin, crachant et fuyant devant une meutes d'avocats...
Confusion entre expertise et expert ?
Mais Philippe Ouvrard ne part-il pas un peu vite en agitant avec tant de véhémence le réputé monopole des experts sous le museau dénoncé trop gourmand du félin malin ? A-t-il raison de le réduire ainsi à ce chat de gouttière mal élevé qui vient piller le garde-manger des honnêtes experts ?Car finalement, Feu Vert a-t-il seulement prétendu faire de l’expertise au sens où l’entend Philippe Ouvrard ? Il faut peut-être raison garder et réfléchir un instant : si la prestation que vient de déployer Feu Vert est illégale car soumise au seul monopole des experts, la CFEA et son président ne devraient-ils pas alors circulariser sur le même ton tous les réseaux RA1 et RA2, tous les négociants VO, garantisseurs VO et autres spécialistes du domaine ? Car eux aussi, quotidiennement, “expertisent” de la même façon les véhicules qu’ils reprennent, revendent ou garantissent en s’affranchissant de toute expertise automobile au sens de l’article du Code de la route…A moins que ces professionnels-là de la filière auto, même sans l’appui d’experts dûment désignés et listés par le ministère des Transports, ne soient en fait légitimes à auto-évaluer ces véhicules. Alors pourquoi ne le seraient-ils plus si, comme Feu Vert le fait, ils mettent leurs compétences sinon reconnues, au moins jamais déniées par l’ANEA ou la CFEA, au service de l’évaluation d’un véhicule convoité ou cédé par un particulier ? Car n’en doutons pas : si le service de Feu Vert devait connaître le succès alors que les centres du réseau ne sont pas à proprement parler des spécialistes du VO, les dits spécialistes de l’occasion auront tout intérêt, eux aussi, à y venir…
Le ministère des Transports interpelé !
Mais qu’ils s’en gardent bien car il faudra passer d’abord sur les corps constitués qui représentent les experts. Le courrier de Philippe Ouvrard, même s’il explique au président de Feu Vert «qu’il […] paraît opportun de nous rencontrer», ferme en même temps la porte à toute discussion préalable entre gens de bonne compagnie : «Devant l’importance du sujet, tant pour la profession que pour la Sécurité routière, nous transmettons, dès à présent, copie de ce courrier ainsi que les éléments en notre possession sur votre service d’expertise au ministère de l’Intérieur, qui est l’autorité dont dépend notre profession».Effectivement, vu comme ça et face à l’urgence manifeste que l’initiative de Feu Vert semble faire peser sur l'ordre et la sécurité publique, il est temps que le Président de la République prenne la parole, que le Gouvernement réagisse, que l’opposition se mobilise et qu’une Commission d’enquête soit promptement diligentée par le Parlement. Sinon de toute façon, la Commission européenne, l’Organisation Mondiale du Commerce et le FMI vont sûrement vouloir suspendre leurs travaux pour se prononcer...A moins que tout ce qui est excessif ne devienne insignifiant encore une fois. A moins surtout que la CFEA et l'ANEA ne se trompent là de combat en défendant un monopole peu menacé par Feu Vert. En continuant d'oublier, volontairement ou pas, la perte d'indépendance vis-à-vis des assureurs qui, elle, préoccupe pourtant beaucoup d'experts...Mais c'est là l'indirecte bonne nouvelle de ce courrier : Philippe Ouvrard y cite l'article L326-6 du Code de la route. C'est donc qu'il le connaît et l'a retrouvé (voir «Experts : quand les CFEA et ANEA se souviennent de l'art. L326-6») : il va donc pouvoir répondre à nos vieilles questions toujours sans réponse sur le sujet...
Jean-Marc Pierret
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire