Groupe Laurent : vers l’indispensable taille nationale?

Jean-Marc Pierret
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Le Groupe Laurent, implanté sur le quart Sud-Est de la France, veut rendre nationale son activité de distribution de pièces Laurent Automobile. Le moyen ? Transformer son réseau actuel de 59 agences régionales en distributeurs exclusifs repris par des investisseurs et, probablement, déployer au moins autant de nouveaux distributeurs qu'il en a déjà. Le groupe, qui a déjà ouvert le capital de sa société Exadis à Renault et ses concessionnaires, multiplie les entrepôts et plateformes et semble bien vouloir adopter une stratégie différenciée lui permettant d'ambitionner une taille que la concentration croissante du marché lui impose...Le groupe Laurent (environ 120 millions d'euros de chiffre d'affaires consolidé) vient d'inaugurer une stratégie pour le moins audacieuse. Dans un récent communiqué, il annonce vouloir changer ni plus ni moins de modèle économique en «transformant son réseau en propre (59 agences implantées dans le grand Sud-Est) en un réseau de distributeurs exclusifs Laurent Automobile». Pour cette «transformation en profondeur», le distributeur souhaite recruter des investisseurs auprès «de l'ensemble des salariés du groupe». Mais il précise aussi s'ouvrir pour l'occasion «à tout candidat investisseur» extérieur à l'entreprise.Quel "réseau Exclusif" ?Les prémices de cette volonté nationale existent déjà : Exadis ne multiplie-t-il pas à marche forcé les entrepôts et plateformes afin de couvrir l'ensemble du territoire ?En revanche, on ne sait pas encore ce que recouvre précisément cette notion de distributeurs exclusifs. Le groupe Laurent imagine-t-il une franchise façon Doyen/API ou envisage-t-il de complexes contrats assurant un approvisionnement imposé auprès d'Exadis, devenue de fait la centrale d'achat de l'ensemble ? Souhaite-t-il revendre ainsi l'ensemble des 59 agences ou seulement une partie, réservant ce recrutement d'investisseurs aux nouvelles implantations qu'il ambitionne inévitablement, puisque le but affiché est précisément «d'étendre le développement de son réseau actuellement implanté sur le quart sud-est de la France à l'ensemble du territoire national» ?En déplacement, Vincent Laurent, le P-DG du Groupe, ne pourra répondre à ces questions que le 21 juillet. Et nous sommes impatients de lui en soumettre d'autres.Option financière et stratégiqueA commencer bien sûr par la façon dont on doit comprendre cette décision. Elle peut de fait recéler un double avantage financier et stratégique. Financier, car la revente des agences a d'abord la vertu d'alléger le groupe des stocks, charges salariales et frais fixes qui pèsent actuellement sur les agences et seront dès lors transférés dans des entreprises autonomes. Il est probable qu'il y a là matière à prédire de meilleurs lendemains pour le groupe. Sa société Laurent Père et Fils perdait en effet plus de 1,5 M€ par an en 2014 et 2015 et son chiffre d'affaires reculait de plus de 8%. Sur la même période, Exadis dégageait péniblement 673 000 euros en 2015 après une année blanche en 2014...Quant à l'avantage stratégique de cette transformation, il n'est pas en fait totalement déconnecté de ces impératifs financiers. Il semble tout d'abord évident, pour toute société de distribution gérant à la fois des filiales et des adhérents indépendants, que les premières ont des inclinations bureaucratiques quand les seconds sont censés manifester un bien plus évident dynamisme entrepreneuriale. En outre, s'il faut rapidement se développer au niveau national, mieux vaut compter sur des entrepreneurs-investisseurs séduits par l'accompagnement et les compétences de Laurent. Ce sera sûrement plus rapide et moins coûteux que de construire et financer quelque 60 filiales supplémentaires et au moins le double en points de vente avant de pouvoir revendiquer une couverture hexagonale digne de ce nom.La nécessaire différenciationCertes, sur un marché français dominé par le duo Autodis/Autodistribution/Doyen et Alliance Automotive Group/Groupauto/Precisium/partner's, l'ambition pour Laurent de devenir de fait une troisième alternative nationale n'a rien a priori d'évident. Mais au fond, a-t-il d'autres choix, quand les van Heck, Alternative Autoparts ou Autolia revendiquent de devenir eux aussi la force alternative aux deux géants de la distribution ? Quand il a déjà pu constater, dans des ébauches de rapprochements, que le marché pourrait bien le marginaliser en se concentrant sans lui ?Car il devient de plus en plus évident pour le commerce de la pièce que seule la taille et la concentration permettent de bien acheter et donc, de bien vendre. Et que la marche est chaque jour plus haute. Le groupe Laurent n'est évidemment pas le seul à constater qu’inexorablement, la concentration du marché lui coûte à la fois du chiffre d'affaires et des points de rentabilité.L'accélérateur "réseau Renault" ?Exadis, qui subit entre autres la dure concurrence croissante des plateformes de groupements, qu'il s'agisse d'ACR ou de Préférence, a déjà trouvé une échappatoire de croissance.  Il a fait entrer à son capital Renault et son groupement de concessionnaires et, au travers d'eux, le potentiel de ventes additionnelles que représente le 1er réseau français. N'excluons d'ailleurs pas que lesdits concessionnaires Renault constituent sinon l'essentiel, au moins une partie conséquente de ces investisseurs hors salariés du groupe que Laurent appelle de ses vœux. Renault ne semble-t-il pas bien décidé à s'appuyer sur ses concessionnaires pour investir le marché de la pièce indépendante quand PSA reste arcbouté sur sa propre solution centralisée (voir «Renault/Exadis démode-t-il PSA/Distrigo ?») ?En attendant d'en savoir un peu plus, démonstration est peut-être en voie d'être faite que, lorsque l'on pèse 120 millions entre les deux mastodontes Autodis Group et Alliance Automotive Group, on ne peut plus faire la différence... qu'en se différenciant. C'est la voie que semble vouloir emprunter Laurent. A suivre...
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Jean-Marc Pierret
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