Expertise et décontamination des véhicules : vers une facturation dédiée ?

Romain Thirion
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A la suite d'un communiqué de la Confédération française des experts en automobile (CFEA) le 21 avril dernier, recommandant un nettoyage et une désinfection par le réparateur des véhicules à expertiser, la question de la facturation de la prestation se pose et les remontées terrain poussent à croire que les carrossiers ne se prêteront pas à la tâche gracieusement, compte tenu du temps et de la main d'œuvre qu'implique celle-ci, surtout lorsqu'elle doit être répétée plusieurs fois sur un même véhicule.
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Dès le début des mesures de confinement prises par le gouvernement afin de freiner la propagation du coronavirus responsable de l'épidémie de Covid-19, la Confédération française des experts en automobile (CFEA) avait enjoint les professionnels du métier à limiter au maximum les expertises de terrain et à recourir le plus possible à l'expertise à distance (EAD).

Mais, conscient que certains cas de figure nécessitent la présence d'un expert auprès du véhicule accidenté et que le déconfinement progressif annoncé pour le 11 mai prochain, son président, François Mondello, a fait paraître un communiqué pour préciser les exigences de l'organisation professionnelle quant au nettoyage et à la désinfection des véhicules à examiner.

Expertise isolée sur véhicule décontaminé

Rappelant que, de son côté, « la CFEA décide de tout mettre en œuvre pour renforcer la sécurité des experts en automobile qui, à titre dérogatoire, se déplacent sur le terrain, en recherchant des fournisseurs pour [les] équiper en masques et en gants », le dirigeant précise que « les expertises ne pouvant être réalisées via une EAD […] sont réalisées sur le terrain dans le strict respect des préconisations sanitaires, et tout particulièrement :

  • port d'un masque (FFP2, chirurgical ou protection alternative) et de gants ;
  • désinfection des mains avant et après l'expertise avec une solution hydroalcoolique ;
  • privilégier l'expertise du véhicule sans la présence du réparateur qui aura mis le véhicule en situation d'expertise isolée et s'assurer qu'il aura été au préalable décontaminé en le désinfectant sur la base d'un protocole approprié. L'accord contradictoire sera formalisé à distance au retour de l'expertise ;
  • pas de déplacement terrain si le réparateur ne confirme pas préalablement avoir isolé et décontaminé le véhicule ;
  • si la présence du réparateur est indispensable, respecter une distance d'au moins un mètre entre les personnes. »
Des mesures-type recommandées

Et François Mondello d'adresser, en annexe à son communiqué, une série de mesures-type pour la mise en situation d'expertise isolée et la décontamination des véhicules. Ainsi, le véhicule doit-il être positionné dans un endroit qui permette d'en faire le tour à plus d'un mètre d'éléments susceptibles d'être contaminés, d'avoir accès au véhicule en dehors de la proximité du réparateur, de pouvoir contrôler l'ensemble des organes nécessaires, le cas échéant sur un pont élévateur. Et en cas de visite de fin de travaux dans le cadre d'une procédure VE, l'essai du véhicule [doit être] réalisé par l'expert, non accompagné.

Pour sa décontamination, selon le président de la CFEA, le véhicule doit être mis en sécurité sanitaire par le réparateur lui-même, assurant une propreté sur le plan microbiologique en trois étapes. D'abord, un dépoussiérage par essuyage humide afin de limiter la mise en suspension de poussières, vecteurs de germes. Puis une détersion, opération visant à éliminer les salissures. Enfin, une désinfection par contact, visant à détruire la population microbienne résiduelle. Il est également précisé, en direction du réparateur, le type de produit à utiliser pour la détersion et la désinfection des surfaces : d'abord un détergent désinfectant puis de l'eau de javel à 0,5% (5 000 ppm), ou tout autre produit validé par la norme EN 14 476.

Les réparateurs libres de refacturer

Bien entendu, pour le carrossier, même si son activité est bien moindre que de coutume depuis le début du confinement, et ne risque pas de revenir immédiatement à son niveau normal après le 11 mai, toutes ces étapes de nettoyage et de désinfection réclame du temps... et de la main d'œuvre ! Et en cette période de grand creux d'activité, pour les réparateurs qui continuent à travailler, qui n'ont pas mis leurs compagnons au chômage partiel et doivent continuer à supporter les charges de leur exploitation, procéder gracieusement à ces opérations qui sont, certes, du domaine de la préservation de la santé de tous ceux amenés à travailler sur le véhicule, s'avère coûteux.

Résultat : certains carrossiers ont augmenté leurs taux horaires en conséquence. Et ce, d'autant que la maîtrise du coût sinistre dans une période où la sinistralité automobile est au plus bas et où la majorité des compagnies et mutuelles d'assurance engrangent les cotisations des automobilistes sans leur en restituer une partie ne fait pas autant sens que d'habitude pour les donneurs d'ordres. Et si les gros cabinets libéraux ou ceux de BCA Expertise semblent « jouer le jeu », d'après un réparateur du centre de la France qui a tenu à rester anonyme, d'autres refusent catégoriquement ces taux horaires révisés, ainsi que les lignes de facturation liées aux produits utilisés pour le nettoyage et la désinfection.

Du temps et des efforts à valoriser

« Les process que nous mettons en place actuellement pour répondre aux exigences de la CFEA ainsi qu'à celles de nos clients ne vont pas se limiter aux quelques semaines qui viennent, ajoute ce professionnel. Il va nous falloir les adopter et les répéter durant plusieurs mois, ce qui alourdit assurément nos coûts de structure : pour un sinistre standard, il faudra passer par quatre désinfections sur un même véhicule, à différentes étapes, voire à cinq décontaminations si un véhicule de prêt entre dans l'équation. »

D'où la création éventuelle d'un forfait nettoyage à même d'absorber les coûts liés à cette prestation de nettoyage et de désinfection, façon la plus transparente de rendre celle-ci compréhensible à la fois du client final et de son assureur. Si tant est que les experts revêches acceptent de considérer que nécessité fait loi et qu'en temps de pandémie, le sacro-saint coût moyen sinistre puisse être remis un tant soit peu en question, surtout lorsque lesdits sinistres se font plus rares que jamais...

Romain Thirion
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