1er trimestre : l'étonnante disparité entre distribution et réparation

Jean-Marc Pierret
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Inflation Vs Pouvoir d'achat

Alors que les MRA affichent une activité à - 4,3 % au cumul des trois premiers mois de l’année selon l’Observatoire mensuel AM Today/EBP MéCa, la distribution PR traditionnelle, elle, vient d’enregistrer au moins + 4 à + 5% sur la même période. Un écart certain qui pose question, puisque lesdits MRA sont les clients naturels desdits distributeurs. La réponse est peut-être déjà chez les consommateurs automobilistes...

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Côté distribution, on estime que cette hausse de 4 à 5 % couvre plus ou moins l'inflation du premier trimestre. Ce qui reviendrait à dire que c'est au-delà seulement de ce chiffre qu'un distributeur peut revendiquer une vraie hausse de volumes. Et là aussi, prudence : ceux qui ont un mix trop "chimique" (peintures, lubrifiants) peuvent avoir à "effacer" une part d'inflation bien supérieure avant de pouvoir prétendre gagner des parts de marché.

Ceux qui, apparemment assez nombreux, progressent plus que l'inflation ne boudent sûrement pas leur plaisir. D'autant qu'ils se comparent à un premier trimestre 2021 qui avait été plutôt soutenu, porté par un effet contrôle technique qui avait dopé mars. Et qui, cette année, est attendu en mai-juin.

Les vertus inflationnistes...

Conscients que les hausses tarifaires vont se poursuivre, les centrales d’achats ont anticiper au mieux leurs réapprovisionnements d’autant que, même si les toussotements pandémiques des usines chinoises inquiètent, les acheteurs ne se plaignent pas encore de difficultés notoires côté sourcing.

En outre, l’époque inflationniste a en effet une vertu rare qui libère les passages de commandes : au lieu de se dévaluer avec le temps, les stocks existants se sont bonifiés et ceux à venir ont toutes les chances d’offrir le même bonus. Les centrales qui viennent de se réalimenter en freinage avant les augmentations annoncées de 10 à 15 % doivent même ravir leur direction financière.

Des hausses, mais jusqu'où ?

Ce qui est pris n’est certes plus à prendre. Aucun distributeur ne veut toutefois se réjouir trop vite de cette conjoncture. D'abord parce qu'ils constatent assez généralement un début d'érosion des marges. Car une structure de distribution paie cash le rattrapage de l'inflation dans sa masse salariale, l'explosion des coûts de l'énergie pour ses bâtiments et celle des carburants côté flottes de livraison.

Certains distributeurs sont conscients de l'effet trompeur de l'inflation. Pour garder la tête froide, ils isolent, dans leurs tableaux de bord, le poids de l'inflation de la croissance des chiffres d'affaires. Ils savent aussi que les avantages précités de l’inflation peuvent vite venir se fracasser sur une réalité : le seuil de tolérance des consommateurs s'avère de plus en plus variable d'une région à l'autre selon le pouvoir d'achat et le taux de chômage. L’importance qu’a pris le coût de la vie dans les thèmes de la campagne présidentielle montre bien qu’on surfe avec les limites. Et cette limite, la facture d'entretien des véhicules l'incarne toujours aussi visiblement que rapidement.

Entrées atelier peu toniques

En ce qui concerne la nette contre-performance constatée par l'Observatoire AM Today/EBP MéCa, on peut bien sûr s'interroger sur la représentativité de son panel, peut-être trop massivement localisé dans des zones sinistrées. Mais la tendance semble bien là. Et par nature, les MRA sont les premiers confrontés à la "France d’en bas". Très attentifs aux difficultés de leurs clients, ils commencent peut-être à assumer le rôle de variable d’ajustement en consentant remises et rabais...

Une chose est toutefois certaine : les MRA ne sont pas les seuls à constater un tassement des entrées atelier. Du côté de grands réseaux franchisés, on reconnaît un premier trimestre bien moins tonique que la fin d'année 2021.

Kilomètres perdus

Figé par la vague Omicron, stressé par la guerre d'Ukraine puis appauvri par la flambée du prix des carburants et du reste, le consommateur regarde son auto plus comme un fauteur de coûts que comme un facteur de liberté. En janvier, la consommation de carburants routiers restait en retrait de 9,7% par rapport à janvier 2020; en février, elle affichait encore - 1,8 % et en mars, elle se contentait de recoller au niveau pré-Covid. Les kilomètres perdus ne conduisent jamais aux ateliers d'entretien-réparation...

Une autre explication enfin pourrait expliquer en partie cet important différentiel d'activité entre les distributeurs indépendants et les réparateurs multimarques : le besoin croissant de dépannage des réseaux constructeurs en mal de disponibilité de pièces dites "d'origine". Beaucoup de distributeurs constatent la croissance de la demande des ateliers agréés, en pièces de carrosserie comme concurrencées.

"Ceux qui pensent déjà subir la crise n'ont peut-être encore rien vu", s'inquiète un distributeur pourtant habituellement optimiste. Comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant....

Jean-Marc Pierret
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