Oser investir dans la technologie… et l’humain

Romain Thirion
Image
Chris Hollingsworth, président de Repairify

Faire des défis des opportunités. Et trouver la voie vers une "une stratégie durable pour réussir" ("Sustainable strategy for success" en anglais). Tel était le postulat de l’IBIS Global Summit, le grand symposium dédié au marché de la réparation-collision derrière le thème majeur de sa 23e édition.

Partager sur

Les entreprises qui pratiquent la carrosserie sont en première ligne du parc roulant et appelées à intervenir sur tout véhicule neuf dès sa mise en circulation. « Malgré les douze ans d’âge moyen du parc européen, les spécialistes de la réparation-collision captent la part la plus jeune de ce parc. C’est pourquoi l’industrie de la collision est un laboratoire de la réparation », explique Rex H. Green, directeur général et co-responsable mondial pour l’après-vente automobile de la banque d'investissement Jefferies LLC. Aussi les entrepreneurs du secteur doivent-ils avoir dans leur manche les "quatre as" de la mobilité contemporaine.

D’abord, répondre aux problématiques du véhicule partiellement autonome en améliorant leur compétence sur la calibration des ADAS. Ensuite, prendre en compte à la connectivité accrue des véhicules – tendance lourde en première monte – via des outils dédiés, notamment côté diag’. Également, s’adapter à l’électrification croissante des véhicules par l’habilitation du personnel. Enfin, répondre aux besoins des véhicules de flotte et de location, dont la part croît très fort dans le parc.

Des tendances que confirme une étude Allianz réalisée en 2023 et révélée lors du sommet. À horizon 2030 selon l’assureur allemand, 50 % des VN seront électriques, 60 % des ventes se feront en ligne directement auprès de l’utilisateur, 50 % des véhicules seront connectés, 60 % de la mobilité urbaine sera en autopartage… Et 10 % des nouveaux modèles embarqueront des ADAS de niveau L3, ce qui représente le premier niveau de conduite autonome, qui oblige toutefois à l’humain la faculté de reprendre le contrôle.

Adresser tous les besoins

« Les ADAS, en l’occurrence, sont une poule aux œufs d’or car le taux d’équipement augmente et les ateliers qui s’équipent pour les recalibrer vont forcément connaître la croissance, car la marge qu’ils peuvent tirer de l’acte est importante », plaide Rex H. Green. Et même si la décision de réparer va incomber à davantage d’acteurs – conducteur, loueur, assureur, gestionnaire de flotte – parfois même en concertation, le marché va s’orienter vers des acteurs capables d’adresser tous les besoins. Un mécanisme qui conduit à un mouvement de concentration des ateliers dans la sphère anglo-saxonne mais auquel le marché français résiste très bien pour l’instant, grâce à son tissu de réseaux d’indépendants.

Néanmoins, pour durer, ceux-ci doivent absolument atteindre une échelle nationale, voire internationale, un maillage à la fois large et dense, doté d’ateliers importants même hors des principales zones urbaines où se trouvent essentiellement les flottes. Disposer d’une importante assise BtoB, d’une forte digitalisation des services et d’une grande variété de techniciens allant jusqu’aux plus habilités sont trois des autres clés du succès. Une gageure lorsque l’on connaît la difficulté de trouver du personnel qualifié, en France comme ailleurs. Et ce, quelle que soit la qualité de l’outil de travail ou des technologies utilisées dans l’entreprise.

Prioriser les hommes… et les femmes

Sauf que les fameuses "incentives" bien connues des managers – les raisons de la motivation en somme – ne sont plus les mêmes qu’avant. En premier lieu, une jeune recrue doit pouvoir croire au projet de l’entreprise et le patron doit pouvoir transmettre ses valeurs de cœur afin de rendre attractif l’emploi qu’il propose. Telle est la première clé de la création d’une marque employeur forte qui, loin d’être réservée aux grandes entreprises, doit être aussi la priorité des carrossiers.

Un bon salaire passe désormais en arrière-plan des priorités des jeunes générations de travailleurs. « L’argent ne permet que d’acheter du temps, pas de la loyauté. Ce qui intéresse les "millennials" déjà en poste et les jeunes de la Génération Z qui arrivent sur le marché du travail, sont davantage les questions de diversité, l’impact de leur employeur sur l’environnement et le bien-être des collaborateurs au sein de l’entreprise. Mais attention, une démarche RSE n’a d’impact que si ses résultats sont démontrables », insiste James Crawley, consultant pour IBIS et lui-même entrepreneur et investisseur.

Autre pilier d’un employeur attractif de nos jours : une communication authentique. « L’honnêteté apporte de la confiance et crée du leadership. Rappelez-vous que les employés quittent des managers, pas des entreprises », insiste James Crawley.

Image
James Crawley, entrepreneur, consultant et intervenant sur l'IBIS Global Summit 2023

Qui sert bien ses équipes sert bien ses clients

Raison pour laquelle certains carrossiers, même en proie à des difficultés économiques, parviennent à souder leur équipe autour d’eux. D’autant que les meilleurs ambassadeurs et recruteurs d’une entreprise sont généralement… ses employés eux-mêmes, et non la direction des ressources humaines de la boîte. À l’heure des réseaux sociaux, selon James Crawley, « les impressions sur une société circulent plus vite que jamais auprès des candidats potentiels. Cessez d’investir dans le service client : investissez dans les équipes qui rendront vos clients satisfaits. » Parce que le carrossier et ses équipes sont, eux, au contact direct de l’automobiliste sinistré, contrairement aux assureurs qui s’appuient toujours plus sur des solutions digitales sans interface humaine directe.

Des assureurs que l’intelligence artificielle (IA) pourrait aider à comprendre plus vite leurs clients, en particulier au moment du sinistre. « Mais les assureurs utilisent encore principalement l’IA pour contrôler les coûts et automatiser des fonctions jusqu’ici dévolues à des personnes. Les cas d’utilisation de l’IA restent axés sur des mesures financières », regrette David J. Williams, ex-directeur des sinistres et des services techniques d’AXA UK, aujourd’hui administrateur non-exécutif de l’assureur. Signe que, même placé en bout de chaîne, le carrossier peut rester au cœur de la relation client.

Romain Thirion
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire