Gaël Escribe (Nexus) : «Prendre la vague de la digitalisation ou subir le tsunami»
Nexus Automotive International est jeune. L’ITG a donc spontanément intégré la digitalisation dès sa création en 2014. Une digitalisation qui s’est imposée à lui comme faisant partie de l’aftermarket d’aujourd’hui comme de demain. Rien de surprenant à voir l’entreprise aux déjà 40 Md€ et aux 2000 points de distribution PR dans le monde entier prendre part à l’éclosion d’une pépite digitale de l’aftermarket: la start-up indienne Ki Mobility, déjà valorisée à près de 1 Md€ en à peine trois ans...
Vous ne faites plus une sortie publique sans vanter le rôle moteur de la digitalisation dans les évolutions marquantes de l’aftermarket. Pourquoi ?
Gaël Escribe : J’ai toujours eu la conviction que la digitalisation est au cœur de la transformation de notre industrie. C’est donc naturellement que nous considérons la digitalisation comme un facteur majeur de l’innovation du secteur. D’autant plus que les investisseurs qui s’intéressent à l’aftermarket considèrent que la transformation digitale, comme la mobilité durable, sont deux paramètres indispensables dans leur évaluation qui les conduit à faire leurs choix d’investissements dans notre écosystème lorsqu’ils financent des start-up ou réalisent des acquisitions.
Vous citez souvent en exemple de digitalisation l’Inde et le groupe TVS...
G. E. : TVS est un groupe de distribution VN indien qui réalise environ 3 Md$ de chiffre d’affaires. Adhérent de notre groupement Nexus Automotive International, l’entreprise a souhaité se déployer dans l’aftermarket, alors qu’elle en était encore absente il y a quatre ans. Pour réussir, elle a fait le choix stratégique d’investir sous un angle exclusivement digital. Au sein de Mobilion (fonds d’investissement cocrée par Nexus), nous avons donc investi dans cette aventure. TVS a donc créé ex nihilo la première plateforme automobile numérique d’Inde, baptisée Ki Mobility, qui propose un parcours digital complet. Il permet au client de suivre en direct chaque étape de l’entretien-réparation de son véhicule. Ki Mobility propose au garage une inté- gration digitale de son atelier et inclut le distributeur de pièces dans ce même schéma. Ce qui permet de boucler la boucle : l’intégralité du parcours est digitalisée, depuis l’entrée atelier jusqu’à sa restitution en passant par chaque livraison des pièces et par chaque étape atelier. Cette digitalisation complète du parcours est également un formidable levier de fidélisation du client.
Où en est cette expérience indienne ?
G. E. : Lancée il y a seulement trois ans, Ki Mobility servait déjà mi-2022 plus de 2,5 millions de clients automobilistes, motocyclistes et transporteurs au travers de 1 000 garages indiens, malgré les crises sanitaires puis économiques. Son directeur général, G. Srinivasa Raghavan, anticipe une croissance très élevée en 2023 permettant d’espérer plus de 225 M$ de chiffre d’affaires sur l’année.
Rien qu’en Inde ?
G. E. : Oui. Et ce n’est qu’un début. TVS vient de lancer une application baptisée “myTVS Life360”, une appli évolutive qui propose déjà un parcours complet d’entretien intégrant une multiplicité de services dont une assistance, des pièces, une assurance, une plateforme de paiement, des accessoires, ainsi qu’une large gamme d’autres services liés à la mobilité. Elle s’est déjà élargie à la vente VO et à la location. Et le tout, pour un abonnement de 57 € sur trois ans... À l’échelle de ce seul pays, c’est une réussite indéniable sur le plan commercial et financier, puisque la valorisation de Ki Mobility s’élève aujourd’hui à 935 M$ (l’équivalent de 877 M€). Ki Mobility deviendra très vite une licorne [N.D.L.R. : une start-up qui atteint une valorisation de 1 Md$]... et peut-être même la première du genre de tout l’aftermarket mondial !
Vous pensez donc que cette initiative a vocation à s’étendre dans le monde...
G. E. : La digitalisation est par essence « scalable », donc déployable dans le monde entier. Pour avoir été longtemps le seul européen au conseil d’administration de Ki Mobility, je peux en attester : on y pense et on y réagit très vite ! Castrol India a annoncé un investissement allant jusqu’à 55 M€ dans Ki Mobility Solutions pour créer un réseau de service et de maintenance commun. En outre, l’entreprise n’intéresse déjà plus seulement des acteurs indiens de l’aftermarket : Exor, holding de la famille Agnelli en Italie, y a investi plus de 50 M€ en août dernier.
Une telle offre est-elle selon vous inéluctable ?
G. E. : Oui, parce qu’elle répond aux nouvelles attentes des utilisateurs de mobilité en offrant une réponse transparente, simple, fiable, efficace et évolutive à leurs attentes. Oui, parce qu’elle correspond à l’évolution d’un marché que nous constatons de plus en plus collaboratif, en interconnectant pragmatiquement des prestations et des services venus autant de l’OES que de l’IAM et dont l’association digitale se traduit par une efficacité redoutable dans le monde physique de l’après-vente.
Quand on voit à quelle vitesse cette solution est adoptée par les Indiens, on imagine difficilement un retour en arrière. Dans les pays occidentaux aux marchés aftermarket certes plus matures, cette solution ou d’autres similaires s’imposeront, peut-être plus lentement, mais elles créeront inévitablement de nouveaux standards. Notre conviction chez Nexus Automotive International est qu’il y aura à l’avenir deux catégories d’acteurs de l’aftermarket : ceux qui surfent astucieusement sur la vague de la digitalisation et ceux qui, en l’ignorant, en subiront inévitablement le tsunami. Notre rôle est de donner les clés à nos adhérents, pour que, partout dans le monde, ils fassent partie de la première catégorie.