Parts Holding Europe : « Le vieillissement du parc est une opportunité, mais aussi un challenge »
Le distributeur poursuit prudemment son maillage européen. Au programme, pas de conquête de nouveaux territoires, mais un renforcement des positions acquises. Jusqu’à nouvel ordre… Stéphane Antiglio, président, et Jeremy de Brabant, directeur général, dévoilent leur vision et leur stratégie.
Jeremy de Brabant : Pour l’année, nous devrions rester sur la même tendance que sur le premier semestre, avec une croissance de 7 %. Ce qui est plutôt bien dans l’environnement actuel. Sur la deuxième partie de l’année, la tendance est plutôt à un ralentissement de l’activité en France et au Benelux. En revanche, l’Italie et l’Espagne restent des marchés porteurs.
Stéphane Antiglio : Cette croissance est essentiellement organique, avec des gains de part de marché. En effet, nous n’avons pas réalisé de très grosses opérations d’acquisitions récemment, mais plutôt des rachats de petites structures en Belgique et en Espagne sur la fin 2023, qui ont contribué au CA des premiers mois de 2024. Il faut maintenant attendre pour voir si la tendance au ralentissement constaté sur le second semestre est ponctuelle ou de fond.
J. de B. : C’est aussi l’illustration que lorsque des entreprises rejoignent le groupe, un plan de développement est déployé et cela fonctionne. Nous les épaulons et investissons dans les stocks et/ou dans la logistique. Ainsi, en Italie, nous avons réalisé trois investissements logistiques importants : à Naples, Padoue et Milan. Nous avons également des projets logistiques en Espagne, où nous avons beaucoup élargi les gammes en mécanique et en carrosserie. Ce sont donc des moyens supplémentaires de conquête et de service client pour nos entreprises. S’y ajoutent quelques investissements plus ponctuels sur l'évolution IT.
S. A. : Lorsque nous entrons dans un pays, ce n’est pas pour faire de la figuration, c'est pour être n°1 ou 2 ! C'est le cas dans les pays où nous sommes présents, à l’exception des Pays-Bas. Le fait d’avoir des positions fortes ne dispense pas de les renforcer, comme en Espagne où nous allons nous y atteler. L'entrée dans un pays suppose de détecter une bonne porte d'entrée ! Chaque acquisition doit être un succès et déboucher sur de la création de valeur et de croissance pour la structure reprise. C’est le cas sur nos entreprises de Naples – qui a doublé de taille – ou de Padoue, mais aussi pour nos activités espagnoles qui affichent d’impressionnants taux de croissance. Nous regardons forcément vers d'autres pays, mais toujours en sélectionnant soigneusement nos projets d’acquisitions sur des critères très rationnels et des aspects culturels. Notre objectif n’est pas de planter des drapeaux pour remplir une carte.
J. de B. : Nous jouons les synergies dès que cela est possible. C’est le cas avec notre structure espagnole Grup Eina, dont nous utilisons les sevices au Benelux, en Italie et en France. Cependant, nous ne sommes pas dogmatiques et restons respectueux de l’intelligence locale et de la culture de nos entreprises. Notre catalogue électronique Autossimo pourrait également être proposé sur d’autres marchés. À une condition : cette solution doit avoir une valeur ajoutée par rapport à celle déjà utilisée par les entreprises. L’urgence n’est pas de casser l’existant !
S. A. : L’enseigne AD est déployée en Belgique, pourrait être réactivée en Italie et enrichie en Espagne. En matière logistique également, les synergies peuvent jouer. Les systèmes d’optimisation et d’automatisation de nos hubs français Logisteo et Bremstar peuvent être inspirants pour nos partenaires étrangers. Et évidemment, les achats sont négociés et globalisés au niveau européen, mais aussi pays par pays pour respecter la structure de chaque marché. Nous n’avons pas l'obsession de répliquer à l'identique les concepts, mais d’apporter de la valeur ajoutée : si des solutions semblent adaptées au pays, on le fait, et si cela semble prématuré, on attend. C’est toujours une question de tempo.
S. A. : Les politiques de soutien inconstantes à la vente de véhicules électriques et maintenant des pénalités qui menacent les constructeurs n’atteignant pas le bon mix ne vont pas les inciter à vendre beaucoup plus d’automobiles, voire à contingenter certains modèles… Tout cela va contribuer à accélérer le phénomène de vieillissement des parcs. Globalement, cela est plutôt favorable à la rechange indépendante. En revanche, il y a aussi des conséquences, avec un parc de voitures âgées et la question du budget d’entretien-réparation.
S. A. : Nous avons tous les atouts. Mais la question de l’approvisionnement en pièces pour les plus vieux véhicules pourrait se poser si certains constructeurs ne produisent plus certains organes. Cependant, en aftermarket, des entrepreneurs voient comme une opportunité de combler ces « trous » de gammes, ce qui nous permet de trouver les familles manquantes… mais pas toutes. Le vieillissement du parc est donc bien une opportunité, mais aussi un challenge. En effet, il est impératif de proposer des prix compatibles avec la valeur résiduelle du véhicule. Nous anticipons que le parc va encore vieillir de quatre à six mois par an sur les prochaines années.
S. A. : Oui. Et la situation est aussi compliquée pour les équipementiers, notamment ceux qui ont beaucoup investi dans les nouvelles technologies, comme l'électrification. On parle d’annulation de commandes ou de projets, notamment dans les batteries. L’électrification, qui devait permettre de rajeunir le parc, est chaotique pour un moment encore.
J. de B. : Effectivement, de plus en plus de constructeurs ou de réseaux de concessions s'intéressent à l’après-vente indépendante. Nous observons aussi une réduction du nombre des points de service dans ces réseaux. Le maillage diminue en France, en Italie, au Benelux et même en Espagne.
S. A. : Ce mouvement est inéluctable, avec la chute des ventes de véhicules neufs, de plus en plus d’acteurs et de marques. Les constructeurs ont de bonnes raisons économiques de rationaliser leurs réseaux. Et cela à l’inverse de la demande de l’automobiliste, qui veut du service près de chez lui. Encore un point favorable pour l’après-vente indépendante ! Nous avons en France deux excellents partenaires distributeurs indépendants Autodistribution qui ont par ailleurs une activité concessionnaire ; même chose au sein de l’enseigne API de Doyen. Et je n’oublie pas que notre actionnaire (D’Ieteren Group) est un grand groupe belge de distribution de véhicules neufs ! Cela prouve que la complémentarité est évidente.
J. de B. : Que ce soit chez les équipementiers, achats et/ou spin-off sont des logiques de long terme. Nous avons en permanence des discussions avec des personnes qui pourraient être intéressées par la cession de leur affaire. Mais ce sont des sujets de long terme.
S. A. : Cependant, la distribution va continuer de se consolider progressivement. C'est le sens de l'histoire. Pour notre part, nous restons actifs… Et puis, il y a aussi les groupes de concessions, qui sont d’importants consolidateurs.