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EXCLUSIF – Et si le recours direct libérait experts et réparateurs?

Romain Thirion
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Il existe peut-être une recette qui permet aux experts et carrossiers de s'affranchir des pressions tarifaires des assureurs : elle s'appelle "recours direct" et est déployée avec succès par Yan Taverriti, expert à Forbach et pratiquant militant de cette procédure.
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 lecteur 110«Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.» Et «Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence». Vieilles de 209 ans, ces simples phrases ne sont autres que les articles 1382 et 1383 du Code Civil. Inchangés depuis leur promulgation le 19 février 1804, ils légalisent absolument le recours en droit commun d’un automobiliste non-responsable d’un sinistre envers l’auteur de l’accident. Et ce, sans avoir à avertir son assurance.Voilà qui est un brin procédurier ; mais c’est la méthode que pratique depuis deux ans maintenant et apparemment avec succès Yan Taverriti, le patron «déterminé» du cabinet Taverriti à Forbach (Moselle). «Tant que l’assuré responsable du sinistre est identifié, mon client non-responsable n’est pas tenu d’avertir son assurance : c’est nous, par le biais de notre avocat, qui nous chargeons du recours direct envers l’adversaire», explique-t-il.Face à cela, la compagnie adverse n’a d’autre choix que d’accepter un règlement à l’amiable ou de subir la condamnation du tribunal, puis de payer l’intégralité de la somme due, quoi qu’il arrive. On s'en doute : Yan Taverriti est libre de tout donneur d’ordres depuis que Covea (GMF, Maaf, MMA) a résilié son dernier agrément. Plus indépendant que jamais, il s’est donc constitué un réseau de plus de 300 garages avec lesquels il travaille régulièrement et qui lui envoient des clients. Un échange de bons procédés qui bénéficie en premier lieu à l’automobiliste qui n’a «rien à payer», souligne l’expert.Simple et transparentLe procédé est simple mais suppose plusieurs étapes-clés. Lorsque l’un de ces garagistes reçoit une victime d’accident non-responsable et récupère notamment le constat amiable du sinistre, il lui explique les avantages du recours direct, lui fait signer un ordre de réparation correspondant aux travaux à effectuer sur son véhicule, ainsi que la convention qui le lie à Taverriti Expertises (et bientôt au cabinet de conseil juridique Légi Recours, en cours de création). Il lui fait ensuite remplir le mandat missionnant l'expert, puis met en route si nécessaire une procédure VE (Véhicule endommagé) et une procédure de cession de créance. De son côté, l'avocat du cabinet Taverriti (Légi Recours à l'avenir) envoie une lettre de mise en demeure à l’assuré responsable de l’accident.L’expert examine alors le véhicule de la victime, évalue également les pertes immatérielles subies et transmet son rapport au réparateur qui lui retourne sa facture de réparation, de location de véhicule de remplacement et des frais annexes. L’expert transmet à son tour ces factures au cabinet d’avocat, ainsi que sa note d’honoraires. L'avocat (ou Légi Recours) exerce le recours auprès du tiers responsable puis, une fois les sommes correspondantes récupérées auprès de la partie adverse à l’amiable ou suite au jugement au Civil, le cabinet d'avocat rembourse directement le garage et l’expert et paye les sommes restant dues au client.Cercle vertueuxEt apparemment, ça marche. «Nous avons gagné tous nos dossiers», se félicite Yan Taverriti. «Aucune expertise contradictoire n’est possible tant que l’assureur adverse n’a pas payé : dans le cadre d’un recours direct, il n’est pas subrogé dans les droits de son assuré, affirme-t-il. Et l’assuré responsable ne risque aucune pression anormale s’il a transmis le dossier à son assurance dans les 5 jours réglementaires.»En fait, la méthode semble comporter de nombreux avantages. D’abord pour l’automobiliste lésé : il bénéficie d’une expertise en phase avec le coût réel des dommages subis (y compris lorsque les coûts dépassent la valeur résiduelle de son véhicule), il jouit des conseils et du suivi de l’expert mandaté et d'une prise en compte des préjudices immatériels, généralement exclus de son contrat d’assurance. Quant au réparateur, il n’a nul besoin d’être agréé pour réparer et peut appliquer son taux de main d’œuvre "officiel" : il est donc assuré d’être rémunéré au juste prix de son travail. Quant à l’expert enfin, il garde toute indépendance, instaure la confiance avec son garagiste et n’est plus soumis non plus aux exigences excessives d'un coût de sinistre faible.Mauvais tours de vice...On l'a compris : cette procédure a de quoi fortement déplaire aux compagnies d’assurance qui, dans le cadre de la Convention d’Indemnisation directe de l’assuré et de Recours entre Sociétés d’Assurances automobiles (IRSA), se chargent des recours entre elles depuis 1974. «Initialement, c’était une bonne chose : cela permettait de gérer les dossiers plus rapidement, reconnaît l’expert mosellan ; mais aujourd’hui, cela ne sert plus qu'à régler les flux financiers entre assurances et à diminuer les coûts de réparation au maximum.» Et donc à mettre la pression sur les honoraires des professionnels agréés, qu’ils soient experts ou réparateurs.Mais comment Yan Taverriti a-t-il eu cette idée du recours direct ? «C’est en le pratiquant pour des clients français victimes d’accidents en Allemagne que j’ai eu l’idée d’appliquer la même procédure en France», raconte l’expert. Depuis qu'il applique sa méthode sur des dossiers franco-français, il explique que les compagnies d’assurances des conducteurs responsables auraient tout tenté pour le contrecarrer. «Au début, quand nous assignions directement l’assurance adverse, cette dernière faisait traîner le paiement durant des mois, ce qui démotivait les réparateurs. Et elle envoyait parfois des lettres directes à mes clients en leur mettant la pression pour qu’ils contactent leur assurance.» Avec le risque, bien sûr, pour l'automobiliste de voir le sinistre intégré au calcul de son risque et de subir une majoration de cotisation l’année suivante.Certaines compagnies prétendaient même que tous les frais d’expertise et de réparation resteraient à la charge de l'automobiliste, se souvient l’expert mosellan. «Mais je n’ai jamais facturé quoi que ce soit à un client dans le cadre d’un recours direct. Lorsque j’ai commencé, je me suis dit que ça ne devait rien coûter à mon client puisque ce serait le cas en passant par son assurance. Donc, je ne lui facture rien. Et mon avocat, lui, fonctionne par avance d’honoraires que je lui règle moi-même.»Accélérer encore la procédureConscient qu'il faut fluidifier encore davantage cette procédure relativement lourde du recours direct, Yan Taverriti compte recourir à un affacturage bancaire afin de payer immédiatement ses réparateurs, au lieu du délai actuel d’environ 3 mois. «Les assurances adverses n’auront donc plus aucun intérêt à retarder les paiements», se félicite-t-il, tout en reconnaissant que les agios seront à la charge des garagistes. «Mais le taux n’est que de 5% et je me suis déjà mis d’accord avec mes réparateurs pour faire apparaître ces frais sous forme de remise en pied de facture, sinon le système ne pourrait pas fonctionner», justifie l’expert. Un petit sacrifice, mais qui permet d'obtenir de meilleures affaires que les "apporteurs d’affaires" n’en fournissent parfois. «Et de toute façon, les réparateurs restent largement gagnants par rapport aux remises de 13% que leur imposent des "partenaires" comme Nobilas.»
Romain Thirion
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