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ANALYSE – Pourquoi « l’affaire Nobilas » dépasse les seuls carrossiers…

Jean-Marc Pierret
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Quelques-uns de nos lecteurs s’interrogent sur notre «passion rédactionnelle» pour la carrosserie en général et «l’affaire Nobilas» en particulier. Il est donc temps de réexpliquer pourquoi et comment ce qui se passe en réparation-collision concerne à court, moyen ou long terme, tous les acteurs de la rechange et de la réparation…
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En préambule, nous ne pouvons certes pas le nier : Nobilas nous occupe beaucoup et occupe beaucoup de notre «surface rédactionnelle». Au vu des interrogations que la récurrence du thème a suscitées chez beaucoup de nos fidèles lecteurs, il est donc temps de fournir quelques explications. Mais que ceux qui ne se sentent pas concernés de près ou de loin par les turbulences de la réparation-collision se rassurent : nous ne sommes ni devenus monomaniaques, ni «Apres-Vente Carrosserie». Nos dernières newsletters le prouvent aisément : les actualités de la pièce, de la distribution, de la réparation, des réseaux, etc., etc., continuent et continueront d’être couvertes par notre équipe rédactionnelle. Avec la même passion, la même rigueur et le même souci à satisfaire les attentes de tous les lecteurs du vaste univers de la rechange et de la réparation automobile.Si nous revenons régulièrement sur le sujet, c’est aussi –c’est surtout– parce qu'en fait, les implications des grandes manœuvres de la réparation-collision sont plus vastes qu’elles ne le paraissent a priori. La limiter à son seul périmètre actuel serait en effet réducteur : elle concerne et interpelle l’ensemble des acteurs de la rechange automobile à bien des titres. Présents et futurs.Le choc des modèlesA l’heure actuelle déjà, l’impact de Nobilas dépasse les seuls carrossiers. Car son modèle (apport de volumes + obligations d’achat en peintures, pièces, consommables, équipements, services, etc.) en bouscule d’autres. A commencer par le modèle des réseaux historiques, de réparation-collision comme de mécanique, issus ou non de la distribution traditionnelle. Que ce soit par éthique ou simplement par pragmatisme, ces réseaux sont tenus de fidéliser leurs adhérents et de s’en faire apprécier. Une approche «gagnant-gagnant» s’y impose inévitablement (dans des proportions certes variables), car le destin d’une enseigne est inextricablement lié à la satisfaction de ses adhérents.C’est là le pacte fondateur entre l’enseigne, «son» carrossier ou «son» réparateur mécanique. La première apporte aux seconds une notoriété, des outils, des projets, des formations, des stratégies, des pistes pour les aider à survivre, s’adapter et évoluer en fonction de leur marché. Les seconds accompagnent leur enseigne par le développement de leurs entreprises locales et quand c’est le cas, par leur fidélité consentie et proportionnée à la centrale d’achats liée à l’enseigne.En outre, entendons-nous bien : dans l’absolu, le modèle des apporteurs d’affaires et celui des plateformes de gestion de sinistres dans la réparation-collision n’est pas moins légitime qu’un autre. Il va d’ailleurs, à bien des égards, dans le sens d’une histoire déjà ancienne, née il y a bien longtemps avec les agréments. Une histoire, à bien des égards encore, irréversible.Si ce modèle est, dans l’absolu toujours, légitime, c'est parce qu'un apporteur d’affaires et/ou une plateforme de gestion de sinistres pourraient –devraient– fonctionner plus ou moins comme un réseau ou une enseigne le fait vis-à-vis de ses adhérents : en échange d’un apport significatif (de l’image, de la performance et du business de la part d’un réseau ; des voitures à réparer de la part d’un apporteur d’affaires en carrosserie), il n’y a rien de choquant à exiger des carrossiers en retour une certaine discipline, une remise en question, des formations, des prestations, des équipements, des tarifs, des procédures, etc. S’il y a une réelle réciprocité, alors une réelle légitimité est respectée. Les deux parties ont alors le souci commun de progresser ensemble vers le même but : la satisfaction de l’automobiliste et ce faisant, de la compagnie d’assurance qui l’assure.Les dangers de l’exemplaritéLa question qui se pose n’est donc pas la mise en cause du modèle utilisé. La question qui se pose aujourd’hui, c’est ce que certains acteurs font de ce modèle et l’exemple qu'ils en donnent dans le contexte du déséquilibre déjà général qui préside à la relation entre les assureurs associés à leurs plateformes de gestion et les carrossiers. Ce déséquilibre endémique, les organisations professionnelles s’en plaignent haut et fort, les carrossiers le dénoncent à l'envi et même le législateur vient de le reconnaître en tentant d’instaurer une loi sur le libre choix du réparateur par le consommateur (voir «l’Assemblée vote l’amendement en deuxième lecture !»).Des témoins et connaisseurs du secteur appellent de plus en plus souvent de leur vœux une approche un tant soit peu rééquilibrée. Pourquoi ? Parce la réalité est cruelle. En face de tarifs toujours plus bas, d'exigences en prestations toujours plus coûteuses et mal rémunérées, les donneurs d’ordres qui contrôlent les flux de voitures accidentées ne promettent rien –ou pas grand chose– en échange de leurs exigences croissantes. Sinon la menace d’un atelier désert si le carrossier n’abdique pas sans condition.Et c’est dès lors une évidence que si la plus exigeante des plateformes de gestion de sinistres, quelle qu'elle soit, prouve que les limites peuvent être éternellement repoussées à son avantage principal, en constante impunité et au détriment des carrossiers, son exemple tendra naturellement à se généraliser. En prospérant, sans rééquilibrage, grâce à l'accélérateur qu'est la baisse structurelle du nombre de sinistres automobiles. Et pourquoi pas au-delà du seul périmètre de la réparation-collision.Les mêmes causes peuvent produire les mêmes effetsC'est en cela que l’enjeu concerne l’avenir des réparateurs carrossiers comme des réparateurs mécanique. Et par ricochet, de leurs partenaires distributeurs, équipementiers et fournisseurs de tous poils. Car la contamination a déjà commencé. Souvenez-vous : en juin dernier, nous publiions un article révélant que l’assureur Covéa venait d’inventer le premier réseau de réparateurs agréés (même si le terme est, pour l’instant au moins, encore inapproprié) pour la prise en charge de pannes mécaniques assurées (voir «EXCLUSIF - Covéa met-il le loup des agréments dans la bergerie mécanique?»).En étant plus de 5 200 à lire cet article, vous nous manifestiez alors votre intérêt préoccupé, confirmé par le ton de vos commentaires, en nous intimant ainsi l'ordre de poursuivre nos investigations. Et ce n’est pas une vue de l’esprit : les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. Le recul, lui aussi structurel, des entrées-atelier en entretien-réparation (55 millions en 2005, seulement 38 millions l’an dernier), sont le même terreau dans lequel les concentrateurs d’offres vont vouloir prendre racine et prospérer. En choisissant, s’ils en ont le choix, le modèle qui leur permet d’en confisquer le maximum de fruits à leur seul profit.Prédire demainPour l’instant, ce sont les enseignes de réparation qui tentent de capter ces apporteurs d’affaires en entretien-réparation. Et c’est tant mieux, puisque pour les raisons évoquées plus haut, ces réseaux doivent tenir compte des exigences de leurs réparateurs-adhérents s’ils veulent les fidéliser.Mais demain ? Si, forts d’excès fructueux, les donneurs d’ordres en carrosserie peuvent continuer à avancer sans se préoccuper de l’impact de leurs demandes sur le tissu des entreprises de réparation-collision, s'ils peuvent continuer de recruter des carrossiers et les remplacer arbitrairement, pourquoi les donneurs d’ordres qui prennent actuellement leur élan en réparations mécaniques se priveraient-ils d’adopter, de déployer et de privilégier ce modèle unilatéral qui prospère chez les carrossiers ? A fortiori, si ce sont les mêmes ?Dans ce cas, il faut s'attendre à les voir parasiter violemment le modèle gagnant-gagnant et les équilibres qui existent entre réseaux dignes de ce nom et adhérents, entre distributeurs/têtes de réseaux et équipementiers. Et parallèlement, les entreprises de réparation indépendantes seront les premières à disparaître, comme les carrossiers sans agrément qui ont de plus en plus de mal à survivre aujourd’hui en marge des flux orientés vers de moins-disants qu'eux.Voilà toutes les raisons qui expliquent pourquoi nous nous intéressons tant aux problématiques majeures de la carrosserie et des acteurs qui les incarnent : ce qui s’y passe peut concerner la majeure partie de nos lecteurs chefs d’entreprises. C’est là notre raison d’être, nous oserons dire notre «signature» : débusquer et tenter de vous expliquer les problématiques générales qui peuvent structurer l’ensemble des métiers de la rechange et de la réparation afin de vous aider à manœuvrer la barre souvent pesante de vos entreprises. Même si cela nous impose de venir et revenir, sous des angles différents, sur un même sujet. Et même si cela, de temps à autres, doit déplaire.
Jean-Marc Pierret
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