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Dieselgate Volkswagen : vers une « affaire Kerviel » sauce automobile…

Jean-Marc Pierret
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En sortant enfin de sa réserve mercredi soir dans un communiqué très attendu, le comité exécutif de Volkswagen esquissait sa stratégie de contre-attaque : plainte est déposée, les responsabilités internes sont activement recherchées et les coupables seront châtiés à la hauteur des «dommages incommensurables pour Volkswagen». Vers une “affaire Kerviel” à la sauce automobile ?
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L’affaire Volkswagen va-t-elle devenir “l’affaire Kerviel” de l’automobile ? C’est ce que le comité exécutif du conseil de surveillance du groupe Volkswagen laissait entendre mercredi soir en termes à peine voilés. En même temps qu’il rendait un hommage appuyé à son président démissionnaire, s’ébauchait en creux la stratégie à venir du numéro 1 mondial quand il précisait dans le «point 5» de son communiqué : «Le Comité Exécutif s'attend à d'autres conséquences au sein du personnel dans les prochains jours. Les investigations du Groupe en interne se poursuivent à un rythme soutenu. Toutes les personnes impliquées dans ces procédures causant des dommages incommensurables pour Volkswagen, en subiront les pleines conséquences.»Après quelques jours passés KO debout à subir l’opprobre mondial, la descente boursière aux enfers et les douloureux quolibets des réseaux sociaux (le slogan «Das Auto» -LA voiture- y est devenu «Das Pipo»…), Wolfsburg peaufine donc sa contre-attaque. Le constructeur vient lui-même de porter plainte «auprès du bureau du procureur d'état de Brunswick» en désirant que «les poursuites criminelles [soient] significatives étant donné les irrégularités». Au-delà des inévitables et encore incalculables conséquences financières du scandale, l’humiliation absolue qu’a été l’obligation d'avouer l’incroyable fraude aux yeux du monde sera donc lavée dans le sang professionnel et judiciaire. Celui des collaborateurs qui, au sein de l’entreprise, auront délibérément inséré et/ou adoubé les lignes de codes faussant les résultats des tests anti-pollution.C’est l’autre enseignement qu'esquisse le communiqué du constructeur : le géant allemand semble se construire un profil de «responsable, mais pas coupable.» En tout cas, pas coupable d’avoir imaginé et décidé la fraude au plus haut niveau. Dans son court communiqué de démission, le président Martin Winterkorn ne susurrait pas autre chose : «Je le fais dans l'intérêt de l'entreprise bien que je ne sois pas conscient d'avoir commis des erreurs».Ce «Dieselgate» sera donc peut-être bien à Volkswagen ce qu’a été «l’affaire Kerviel» à la Société Générale. En souhaitant toutefois au constructeur, dans l’intérêt de sa précieuse marque VW estimée à 31 milliards d'euros par Brand Finance (et à presque 55 milliards au périmètres des 9 marques du groupe), de mieux gérer que la banque les probables mises en accusation et les procès à venir. 7 ans après avoir révélé sa perte de 5 milliards d’euros et le nom du trader désigné comme responsable, la Société Générale n’a toujours pas réussi à laver son image des soupçons, au moins de complaisance, envers son trader et surtout, envers le système qu’il incarnait.
l'insupportable contamination
C'est pourtant là tout l'enjeu pour l'ensemble des constructeurs, mais aussi des équipementiers automobile. Jusqu’alors considérés comme trop sérieusement industriels pour céder aux turpitudes des entreprises trop financiarisées –l’auto reste l’un des seuls produits de consommation échappant par exemple à la très rentable règle de l’obsolescence programmée–, les constructeurs et leurs fournisseurs viennent pourtant d'être tous brutalement jetés avec le Diesel du bain pris par Volkswagen. Ce ne sont plus seulement les incertaines procédures d'homologation des véhicules ou la suspicion généralisée de fraude aux émissions polluantes qui empuantissent la planète auto et excitent l'écolosphère dans son hallali anti-Diesel ; c'est toute l'éthique de l'industrie automobile qui sort durablement ternie de ce scandale. Et c'est terriblement grave : cette éthique est consubstantielle à la sécurité et la valeur du bien qu'elle garantissait à tous les possesseurs d'automobiles...En quelques jours, voilà toute une industrie réduite à la vilaine image que traîne les banquiers et les pétroliers : faire de l'argent d'abord et encore. Jusqu’ici sûre et fière de sa suprématie automobile, l’Allemagne devient la première spectatrice désenchantée du désastre VW. Elle se réveille avec une sacrée gueule de bois : tous ses fleurons deviennent suspects. Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung croit pouvoir écrire que Volkswagen paie cash ses appétits de puissance et de croissance : «Dans un tel climat de pression sur la performance et d'intimidation, on a plutôt tendance à tricher et ruser». A son tour, BMW dévissait hier en Bourse, suite à une information de AutoBild révélant qu’un modèle de BMW pourrait dépasser de beaucoup les limites européennes d'émissions de gaz polluants. Et déjà 500 000 véhicules Seat étaient identifiés “contaminés” en Espagne par les tricheries de Volkswagen…
Le fer rouge
Le numéro 1 mondial peut certes reprendre le contrôle de sa propre dérive. Il est de toute façon intrinsèquement protégé du pire, comme l'ont été les instituts financiers coupables d'avoir précipité en 2008 le monde dans une crise financière inédite. ui aussi est «too big to fall» (trop gros pour tomber) : dans l'honneur ou le déshonneur, l'Allemagne ne peut le laisser dépérir.Mais pourra-t-il pour autant éviter le naufrage de l'image de toute une industrie ? De l'affaire Kerviel en France, mais surtout des scandales mis à jour sur les pratiques financières dès 2009, les banquiers sont définitivement sortis discrédités. L'affaire Volkswagen risque de marquer du même fer rouge tous les acteurs de la production automobile. Témoin, ce sondage de Louis Harris révélé hier par Caradisiac. A la question «Pensez-vous que certains constructeurs contournent également la loi sur les émissions polluantes des moteurs Diesel en Europe ?», 58,5% des Français interrogés ont répondu «probablement» et 32,6%, «certainement». Soit plus de 90%...scienceetavenir_620 Cet article de Science & Avenir est symptomatique de la montée généralisée de la suspicion envers les affirmations écologiques des constructeurs (cliquez sur l'image pour y accéder)
Jean-Marc Pierret
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