Dernière minute – Mobivia dans Exadis: c’est fait!
C'est fait : l'entrée effective de Mobivia au sein d'Exadis, révélée en septembre dernier, a été confirmée par Vincent Laurent, patron du groupe de distribution éponyme, à ses troupes. Le rachat devient opérationnel. L'occasion de revenir sur cet événement si spécifique qui allie pour la première fois le BtoB traditionnel (Exadis), le BtoC indépendant (Mobivia) et le BtoB/BtoC constructeur (Renault étant déjà dans le capital du réseau de plateformes). Car la question de cette étrange copropriété entre le géant du retail et le constructeur national reste néanmoins posée : pourquoi diable en viennent-ils à cohabiter ainsi ?
Renault : Exadis l'incontournable
Si nos informations sont bonnes, le constructeur s'est logiquement offert la part du roi. Entre ses 44% de capital -à parité avec Mobivia- et les 12% de son groupement de concessionnaires, il s'est bien adjugé la majorité. Mais le règlement interne de cette association semble tout de même prévoir des clauses de gouvernance spécifiques, dont une direction tournante. Elle permet ainsi à Mobivia de ne pas avoir à trop illustrer le vieil adage qui, en des termes beaucoup plus triviaux que ceux que nous choisissons ici, fait si souvent sourire les repreneurs d'entreprise chevronnés : «petit actionnaire minoritaire, petit crétin ; gros actionnaire minoritaire, gros crétin».
Car cette alliance, que beaucoup encore considèrent comme presque contre-nature, a évidemment de bonnes raisons d'être. Et ce, pour l'un comme pour l'autre des nouveaux propriétaires d'Exadis.
Pour Renault, il s'agit d'abord de ne pas voir sa stratégie multimarque, ébauchée avec Laurent/Exadis il y a presque deux ans, se crasher corps et âme avec les risques de dépôt de bilan de l'ex-empire régional du groupe Laurent. Il y des humiliations qu'un constructeur ne peut se permettre. Surtout quand, en face, le frère ennemi PSA renaît de ses cendres automobiles jusqu'à s'allier avec Fiat là où Renault a échoué. Et surtout quand PSA déploie assez brillamment Distrigo, son plutôt spectaculaire concept mondial en aftermarket, même si sa légitimité et sa pertinence restent encore à prouver sur notre seul territoire national.
Mobivia : adapter la supply chain
Pour Mobivia s'imposait une autre forme d'urgence encore plus pragmatique. Il ne fallait pas perdre, avec le même dépôt de bilan, la carte de l'approvisionnement Midas. Ce réseau de 360 centres de spécialistes constitue l'un des principaux -sinon le principal- client d'Exadis. Mobivia aurait laissé ainsi s'ouvrir une voie royale à tous les acteurs traditionnels. Ces derniers se seraient précipités dans la brèche déjà entr'ouverte par le dépannage quotidien qu'ils assurent auprès du réseau de fast fitters. Et là aussi, il y a des vexations qu'un groupe de 3,2 milliards d'euros ne peut subir.
Mais ce n'est sûrement pas la seule raison de l'entrée de Mobivia au capital du réseau de 9 plateformes. Le groupe nordiste dispose d'une supply chain que certains observateurs jugent vieillissante, à tout le moins culturellement et structurellement limitée au seul BtoC. C'est une chose de faire du J+1, une autre de s'approprier du H+4. Et pour qui veut s'en aller chasser sur des terres plus traditionnelles comme Mobivia semble bien le vouloir, Exadis constituait le dernier vrai réseau logistique intégré disponible.
Exadis, adapté à Mobivia comme à Renault
Pas le dernier réseau de plateformes bien sûr. Mais le seul qui ne juxtapose pas plusieurs indépendants aux histoires, aux stratégies et aux référencements fatalement hétérogènes. Reprendre Exadis était l'occasion ultime de s'approprier un schéma logistique régional facile à vite discipliner, car cohérent capitalistiquement et organisationnellement. Bien dans la culture d'un Mobivia historiquement succursaliste avec son enseigne fondatrice Norauto. Avec le temps, le groupe a certes fini par concéder la nécessité de la franchise, mais il n'a probablement ni l'envie, ni les structures, pour s'en aller animer et coordonner de purs et durs chefs d'entreprises régionaux comme la distribution traditionnelle seule sait en fédérer.
Et c'est probablement là que l'on recroise l'événement avec une autre motivation de Renault. L'élargissement récent de son poids initial dans Exadis (23,5% au constructeur et 11,5% au groupement de concessionnaires au début de l'histoire) n'était certainement pas une priorité. Elle n'en illustre pas moins sa ferme volonté de disposer lui aussi d'un ensemble de plateformes capables de livrer de façon homogène les 150 distributeurs multimarque qu'il recrute dans son réseau de plus de 620 points de vente concessionnaires. Exadis est l'arme idéale pour alimenter, à travers eux, les plus de 3 400 concessionnaires et agents français en pièces équipementières et pourquoi pas, Motrio.
Pour déployer un tel projet ailleurs (en Italie et en Allemagne notamment), encore faut-il que Renault en prouve vite la viabilité en France. Sans devoir tout recommencer à zéro en subissant le naufrage annoncé d'Exadis...
Cohabiter oui, mais durablement ?
Voilà donc probablement pourquoi Renault et Mobivia se retrouvent voisins dans Exadis. L'avenir dira si une telle cohabitation est viable. Si ce qui les rapproche est plus fort et plus durable que ce qui peut évidemment les diviser, à commencer par les susceptibilités de taille, d'histoire, d'orgueils respectifs ou tout bêtement, de concurrence.
Mais il est vrai aussi que nous vivons une période d'accélérations où émergent tous les possibles. Si, comme semble l'annoncer l'entrée de l'Américain Advance Auto Parts dans Nexus Automotive International, le BtoC et le BtoB traditionnel semblent chercher à se rencontrer, pourquoi refuser un tel avenir symbiotique à des acteurs comme Renault et Mobivia ?