PHE : comprendre cette 2ème (et dernière?) renonciation boursière

Jean-Marc Pierret
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Bain Capital avait suspendu en 2018 la première tentative d'introduction en Bourse de PHE ; il vient cette fois de retirer le projet lors de la seconde. L'option boursière semble donc abandonnée, puisqu'elle n'a pas été plus fructueuse alors même que l'état des marchés financiers est passé de dépressif en 2018 à euphorique en 2021. Reste que Bain Capital n'a pas vocation à demeurer encore longtemps propriétaire du groupe de distribution...

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PHE vient donc une seconde fois de renoncer in extremis à son introduction en Bourse. Il y a toutefois une différence notoire entre le refus de 2018 et celui de ce 2 juin 2021. Les mots choisis pour commenter les deux événements ont un sens bien différent. Cette fois, le communiqué du groupe de distribution souligne que « PHE et Bain Capital ont conjointement décidé de retirer le projet d’opération envisagée » quand en 2018, ils s'étaient contentés de le « suspendre ».

Personne au sein du groupe ne souhaite pour l'heure commenter plus avant cette décision. Mais au moins le choix des mots est-il révélateur. Ce retrait vaut fermeture du dossier. Pour toujours, peut-être pas ; mais l'entreprise ne se représentera probablement pas en l'état. S'il lui venait l'envie de revenir une troisième fois draguer la corbeille, elle devra notablement savoir changer d'arguments.

Car dans les deux cas et sur pratiquement les mêmes bases, PHE est arrivé à la même conclusion par des chemins diamétralement opposés. Ce qui revient à constater que le dossier boursier de PHE a probablement fait le tour de la question.

La boucle boursière est bouclée

En 2018, les tensions internationales et les incertitudes économiques générales avaient raréfié les introductions en bourse et rendu les investisseurs à la fois prudents et conservateurs. En 2021 et à l'inverse, le nombre d'IPO (Initial Public Offering ou introduction en bourse en bon Français) tutoie des records, pendant que l'argent à investir coule cette fois à flot, portant d'ailleurs les places boursières vers des sommets historiques.

Mais en 2018 comme en 2021, l'espoir d'une valeur satisfaisante d'introduction de l'action PHE n'a pas été satisfait. La première fois parce qu'il n'y avait pas assez d'argent, d'investisseurs optimistes et de candidatures à la cotation. Maintenant et paradoxalement, parce qu'il y a abondance dans ces trois compartiments du jeu. A en croire nos confrères de la presse économiques, les investisseurs de 2021 s'offrent du coup le luxe d'être plus “sélectifs”. Et apparemment, PHE n'a pas été classée dans le haut du panier boursier...

La faute à qui ou à quoi ?

L'entreprise a pourtant fait feu de tous bois pour se rendre séduisante. Ni son excellent bilan 2020 (CA à -2 % seulement, pour une marge brute à +0,7 %, le tout sur un marché après-vente pourtant à ± -15 %), ni son tonitruant résultat du 1er trimestre 2021 (CA à +11 %, Ebitda à +44 %) n'ont démérité. Ils ne pouvaient qu'ouvrir l'appétit d'investisseurs cherchant des valeurs saines aux fondamentaux solides. D'ailleurs, « il y a eu de l’intérêt et de la demande de la part d’investisseurs mais les conditions de marché n’ont pas permis d’atteindre le niveau requis », a recueilli Reuters auprès d'une source dite « au fait du dossier ».

La faute doit donc se rechercher ailleurs. Peut-être chez ces valeurs de l'industrie automobile violentées conjoncturellement par l'effondrement des ventes VN et structurellement dégradées par les dogmatismes écolos. L'étiquette inévitablement automobile de PHE a pu devenir du coup contre-productive.

Ou peut-être se niche-t-elle au cœur même du marché de PHE. Cette après-vente certes résiliente s'avère peut-être aussi trop acyclique pour des investisseurs addicts aux flambées d'action porteuses. PHE a certes égrainé, dans les 342 pages de son nouveau document de base cautionné par l'AMF (Autorité des marchés financiers), moult chiffres et arguments destinés à exciter l'intérêt d'investisseurs. L'entreprise y démontre qu'elle sait progresser bien plus vite que son marché ; que les perspectives de croissance, organiques ou externes, sont nombreuses ; que la nécessaire case digitale est superbement cochée par un Oscaro leader, internationalisé et en pleine santé.

Et maintenant, quel destin pour PHE ?

Las... La fourchette d'introduction souhaitée cette fois-ci entre 16 à 20 euros par action, soit une valeur d'entreprise de 1,1 à 1,8 milliard d'euros, n'a pas été au rendez-vous.

Mais si la porte boursière se referme, celle de la réalisation de l'investissement de Bain Capital demeure grande ouverte. L'actionnaire, qui détient environ 91 % de Dakar Holdings, laquelle contrôle quasiment 100 % de PHE, est aux commandes depuis fin 2015. Il vient donc d'entamer une 6ème année à la tête de l'entreprise, ce qui commence à devenir très long pour un fonds d'investissements.

Les rumeurs repartent donc de plus belle. Elle remettent celle de la revente pure et simple sur une pile déjà fournie. A commencer bien sûr par celle à un LKQ Europe qui trouverait en un PHE ouest-européen (France, Italie, péninsule ibérique) le complément géographiquement idéal à ses implantations très majoritairement allemandes et est-européennes.

Certains pensent même que les discrètes négociations avortées que l'on a prêtées aux deux groupes de distribution il y a quelques mois risquent maintenant de prendre la couleur d'une occasion ratée. Alors que Bain Capital est parallèlement agacé par le dossier Fintyre, il pourrait favoriser un retour en force, dans tous les sens du terme, du groupe américain. Mais il est vrai aussi que ce dernier doit aussi beaucoup investir dans la réorganisation de son puzzle de marchés et de sociétés...

Bain Capital va-t-il commencer à trouver la pièce automobile moins porteuse que prévu ? Peut-être. Mais tout reste probablement relatif et rien n'est jamais vraiment perdu pour celui qui se présente comme « l'une des principales sociétés privées d'investissement au monde avec environ 130 milliards de dollars d'actifs gérés ». Les 2 milliards d'euros de CA que promet PHE en 2022 n'en représentent somme toute que 1,87 %...

Jean-Marc Pierret
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