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EXCLUSIF – Comment AXA menace ses experts…
Publié le 07/05/2014
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A la lecture de ce document AXA que nous nous sommes procuré, force est de constater que la tendance est la même d’un assureur à l’autre : les experts sont devenus l'instrument-clé de la régulation des coûts de sinistres. Dans ce courrier, AXA caresse les bons élèves dans le sens du poil... pour mieux annoncer unilatéralement des sanctions pécuniaires aux autres, réputés cancres de la sinistralité !
«Réinventons notre métier», affiche en préambule ce courrier d'AXA à ses experts. C'est en fait le métier d'expert qu'AXA réinvente ici. Décidément, il ne se passe plus un mois sans que la question de l’indépendance des experts en automobile ne se pose. Nous qui consacrons l'enquête de notre numéro "papier" de mai à «l’impossible équilibre de l’expertise automobile » ne pouvons qu’être à nouveau circonspects –et nos lecteurs experts et réparateurs avec nous– lorsque nous découvrons cette lettre d’AXA affichant en objet son «Ambition 2013/2014». Une lettre adressée à son réseau d’experts agréés, invités à travers elle à répondre aux ambitions… d’AXA avant tout.
Nous d'abord...
Histoire d’annoncer le plus poliment possible la couleur aux experts récalcitrants, Philippe Cousin, le directeur des achats assurantiels et des prestataires extérieurs d’AXA, a au moins eu le bon goût d’envoyer sa lettre de doléances à "ses" experts avant que 2013 ne touche à son terme —le 20 décembre exactement— sans mêler ses meilleurs vœux à des exigences purement pécuniaires comme le faisait Generali en son temps (voir«Les drôles de vœux de Generali à "ses" experts…»). Pour mémoire, Generali y affirmait ne pas vouloir «faire de cadeaux» aux experts ne parvenant pas à faire observer aux réparateurs les 5,5% de remise en pied de facture exigés par la compagnie d’assurance. Et brandissait ainsi la menace de déduire des honoraires des experts auteurs de prestations «imparfaites» le surcoût occasionné par les réparations trop onéreuses par rapport au chiffrage initial de l’expert.Un an plus tard et même s'il est plus policé que le courrier de Generali, celui d'AXA est du même tonneau. Il s'adresse à ceux qui n’appliquent pas le respect du contradictoire tel que défini par AXA, le respect de ses procédures spécifiques relatives aux «réparations non prévues ou réalisées par l’assuré» et à la «valeur de sauvetage à 25% sur les VEI non cédés». A ceux qui, surtout, ne maîtrisent pas les conditions tarifaires exigées par l’assureur.Car après avoir certes salué les experts «qui ont œuvré et sont arrivés en 2013 au niveau d’exigence attendu», Ph. Cousin affirme très rapidement combien «les résultats enregistrés ne sont au global guère concluants par rapport à nos attentes». Il brandit alors «de nouvelles dispositions plus rigoureuses […] prises dès le début de la nouvelle année 2014, afin que vous répondiez tous totalement à nos attentes et ainsi, nous permettre de maintenir et de renforcer notre position concurrentielle sur le marché». Une position concurrentielle qui, on le sait, était encore au désavantage d’AXA il y un an à peine en termes de contrôle des coûts de sinistres face aux performances des Covea et autres Sferen. Le constat avait poussé le géant bleu à s’offrir une partie de Nobilas France pour maîtriser un peu mieux ses flux de réparations, donc ses coûts de réparation.Honoraires AXA unilatéralement à la baisse…
Voilà comment un Tarzan assureur aurait pu résumer ces phrases pleines de "nous" et de "notre" et avare en "vous" et en "votre" : "Vous, coûter moins ; nous, renforcer rentabilité". En quelques mots se dévoile à nouveau ici une certaine idée de la collaboration entre donneurs d’ordres et experts : les seconds exécutent et les premiers récoltent donc les fruits. Des fruits qu’AXA espère bien mûrs et goûteux à l’issue du premier semestre 2014, quitte à brandir la menace d’une révision des honoraires des experts trop permissifs avec leurs réparateurs.Une révision à la baisse, bien entendu. Comment pourrait-il en être autrement ? C'est très clair, très net et très unilatéralement tranchant : «Pour ceux qui n’auraient pas atteint la totalité des objectifs [au 1er semestre], nous réviserons le niveau de leurs honoraires pour les mois suivants de 2014 et ceci afin de prendre en compte l’insuffisance sur la qualité de leurs prestations de début d’année.» La course contre la montre doit battre son plein chez les experts agréés d’AXA en ce moment : il ne leur reste que deux petits mois pour satisfaire l'exigence d'AXA. Sinon, le second semestre risque d’être pénible avant le pain sec qui, lui, est annoncé pour 2015 : «Si malgré tout, sur l’ensemble de l’année 2014, les résultats restaient décevants, cette révision prendrait un caractère définitif pour 2015».Et l'indépendance de l'expert, dans tout ça?
Le couperet financier brandi par AXA témoigne d’une certitude que semblent partager plusieurs compagnies et mutuelles d’assurances : les experts agréés doivent avoir pour ambition première, non pas le respect prioritaire d’une réparation dans les règles de l’art du véhicule sinistré des assurés, mais bien la réalisation des objectifs chiffrés de leurs donneurs d’ordres. La théorique impartialité de leurs rapports d'expertise, définie et garantie pourtant légalement par l'article L326-6 du Code de la Route (voir «Indépendance des experts : l’anomalie systémique…»), n'est même plus prise en compte...Plus grave encore : par ces quelques phrases, il semble presque évident qu’aux yeux d’AXA, "ses" experts n'ont guère le choix, réputés qu'ils semblent être de ne pouvoir correctement vivre sans l’apport de volumes assuré par son agrément. Le ton comminatoire du courrier est à ce titre explicite : il ne vient pas à l’idée d'AXA que les experts puissent tourner simplement le dos à son agrément, même si celui-ci venait à être trop peu rémunérateur. Il n'y a donc guère d'alternative satisfaisante pour l'expert auto : par simple crainte de manquer de travail et, donc, de business, il semble, pour AXA, inéluctablement conduit à mener la vie plus dure aux réparateurs. Ou peut-être l'assureur parie-t-il sur un vivier d'experts qui, inquiets de la baisse structurelle de leur chiffre d'affaires, fourniront toujours des candidats trop contents de saisir une opportunité salvatrice pour leurs cabinets. Comme il a parié, en entrant dans le capital de Nobilas, sur le besoin réputé vital d'agrément pour le carrossier, quelles qu'en soient les conditions...Ce courrier seul témoigne de l’impression de toute-puissance dont jouit le secteur de l’assurance auto aujourd’hui. A moins d’un mouvement massif et coordonné de la part des experts, on voit mal comment la situation pourrait changer dans les prochaines années. Encore moins en 2015…Sur le même sujet
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