Analyse – PSA / Mister-Auto (suite): quid des autres sites de pièces ?

Jean-Marc Pierret
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C'est bien là l'autre question que pose le rachat de Mister-Auto par PSA : si le constructeur est venu choisir celui-là parmi tous les sites français du e-commerce de la pièce, est-ce parce qu'il est le seul à être déjà résolument international et surtout clairement rentable ? D'autres constructeurs suivront-ils quand même son exemple ?
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On le constate et on le re-constate au fil de nos articles essayant de comprendre le présent et l’avenir de la pièce en ligne en France : même s’il a su trouver les consommateurs-internautes, le business-model du e-commerce de la pièce est viable certes, mais peine à trouver son équilibre financier (voir «Internet : les pièces en ligne ont mangé leur pain blanc…» et «Ventes agiles, mais rentabilités d’argile…»). Et c'est bien là un mal typiquement hexagonal.
10 à 15 % suffiraient... à tout le monde !
Ceux qui connaissent le dessous des chiffres des sites de ventes de pièces en ligne le disent et le redisent : il suffirait que les prix affichés en France par les sites BtoC (ventes à consommateurs) remontent de 10 à 15% et tout redeviendrait pour le mieux dans le meilleur des mondes de la pièce auto.Pour les sites en question d'abord. Ces 10 à 15% supplémentaires leurs seraient particulièrement bienvenus car cruciaux : plutôt que d’être plus ou moins (et plutôt moins que plus) rentables, ils sortiraient les deux narines hors de leur marasme financier et pourraient dès lors rassurer investisseurs et banquiers en prouvant leur pérennité, leur rentabilité et leur capacité à un coûteux auto-financement (voir «Oscaro et consorts : moins dangereux qu’avant, mais plus incontournables…)».Et ils ne seraient pas seuls à s'en satisfaire. Une telle remontée des prix internet génèrerait le même bol d’air immédiat pour le marché traditionnel de la distribution physique des pièces qui ne décolère pas contre la vente de pièces en ligne. Le différentiel ramené des -60% affichés actuellement à un écart visible d’environ 45% deviendrait dès lors tolérable et explicable par tous les distributeurs, indépendants ou constructeurs. Et justifiable en bien des points : par l’accompagnement en services divers (stockage, livraison, informations techniques, suivi garantie, etc.) et bien sûr, par le geste auguste du poseur qu’est celui du réparateur. Un réparateur qui, sereinement, pourrait alors tout aussi facilement expliquer son surcoût résiduel par ses investissements en matériel, en formation et autres obligations croissantes pour rester efficace et performant. De quoi justifier amplement qu’il doive facturer (un peu) plus cher les pièces qu'il vient de monter...Et tout indique d'ailleurs que même le consommateur ne se sentirait pas floué par une remise ramenée à  “seulement” -40 à -45% entre site grand public et facture finale du réparateur. L'internaute-automobiliste d'aujourd'hui n'est rien d'autre que le chaland d'hier qui traquait les bons prix dans les linéaires de centres auto. 40 à 45% lui suffisaient amplement. Et lui suffiraient tout autant...
le contre-effet Oscaro
Mais alors, qu'est-ce qu'on attend pour rendre tout le monde heureux ? Notre pays a hélas une spécificité : son Oscaro National. C’est lui qui, en bon leader, dicte les prix. Et les prix que le Seigneur de la pièce en ligne édicte en son e-Royaume de France sont et restent inexorablement plus bas que bas. On le comprend sur le principe : pendant des années, cela lui a permis d’asseoir sa croissance exponentielle tout en fermant un maximum de portes à ceux qui rêvaient de se glisser dans son aspiration pour lui disputer son trône.Mais les temps ont radicalement changé. La croissance des ventes de pièces en ligne s’est essoufflée. Le plein du marché est fait ou presque, privant Oscaro des réserves de carburant qui devaient l’emmener vers les 500 millions d’euros de chiffre d’affaires qu'il annonce et ambitionne depuis toujours. Dans ce contexte nouveau de “plafond de verre”, sa stratégie tarifaire devient sinon incompréhensible, au moins préjudiciable à Oscaro lui-même. En maintenant des prix aussi bas, il se tire aujourd'hui plus sûrement une balle dans le pied qu'il n'abat ses concurrents. A fortiori maintenant que beaucoup de ses fournisseurs taisent de moins en moins les tensions financières qu’ils ont avec le géant français de la vente en ligne...
Mister-Auto, premier des “repris” ?
Alors quoi ? En rachetant l'internationalisé Mister-Auto, PSA a-t-il disqualifié de fait l'attractivité des trop français et trop peu rentables autres sites de la pièce en ligne ? Pas sûr. Car PSA vient surtout d'ouvrir une piste. Si effectivement Mister-Auto représente pour le constructeur une précieuse clé d'accès au marché multimarque pour ses qualités intrinsèques avant tout (voir «PSA / Mister-Auto (suite) : les possibles secrets du… mystère auto»), alors ses confrères, même englués dans les difficultés financières franco-françaises, restent tout autant séduisants que lui. Et peut-être même plus, parce que englués dans ces difficultés...Renault-Nissan-Dacia sera-t-il le prochain à suivre l'exemple PSA ? Et si oui, quel site sera la prochaine acquisition d'un constructeur décidé lui aussi à se lancer dans la grande guerre de conquête multimarque contre les indépendants, cette guerre dont les prémices ont été annoncées ou constatées maintes fois sans que jamais un front ne soit complètement ouvert ou en tout cas, réellement enfoncé ?Comme d'habitude, on vous tiendra au courant...
Jean-Marc Pierret
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