Entretien sous garantie : fin de la chasse gardée RA1 et RA2

Jérémie Morvan
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Une étude commanditée par la branche Concessionnaires VP du CNPA laisse apparaître que 17% des clients VN désertent déjà les ateliers de marque avant même la fin de la garantie constructeur…
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Notre confrère Autoactu.com a récemment relayé les résultats d’une enquête commanditée par la branche concessionnaires VP du CNPA concernant les attentes des consommateurs en matière d’entretien automobile. Et si l’organisation professionnelle fait périodiquement réaliser des études sur le marché de l'après-vente, ce focus sur les comportements et les attentes des consommateurs constituait une première.La possibilité pour les automobilistes de faire entretenir leur véhicule hors du réseau sans perdre la garantie constructeur ne date pas d'hier : elle a été introduite par le règlement d’exemption européen de 2002. Force est pourtant de constater que les lignes bougeaient très peu en matière d’entretien automobile sur le segment des véhicules de moins de deux ans – ceux bénéficiant encore de la garantie légale d’un constructeur sur ses véhicules.En tout cas, pas avant que les acteurs indépendants et tout particulièrement les réseaux de centres auto et spécialistes ne s'organisent pour revendiquer haut et fort l'entretien pendant la période de garantie. A coup de budgets inédits de communication grand public dès 2009, ils commençaient alors à démocratiser la campagne "libérez-vous des idées reçues" des acteurs de la distribution et réparation traditionnelles, plus ancienne mais essentiellement communiquée sur les seuls lieux de vente indépendants.Selon cette étude récemment réalisée auprès de 2 000 consommateurs automobilistes, l'effort a payé : quelque 17% des possesseurs d'un véhicule encore sous garantie le font aujourd'hui entretenir en dehors des réseaux de marque ! Ces derniers voient donc bel et bien ostensiblement empiéter les réparateurs indépendants sur leur «pré carré» que constituent les véhicules récents sous garantie.
Confiance… ou compétence
Selon l’étude, le consommateur est certes orienté par le prix, mais les critères de confiance et de compétence prédominent. C’est en fait une question de profil client : celui qui fréquente les enseignes de réparation rapide le fait avant tout pour le prix, celui qui reste au sein du réseau de marque invoque la compétence technique de ses membres, tandis que le client du MRA privilégie la relation de confiance.In fine, les indépendants –traditionnels mais aussi la ‘nouvelle distribution’- se partageraient l’entretien d’un tiers de ce segment de marché. Et en matière de VO (marché autrement plus vaste…), les réparateurs indépendants sont encore mieux positionnés puisqu’ils s’arrogeraient selon cette étude l’entretien des véhicules auprès de 42% des acheteurs de VO à particulier et 35% des acheteurs à professionnels. VN, VO : visiblement, la confiance paie…
Stratégique révision constructeur
L’idée a donc bel et bien fait son chemin dans l’esprit des consommateurs qui rencontrent l'offre partout. Sur les media nationaux et aux heures de grandes écoutes, donc, mais aussi dans les réseaux multimarque de la distribution traditionnelle –AD et Top Garage en tête. Ils martèlent également leurs compétences liées à cette nouvelle prestation. Plus de la moitié des 820 adhérents Top Garage la propose. Le réseau en revendique 20 000 par an qui représentent en moyenne 14% du CA d’un atelier Top Garage. Et ce n'est qu'un début : Vincent Congnet, le directeur du réseau Top Garage, annonçait lors de la convention du réseau en octobre dernier son souhait de voir passer la révision constructeur à 20% du CA moyen d'un Top Garage, afin de la substituer progressivement à la plus traditionnelle (et moins valorisée) ‘vidange’...
Qui trop embrasse...
Reste que cette étude n'est pas une réelle surprise pour les concessionnaires et agents. Au mieux vient-elle quantifier l'importance du terrain perdu sur leur cœur de cible en entretien-réparation. «Elle vient recouper nos études, plus fréquentes, sur le marché de l'après-vente», précise Christophe Maurel, président national de la branche des concessionnaires VP au CNPA. Elle vient ainsi confirmer la tendance lourde soulignée dans la dernière étude en la matière, réalisée en début d'année et qui prédit une perte de parts de marché des réseaux constructeurs de... 10 points supplémentaires sur ce segment des véhicules sous garantie d'ici 2020 s'ils ne s'adaptaient pas à la concurrence exacerbée dans l'entretien-réparation !Rien de surprenant donc à voir aussi, en retour, les réseaux constructeurs se structurer pour conquérir le parc ancien si cher aux indépendants... Leur contre-offensive coordonnée sur une activité aujourd'hui vitale pour la rentabilité des affaires ne devrait donc pas tarder. En fait, elle a même déjà commencé : «Les réseaux constructeurs déploient actuellement une politique commerciale particulièrement agressive sur le pneumatique (Ndlr : un précieux produit d'appel avec presque 25% des entrées-atelier), une activité qui avait été quasiment abandonnée par les concessionnaires et les réparateurs agréés», souligne en effet Christophe Maurel.Au-delà, c'est bel et bien la cible des véhicules de plus de cinq ans qui est aujourd'hui dans la ligne de mire des réseaux de marque. Si les constructeurs actionnent ça ou là le curseur prix de leurs pièces (c'est tout le difficile pari qu'essaie de structurer PSA en ce moment), ou s'attèlent à déployer une stratégie digitale avec les moyens qu'on leur connaît (et certaines réussites comme celle des devis en ligne chez Renault), la reconquête du parc ancien n'est pas impossible... Une cible d'autant plus stratégique en volume que le parc vieillit année après année dans un contexte aggravant de contraction structurelle du marché après-vente.Une cible qui constitue précisément le territoire d'excellence des réparateurs indépendants. Ces derniers ont donc un double challenge à relever : non seulement continuer à venir “draguer” les propriétaires de véhicules récents à grands coup de compétences techniques, d'investissements en matériels et en communication (c'est tout l'objet de l'ambitieux plan Référence 2018 d'AD), tout en préservant sa clientèle naturelle des véhicules plus âgés. Une clientèle toujours plus orientée vers le prix et donc par essence plus volage et opportuniste à mesure que son véhicule vieillit...
Jérémie Morvan
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