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Avis de tempête entre Toyota France et son réseau

Jean-Marc Pierret
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Mise en disgrâce par Toyota France des élus de son groupement de concessionnaires, élaboration d’un «groupe de travail» parallèle et unilatéralement désigné par le constructeur... la tension est forte entre le constructeur et son groupement qui vient de se mettre en sommeil faute de pouvoir recruter des candidats à l’élection de ses structures dirigeantes...
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Le 8 janvier dernier, les concessionnaires adhérents du groupement des concessionnaires de la marque recevaient un courrier signé du comité de direction du groupement. Ce dernier y informait le réseau d’une décision assez inédite : le groupement a décidé de se mettre en sommeil.Pourquoi ? Parce que, durant l’assemblée du groupement qui se déroulait le 3 novembre au Méridien Étoile à Paris et dont nous avons pu consulter le procès-verbal et les courriers qui s’ensuivaient, le comité de direction du groupement recevait mandat d’organiser l’élection d’un nouveau bureau, une élection déjà différée d’un an sur fond de tensions diverses. Mais à la date de clôture de l’appel de candidature qui intervenait le 9 décembre dernier, force était de constater... qu’aucun concessionnaire volontaire ne s’était présenté. Du coup, le comité de direction a dûment établi un procès-verbal de carence et entamé le processus de mise en sommeil du groupement.
Un an et demi de conflits
Comment en est-on arrivé là ? Tout semble avoir commencé le 23 juin 2014, quand Toyota France annulait une Commission Commerce «au motif qu'il n'avait plus confiance» dans le groupement. Ce dernier élaborait alors et présentait à Toyota en septembre 2014 un nouveau mode relationnel chargé de fluidifier le fonctionnement des 3 commissions (réseau, commerce et après-vente) qui encadrent les discussions concessionnaires-constructeur.Le Groupement a-t-il alors fâché Toyota en précisant que l’esprit de ce «nouveau mode opératoire» serait, «à l’instar des précédentes Commissions, certes consensuel mais sans être asservi» ? Au terme en tout cas de trois réunions entre le réseau et le constructeur chargées d’élaborer ce nouveau fonctionnement relationnel, la quatrième était annulée le 18 mars dernier par Toyota le matin même de sa tenue. Le même jour à 11 heures, le constructeur signifiait à Eric Cheli, le président du groupement, «qu’il n’était plus le bienvenu, eu égard à [une] dernière communication envoyée par le Groupement au réseau», relate le procès-verbal de l’Assemblée générale du réseau du 3 novembre dernier.Pourquoi sanctionner aussi brutalement un président qui pourtant, représente les concessionnaires Toyota depuis 8 ans déjà sans avoir jamais suscité un tel rejet du constructeur ? C'est une communication du groupement sur l’une des nouvelles dispositions de la fameuse Loi Hamon de mars 2014 qui semble avoir déplu au constructeur. Pas celle connue de nos lecteurs sur le libre choix du réparateur mais une autre, plus spécifique à la distribution VN encadrant cette fois les conditions de ventes, «le début des négociations devant intervenir à partir du 1er décembre N-1 pour signature au plus tard le 1er mars de l’année N», rappelle le procès-verbal.Un sujet dont le groupement avait été saisi par ses adhérents puisque, visiblement, Toyota France n’avait guère intégré ce changement légal : les concessionnaires avaient reçu une lettre en RAR entre le 16 et le 20 février 2015 indiquant les volumes de vente pour certains d’entre eux, le tout soumis à réponse le... 28 février suivant au plus tard. On était effectivement loin des 3 mois de discussion comme de l'esprit consensuel requis par la nouvelle loi...Le groupement a donc cherché à rattraper le temps perdu par le constructeur en répondant à la vague d’inquiétude et de colère du réseau ainsi mis devant ce qu'il ressentait alors comme une stratégie du fait accompli. Et ce serait bien là «l’événement majeur» qui devait détériorer définitivement les relations entre le groupement et Toyota, souligne le procès-verbal de la réunion.
Soutien massif des adhérents concessionnaires
Lors de sa réunion du 3 novembre donc, le groupement ne pouvait plus que constater :
  • son «incapacité (à) mener à bien ses missions essentielles (commissions, voix du réseau, remontées terrains)»,
  • «la mise en disgrâce» de son président,
  • le «non-fonctionnement des commissions» mises en chantier un an plus tôt,
  • et surtout... la «constitution par Toyota France d’un groupe de travail réuni les 2 juillet 2015 et 23 septembre 2015». Ni plus ni moins qu'une sorte d'instance parallèle au groupement, animée avec des concessionnaires en partie désignés unilatéralement par le constructeur. On fait effectivement plus démocratique et plus consensuel...
Le groupement rappelait alors les divers dossiers importants nécessitant pourtant d’avancer, dont la disposition de la loi Hamon pour cette fois l’année 2016, diverses dispositions contractuelles et bien sûr, la nécessaire élection d’un nouveau bureau du groupement et de ses 11 délégués régionaux. Une élection déjà différée depuis presque un an, le temps d’espérer assainir le climat délétère entre Toyota et son groupement.Ce même 3 novembre, le groupement organisait alors un autre vote destiné à savoir si, oui ou non, le comité de direction avait, de l’avis des adhérents présents, eu tort ou raison de soutenir ses positions concernant la loi Hamon et si, plus généralement, les actions du comité de direction durant tout son mandat étaient soutenues par les adhérents. Le vote confirmait une confiance totale aux représentants des concessionnaires allant de 82% à 94% au fil de 10 questions.
Toyota France : un problème ? Quel problème ?
Nous avons cherché à contacter Eric Cheli qui nous a fait dire qu'il ne souhaitait pas nous répondre pour l'instant. Côté Toyota, nous avons en revanche pu joindre un porte-parole qui, lui, réfute toute crise. D'abord en rappelant habilement qu'à la dernière "cote d'amour des constructeurs" du CNPA, Toyota décrochait la première place des marques généralistes. «Croyez-vous que s'il y avait de gros problèmes entre nous, les concessionnaires nous auraient positionnés ainsi [Ndlr : ce sont les membres du réseau qui évaluent leur propre marque] ?», souligne-t-il. Ensuite, en expliquant que le dialogue avec les concessionnaires se poursuit et ne s'est jamais rompu au travers du fameux groupe de travail piloté par Toyota France : «nous avançons efficacement sur tous les sujets qui concernent le réseau», poursuit-il. D'ailleurs, il précise que la convention réseau du 7 janvier a été «un franc succès et l'une des plus réussies»...Reste que ledit groupe de travail adoubé par Toyota n'a pas été élu par les quelque 160 investisseurs du réseau alors qu'à l'inverse, le groupement est indiscutablement légitime puisqu'il fédère 85% de ces investisseurs. Et surtout, que 65% de ces 85% étaient présents à l'assemblée générale du 3 novembre, dont 94% donnaient alors quitus au comité de direction pour ses actions de la dernière année...La suite pourtant, on la connaît maintenant. Toyota ayant décidé de court-circuiter ses propres interlocuteurs-réseau sans visiblement chercher à apaiser sa relation avec les représentants légitimement élus du groupement, ce dernier n’a pas pu recruter de nouveaux candidats et a décidé de se mettre en sommeil. C'est une chose de vouloir représenter les intérêts de ses confrères-concessionnaires, une autre peut-être de s'en aller délibérément prendre des coups...«Nous déplorons vivement cette situation. Dans le contexte économique actuel, c’est d’unité et de représentativité dont nous avions besoin», concluait le comité de direction du groupement dans son courrier aux adhérents du 8 janvier dernier. Il l’accompagnait du retour de tous les chèques d’adhésion 2015 non-encaissés, Toyota France lui-même n’ayant pas voulu apporter son habituelle contribution au fonctionnement de cette instance depuis mars 2014.Comme d'habitude, on vous tiendra au courant...
Jean-Marc Pierret
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