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Comment LKQ Europe entre dans « l’ère de la consolidation »…

Jean-Marc Pierret
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Visiblement conscient qu'il manquait encore une stratégie de consolidation à sa mosaïque de rachats européens, LKQ Europe vient de convier ses grands investisseurs en Angleterre pour leur présenter son grand programme continental d'intégration. Stocks ultra-modernes, ERP omniscient, concentration des achats, e-commerce, big data... On sait à peu près tout des prochaines années européennes de LKQ...

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Depuis qu'en 2011, LKQ Corporation posait son premier pied en Europe à l'occasion du rachat du Britannique ECP, sa fringale d'acquisitions ne s'est guère calmée. Avec crainte et admiration, l'ensemble des acteurs du secteur regarde le conquérant américain mener sa razzia de distributeurs : ECP donc en 2011, Sator/Van Heck en 2013, Rhiag et une première partie de Mekonomen en 2016, Stahlgruber en 2018...Sans oublier les “sous-rachats” parallèlement effectués par le truchement de ces bastions. C'était le cas du Britannique Andrew Page comme de l'Irlandais Hella Irland, repris par ECP. Au Benelux, Sator a pour sa part racheté 5 de ses clients distributeurs en 2014, puis 4 autres en 2017. Rhiag s'est offert AD Polska mi-2017. On soupçonne maintenant Mekonomen de vouloir gober Nordic Forum. Et à en croire les rumeurs, ce n'est pas fini. De toute façon, à chaque fois qu'une entreprise du secteur est mise en vente, tous les regards se tournent instantanément vers l'ogre américain...
Le temps de la digestion est venu

Certes, l'empilage atteint maintenant le spectaculaire cumul de 5,3 milliards d'euros de CA sur notre Vieux Continent (4,9 si on ne retient que 159 des 600 millions de Mekonomen, au prorata des 26,5% que LKQ détient du distributeur scandinave).

Mais il évoque aussi un bien instable mikado géant. Cette campagne paneuropéenne à marche forcée, façon grognards napoléoniens enchaînant les batailles sans répit, a toutefois fini par susciter une interrogation récurrente : le “grand concentrateur” n'est-il au final qu'un collectionneur ? Enivré de toutes ses conquêtes victorieuses, LKQ n'oublie-t-il pas qu'il faut quand même s'assurer que l'intendance suive ?

La maxime guerrière est tout particulièrement adaptée au sujet. Car la logistique, au sens plus général de supply chain, est le cœur du réacteur des grandes concentrations réussies. Tout particulièrement dans un secteur comme celui de la complexe et par essence hétérogène distribution de pièces.

Rassurer la Bourse....
Car si on n'exploite pas rapidement les conséquentes économies d'échelle que l'on peut tirer du rapprochement de tant d'entreprises pourtant similaires, on risque tout bonnement d'accoucher d'un géant aux pieds d'argile. Ou à tout le moins, de rater de substantielles opportunités de mieux rentabiliser l'ensemble. Et quand on est coté en Bourse comme l'est LKQ Corporation, il n'est jamais bon d'inquiéter dangereusement les investisseurs...Le petit point bleu dans cette courbe du cours LKQ des 3 derniers mois correspond au jour de l'annonce de la consolidation européenne et ses promesses d'amélioration de la rentabilité. Elle compense en partie la chute vertigineuse de 20% du 26 avril précédent... Le petit point bleu dans cette courbe du cours LKQ Corporation des 3 derniers mois correspond au jour de l'annonce de la consolidation européenne et ses promesses d'amélioration de la rentabilité. Elle a déclenché une remontée après la chute vertigineuse de 20% du 26 avril précédent...Est-ce parce que le distributeur mondial a récemment subi une chute de 20% de ses actions qu'il vient de révéler un ambitieux et opportun programme de consolidation européenne ?C'est en tout cas ce qu'il a choisi de mettre en exergue lors de sa récente rencontre du 31 mai avec ses grands actionnaires et analystes. Cette traditionnelle «journée des investisseurs», LKQ l'a d'ailleurs localisée cette fois à Tamworth, au Royaume-Uni. Et depuis, l'action a repris quelque vigueur (voir graphique ci-contre)...
Consolider vite et bien
En forme de confession, LKQ a commencé par un état des lieux européen en trois points : les entreprises achetées ne sont pas intégrées ; elles sont trop autonomes avec peu ou pas de process et de fonctions mis en commun ; elles cumulent des stocks insuffisamment optimisés.Mais à peine achevé ce très américain acte de contrition, le top-management du distributeur s'est immédiatement succédé devant le parterre d'investisseurs pour détailler une ambitieuse réponse stratégique. 5 points-clés ont été développés, tous destinés à rassurer sur l'avenir des 48% européens du chiffre d'affaires mondial (11,5 Mds de dollars, soit 9,8 Mds d'euros). LKQ Europe s'apprête donc à :
  • rationaliser les achats et les approvisionnements ;
  • déployer un ERP commun («Enterprise Ressource Planning», ou PGI en français -Progiciel de Gestion Intégré- qui fédère et intrique toutes les fonctions-clés d'une entreprise : gestion des commandes et des stocks, paie et comptabilité, e-commerce, commerce BtoB ou BtoC...) ;
  • restructurer les back-offices (éviter les inutiles et coûteux doublons) ;
  • rationaliser et accroître une offre en MDD mieux transversalisée ;
  • et optimiser bien sûr la logistique via la poursuite de l'expansion du maillage de stocks et de plateformes.
Premières concrétisations
La rationalisation des achats a déjà commencé. Peu de temps après le rachat de Rhiag, un nouveau niveau de négociation continental était localisé chez le distributeur italien. L'objectif vient cette dois d'être quantifié : LKQ Europe veut y concentrer jusqu'à 50% des achats paneuropéens contre moins de 40% aujourd'hui. Tout cela va évidemment permettre d'exiger de meilleures conditions de ses fournisseurs, dont le portefeuille et les familles de produits sont en cours d'optimisation.Parallèlement, les achats vont regrouper le sourcing des multiples MDD issues des diverses sociétés acquises. Quant à la rationalisation logistique, elle va accompagner la systématisation des achats directs auprès des usines équipementières en harmonisant et en centralisant toujours plus les achats.
L'exemplaire stock central “T2”
Architecture de l'impressionnant "T2", le nouveau stock stock central au Royaume-Uni de LKQ Europe. Architecture de l'impressionnant "T2", le nouveau stock central au Royaume-Uni de LKQ Europe.Pour mieux illustrer ses efforts de concentration logistique, LKQ a consacré un long chapitre à son stock central dit “T2”, basé à quelques encablures de sa grande réunion et dans lequel viennent d'être investies près de 80 millions de livres (91 millions d'euros).La visite organisée pour les invités du 31 mai a dû impressionner et rassurer. Semi-automatisé, flambant neuf, il affiche 100 000 m2 de stockage qui hébergent 120 000 lignes de produits. Maintenant au service des 230 succursales ECP et des 89 autres détenues par Andrew Page, il est également précieux à l'activité e-commerce du site de vente de pièces en ligne BtoC de ECP qui approche des 6 millions de visites/mois.Un e-commerce d'ailleurs présenté comme l'une des opportunités de développement paneuropéen... Car ce T2 peut traiter jusqu'à 400 colis par heure, contre 120 dans le précédent site T1.
Un dessin pour de grands desseins...
A gauche, la mosaïque d'acquisitions telles qu'aujourd'hui, avec leurs faibles interactions; à droite, le résultat de la consolidation des diverses acquisitions tel que planifiée par LKQ Europe, faite d'harmonie, d'intégration et même d'un cœur de fonctions centralisées... A gauche, la mosaïque d'acquisitions telles qu'aujourd'hui, avec leurs faibles interactions; à droite, le résultat espéré de la consolidation des diverses acquisitions telle que planifiée par LKQ Europe. Un univers fait d'harmonie, d'intégration et même, en bleu foncé, d'un cœur fait de fonctions centralisées. Le tout promettant de meilleures marges et de meilleurs profits...Bref : pas besoin d'être un grand analyste pour comprendre qu'en achetant mieux, en partageant mieux les systèmes d'information, en diminuant le nombre de fournisseurs et en concentrant les services actuellement dupliqués dans les diverses entreprises, LKQ Europe achètera mieux et vendra mieux en diminuant ses coûts et en améliorant ses marges. D'ailleurs, son dessin ci-contre vaut mieux qu'un long discours...Ajoutez à tout cela la présentation d'un prochain catalogue destiné à mieux identifier les véhicules européens et leurs applications pièces, saupoudrez d'une pincée d'hypnotiques big data, relevez l'ensemble par quelques concepts de garages bien sentis, garnissez généreusement de belles courbes profitables teintées de subtiles saveurs marketing, puis faites chauffer lors d'un grand raout mondial. Et n'oubliez pas d'arroser le tout d'un juteux e-commerce juste avant de servir.C'est prêt. Vous connaissez maintenant l'essentiel du menu des prochaines années de LKQ Europe. L'avenir dira qui sera à sa table et qui finira dans l'assiette...
Jean-Marc Pierret
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