Otop : vers une mise en redressement judiciaire

Jean-Marc Pierret
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Le rose, couleur fétiche d'Otop, vient de virer au rouge. Moins de deux ans et demi après son lancement, l'entreprise qui veut allier pièces prémium au prix du web et service de proximité entre dans une zone de grandes turbulences. Sa demande de prêt garanti par l’État vient de lui être définitivement refusée. Otop, fortement endettée, se retrouve ainsi poussée vers le redressement judiciaire ainsi que ses 27 concessionnaires, constitués dorénavant en association pour mieux maîtriser leur destin...
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L'alerte date du 18 mai. Dans un message alors adressé à ses clients réparateurs, Frank Millet, président de Newdis France et fondateur d'Otop, expliquait être «au regret de vous informer que, contrairement à ce que nous avions annoncé, nous ne pourrons hélas pas reprendre nos activités ce lundi 18 mai».

Il expliquait attendre encore les résultats de la médiation sollicitée après le refus de PGE des banques. Mais le ton était déjà inquiétant : «pour redémarrer nous avons besoin de ce financement. Mais à ce stade, nous ne pouvons communiquer une date et devons même envisager que nous ne puissions pas reprendre». La crainte est maintenant avérée. Et dès lors, le destin immédiat d'Otop ne lui appartient plus complètement : l'entreprise sera reprise ou défaite à la barre du tribunal de Commerce de Paris.

Une croissance grippée par le Covid-19

Ce n'est pourtant pas faute de résultats. L'entreprise est en croissance constante depuis son lancement en février 2018. Même en retard sur son plan de marche, elle continuait de recruter ses concessionnaires/points de service partout en France et venait d'atteindre 55 zones couvertes sur les 170 ambitionnées, pour une tendance de chiffre d'affaires évoluant vers 11 à 12 millions d'euros par an.

Mais comme toutes les entreprises conçues sur le mode des startups, elle décolle vite à deux conditions : des financements constamment croissants pour soutenir des ventes nécessairement exponentielles. Donc dans un contexte voulu vertueux de déséquilibre financier privilégiant la croissance sur la rentabilité. Une règle brutalement contrariée par le confinement, alors même que l'entreprise tentait de lever de nouveaux fonds pour nourrir son réacteur et atteindre son orbite. Lourdement endettée et brutalement privée de carburant, Otop n'a pu planer longtemps. D'autant que, faute de trésorerie, elle avait dû interrompre toutes ses activités depuis le début du confinement...

«Nous croyons en ce modèle»

Pourtant, juste avant, elle réalisait un CA de plus d'un million d'euros par mois, rappelle Stéphane le-Mounier, le tout récemment élu président de l'association des concessionnaires Otop. Une association qui compte les «27 concessionnaires aux 39 centres de services et aux 110 salariés» (les 16 autres centres sont filiales), précise son communiqué de presse diffusé jeudi soir...

Des investisseurs qui croient dur comme fer à leurs entreprises pour en avoir constaté l'efficacité sur le terrain, souligne Stéphane le-Mounier. «Nous n’avons aucun doute que ce modèle, alliant prix du web et service premium pour nos clients, trouvera les partenaires indispensables à sa croissance. C’est parce que nous croyons en notre modèle que nous avons décidé de nous regrouper». Et pour preuve du volontarisme et de la motivation des patrons et salariés de ces 55 points de service, «la totalité des concessionnaires Otop composant notre réseau a décidé de nous rejoindre».

«Entrés par le prix, les réparateurs restent pour le service»

Il ne s'agit donc pas d'une association revendicatrice mais bien d'un regroupement d'entrepreneurs voulant ainsi prouver au futur repreneur qu'ils sont et resteront totalement mobilisés pour soutenir le redémarrage de l'entreprise. Ils sont d'autant plus convaincus de la pérennité de leur activité qu'ils valident quotidiennement la pertinence du business model imaginé par Newdis France. «Nous disposons d'un puissant CRM qui nous permet d'optimiser notre relation avec les clients réparateurs, souligne S. Le-Mounier. Car «si les réparateurs viennent à nous par le prix, ils restent avec nous pour le service», plaide le président des concessionnaires.

Au-delà donc de la présence quotidienne de conseillers-vendeurs, des retours gratuits et autres délais de paiement assurés par une carte de paiement Amex, le CRM garantit le relais des promos et un accompagnement optimal de chaque client-réparateur.

Sera-ce suffisant ? Pour Otop, le calendrier des futurs possibles est maintenant plutôt serré : les postulants repreneurs ont jusqu'au 5 juin pour se positionner. Il y a donc urgence...

 

L'encourageante montée en gammes d'Otop

Autre atout d'Otop que l'association des concessionnaire souhaite faire entendre : la montée en gamme des ventes réalisées. Si Newdis France semble avoir effectivement assis le lancement de l'entreprise sur la population des “petits MRA” en attente de prix en phase avec une clientèle désargentée ou simplement soucieux d'améliorer leur marge pièces, les temps semblent bien avoir évolué.

«Nous touchons maintenant des structures plus organisées, qui souhaitent améliorer la rentabilité de la remise en état de leurs VO ou qui sont en mesure d'organiser leurs rendez-vous pour des prestations plus longues et plus lourdes, comme l'embrayage, le turbo ou les injecteurs», explique Stéphane le-Mounier.

Car c'est là l'autre évolution d'Otop qui, depuis plusieurs mois et sans le coup d'arrêt pandémique, devait participer activement à sa consolidation. Née sur une offre de pièces de grandes ventes, l'entreprise avait commencé, insuffisamment peut-être mais avec un certain succès, à compléter son catalogue en pièces techniques à plus forte valeur unitaire, donc à plus fort intérêt économique pour ces réparateurs qui, justement, s'organisent et se forment pour assurer des prestations plus technologiques.

Jean-Marc Pierret
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