Réseaux Autodistribution et AAG: mécanique souriante, carrosserie et vitrage poussifs

Jérémie Morvan
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L'entretien-réparation redémarre fort, dépassant parfois le niveau d'activité enregistré il y a un an à pareille époque. Il n'en va pas de même en carrosserie et en vitrage, qui restent entre -30% et -50% sous l'activité habituelle. Analyse des deux premières semaines de déconfinement avec Fabien Guimard, directeur des réseaux de réparation automobile d'Autodistribution et Vincent Congnet, directeur des réseaux VL chez AAG...
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Deux semaines après le déconfinement, nombreux sont les signes positifs de reprise d’activité émanant du terrain. Parmi eux, l’Observatoire hebdomadaire de sortie de crise diffusé par notre confrère AM Today en partenariat avec EBP Méca, notait un net rebond de 37% la première semaine de déconfinement, haussant les MRA à 84% de l’activité de référence, soit la dernière semaine précédant le confinement…

Nous avons donc interrogé Vincent Congnet, directeur des réseaux VL chez AAG et Fabien Guimard, directeur des réseaux de réparation automobile d'Autodistribution (PHE). A eux deux, les groupes de distribution animent la bagatelle de 17 enseignes de réparation multimarque représentant un total de plus de 6 200 entreprises de réparation (garages, carrosseries et enseignes de vitrage). Leur perception de l'activité a donc des bases solides...

L'entretien-réparation VL décolle

Pour l'un comme pour l'autre, la reprise se confirme en entretien-réparation VL, dépassant parfois l'activité enregistrée l'an passé. «Pour l’activité mécanique, la première semaine de déconfinement a été plutôt “flat”, précise Vincent Congnet ; mais nous avons enregistré une hausse d’activité de 15% la semaine suivante par rapport à la même période un an plus tôt, et nous sommes à +20% sur cette troisième semaine...». Il se félicite en outre de l'afflux de nouveaux clients, vraisemblablement des automobilistes n’ayant pu obtenir un rendez-vous au sein du réseau de leur marque, ou encore qui ont pu être attirés par le positionnement de l’une des enseignes d’AAG.

Même constat positif pour Fabien Guimard qui a noté un net regain d'activité dès la première semaine de déconfinement. «Il y a bien sûr les entrées-atelier différées avant le confinement qui soutiennent l'activité actuelle. Il y aura ensuite la volonté de partir en vacances en France et de préférence en voiture, ce qui devrait favoriser la prolongation de cette tendance.» S'il ne veut pas préciser de chiffre avant d'avoir une vision claire sur plusieurs semaines, il pense aussi cette tendance saine et probablement durable, sauf bien sûr seconde vague de confinement «dont le spectre semble s'éloigner».

Reste que les effectifs ne sont pas non plus tous opérationnels, rappellent-ils en cœur (pour congés prolongés pour garde d'enfants, par poursuite du chômage partiel ou parce que certains collaborateurs ou leurs proches sont classés population à risque et restent confinés). Le taux de remplissage satisfaisant des ateliers de réparation reste donc souvent relatif et l'afflux de business provoque même des tensions...

Prime à ceux qui n'ont pas complètement fermé

Le marché de l'entretien-réparation VL s'orienterait-il donc sur toute l'année 2020 vers les -5% que croit possibles le GiPA ? «Il est bien sûr encore trop tôt pour oser un chiffre précis, analyse le patron des réseaux d'Autodistribution ; mais oui, rattraper une partie substantielle des entrées-atelier en entretien mécanique perdues pendant le déconfinement semble envisageable».

Il évoque aussi une sorte de prime aux réparateurs qui ont pu ou voulu rester ouverts durant le confinement, même pour les seules urgences. «Ils se sont rodés très tôt aux gestes barrière, à la nouvelle organisation de l'atelier. Ils ont pu répondre aux urgences des clients et ainsi, se faire connaître d'autres automobilistes confrontés à la fermeture de “leurs” réparateurs habituels.» Autre atout, selon Fabien Guimard : ils bénéficient d'un départ lancé quand les autres ont découvert les nouvelles exigences organisationnelles et les attentes clients le 11 mai au matin...

Le contrôle technique, le pneu, la batterie...

Deux semaines après la fin du confinement, les motifs liés à l’immobilisation prolongée du véhicule se font évidemment déjà plus rares. Mais ils participent encore à ces belles performances. Vincent Congnet égraine les «problèmes électriques» (typiquement, batterie) qui représentent 10% des entrées-atelier actuelles, tandis que les pneus pèsent pour un quart des rendez-vous lorsqu’ils n'en représentent habituellement ‘que’ 20%...

Et voilà le contrôle technique qui s’avère déjà le principal motif d’entrées-atelier dans ces premiers jours de déconfinement, lui qui est bien plus bas dans le classement habituel. «Les entrées-atelier liées au contrôle technique représentent déjà 40% du total, souligne V. Congnet. Il y a d’abord la date anniversaire de la visite pour tous les automobilistes qui avaient anticipé le passage au contrôle de leur véhicule en mars-avril 2018, juste avant l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation plus contraignante ; il y a aussi tous les véhicules qui auraient dû passer leur visite périodique durant les deux mois de confinement et qu’il faut désormais préparer»...

F. Guimard pense que cette tendance peut être durable. «Le contrôle technique, dont les dates de report viennent d'être lissées dans le temps, apporte et va apporter durablement son lot d'entrées-atelier complémentaires».

Les centres-auto montent en puissance

Quant à Étape Auto/Etape Auto Relais, l’enseigne de petits centres auto du groupement AAG, l’activité suit le même trend : les ateliers affichent complet. Si la partie libre-service n’a pas encore retrouvé son rythme habituel, ce n’est qu’une question de temps, selon Vincent Congnet. «Les magasins Etape Auto n’ont pas encore récupéré tous leurs clients, mais les vacances vont à n’en pas douter favoriser leur fréquentations pour y trouver PGV, accessoires et consommables avant les grands départs», avance-t-il.

Difficile en revanche d'extrapoler les résultats d’Étape Auto à l'ensemble de la population des centres auto. «Tandis que les centres auto concurrents concentrent la majorité de leur CA sur le magasin (60 à 70%), c’est l’inverse chez Etape Auto», souligne le directeur des réseaux d'AAG. Mais à en croire les premiers chiffres communiqués par des enseignes de centre auto tels Roady ou Norauto, même le libre-service semble s'animer (voir «Centres auto : le libre-service redémarre fort»)...

La carrosserie à -50 %, le vitrage à - 30%...

Toute autre est la reprise pour les professionnels de la réparation-collision, qui n’enregistrent encore que 50% de leur activité habituelle. «Les deux mois de confinement sont définitivement perdus», craignent Vincent Congnet comme Fabien Guimard. Il y aura certes eu les chantiers à terminer, ou encore les forfaits décontamination qui ont été pris en charge par les assureurs à la demande de la FRCI. Mais ce sont de bien maigres consolations. Et la sinistralité, en chute libre depuis le confinement, ne va pas repartir du jour au lendemain.

Même perte difficilement récupérable en matière de sinistres vitrage. L'un comme l'autre sont d'accord : il va falloir attendre que les surfaces vitrées des voitures rencontrent à nouveau les graviers que le confinement a laissé trop longtemps tranquilles...

A en croire là encore Denis Larquier, le président des enseignes Mobilités du groupement Les Mousquetaires (dont l'enseigne Rapid Pare-brise), le déconfinement laisse encore l'activité vitrage à -30%. Côté Norauto (qui héberge des ateliers Carglass), on ne donne pas de chiffre mais on qualifie l'activité de «très, très calme» et loin de repartir à un rythme normal, regrette Daniel Vaz, le directeur du centre Norauto de Vélizy (78).

Gestion des stocks

Certes, Fabien Guimard note que l'activité carrosserie a redémarré un peu mieux qu'imaginé. Mais lui aussi ne veut pas se faire de fausses illusions : «Les carrossiers travaillent sur “les stocks”, à savoir les véhicules qui n'ont pas eu le temps d'entrer en atelier avant le déconfinement ou qui n'ont pu être terminés pendant. Mais la forte baisse de sinistralité enregistrée durant le confinement ne se rattrapera pas. Il faut donc craindre une période de creux en septembre-octobre». Il ne voit donc pas le niveau d'activité en carrosserie revenir durablement à la normale avant les dernières semaines de l'année...

Pour amortir le choc brutal de cette baisse d’activité, il faut pouvoir compter sur la diversification des affaires, ce qui concerne beaucoup de carrosseries sous enseigne des deux groupements de distribution AAG et Autodistribution : mécanique, vitrage… Ou par exemple des niches comme le label «Classic», rappelle V. Congnet, dédié aux véhicules anciens et de collection et qui surfe sur un marché à l’abri de la crise. Les clients, passionnés, n’hésitent pas à s’acquitter d’un panier moyen sensiblement plus élevé que le propriétaires de véhicules traditionnels...

Des carrossiers à soutenir...

Mais pour les carrossiers «purs», en revanche, «il conviendra de les accompagner au mieux durant les prochains mois car la reprise d’activité sera plus progressive que sur l’entretien mécanique», admet Vincent Congnet.

Un sentiment partagé par Fabien Guimard. Au-delà du seul réseau AD Carrosserie dont il pense les fondamentaux financiers et gestion suffisants pour exclure une hémorragie inquiétante dans son enseigne, il craint des difficultés pour ceux des carrossiers qui sont déjà entrés fragilisés dans la crise sanitaire. Il espère lui aussi que les assureurs prendront pleinement conscience qu'il faudra durablement soutenir autant que possible les carrossiers.

Dans l'intérêt premier des donneurs d'ordre : «S'ils veulent pouvoir profiter durablement d'un tissu de proximité aussi dense quantitativement que qualitativement, pour garantir le service de proximité et de qualité qu'ils souhaitent pour leurs assurés, ils vont sûrement devoir réfléchir à la façon d'accompagner durablement leurs partenaires carrossiers».

Sur ce chapitre évidemment délicat et comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant...

Jérémie Morvan
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