L’ange gardien
En 30 ans, la société Actipole Plus s’est développée au point de gérer en permanence jusqu’à 1 200 véhicules sur l’ensemble de ses quelques 17 000 m2 de parc. Le crédo de ce fouriériste-assisteur-dépanneur : nettoyer l’espace public des véhicules gênants qui l’encombrent. Sa particularité : garder, pour le ministère de la Justice, des véhicules mis sous scellés judiciaires. Une activité hors cadre qui ne l’empêche pas de mesurer l’importance de travailler aux côtés d’une organisation professionnelle comme la FNA. Bien au contraire. Rencontre avec Jean-Yves Chevallier, Directeur général d’Actipole Plus.
Pouvez-vous présenter votre activité ?
L’entreprise, qui fête ses 30 ans cette année, comptait à ses débuts 2 salariés. C’est une PME familiale qui s’est développée sous l’impulsion d’André Laurent. La holding Actipole Plus compte ainsi aujourd’hui plus de 80 salariés et regroupe 5 sociétés. Parc Auto, la maison mère qui couvre une surface de parc de près de 10 000 m2, est basée à Limeil-Brévannes (94). Nous avons ensuite Parc Auto 91 à Montgeron (91), SEED Depanauto à Villeneuve-le-Roi (94), P2A Service à Pontault-Combault (77) et enfin ADRS au Plessis-Belleville (60). Ces sociétés exercent toutes les mêmes activités de gardien de fourrière automobile et d’assisteur-dépanneur. Nous enlevons donc les véhicules qui font l’objet d’une demande d’enlèvement, puis nous les gardons jusqu’à ce que leurs propriétaires viennent les récupérer après s’être acquitté du paiement de leur amende. Enfin, nous leur restituons après règlement des frais d’enlèvement et de garde, facturés sur la base de tarifs réglementés. Pour cette activité de fourrière, nous bénéficions d’un agrément préfectoral.
Je suppose que pour recevoir cet agrément, il faut répondre à un certain nombre de critères ?
En effet. Il s’agit de critères visant à vérifier la bonne moralité du candidat, mais aussi la qualité du lieu de stockage. Par exemple, le terrain de gardiennage doit respecter des règles en matière de sécurité (terrain clôt, gardienné, accessible 24/24 aux forces de l’ordre…) et en matière environnemental (pour empêcher par exemple les fuites de liquides polluants). Une fois que le gardien de fourrière est agréé, il doit répondre à des consultations publiques et bénéficie d’une délégation de service public avec les services de l’État, ou le Préfet et l’autorité de fourrière, ou avec des collectivités qui sont responsables des enlèvements sur leur commune.
Je crois savoir que vous avez une autre activité…disons, plus inédite ?
Oui, en effet, c’est une activité qui occupe 35 à 40 % de notre parc : nous conservons, à la demande du ministère de la Justice, des scellés judiciaires. Il s’agit de véhicules immatriculés qui sont saisis et immobilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire. Nous les conservons jusqu’à ce que la procédure prenne fin. C’est, pour nous, une grosse activité qui demande un suivi très pointu auprès du ministère de la Justice et des greffes des tribunaux. Nous avons d’ailleurs en interne une personne entièrement dédiée à cette mission-là. Par ailleurs, nous assurons aussi la présentation des véhicules destinés aux ventes aux enchères du service des Domaines ; soit 20 à 30 véhicules par mois.
Vos activités sont très corrélées aux collectivités et aux pouvoirs publics, ce qui est éloigné du fonctionnement « classique » d’une entreprise automobile …
Oui, d’ailleurs lorsque je présente l’entreprise, je dis que nous intervenons en bout de chaîne, juste avant les centres de VHU. Mais notre entreprise présente la particularité d’avoir une véritable mission de service public, à la fois pour déférer aux réquisitions des forces de l’ordre, mais aussi lors de la conservation de scellés judiciaires pour le ministère de la Justice. Nous agissons aussi auprès des collectivités et des acteurs de la politique de la ville (bailleurs sociaux, copropriétés, centres commerciaux, gestionnaires de parking, etc.) pour « nettoyer » l’espace public des véhicules ventouses… Ce sont des problèmes auxquels les élus sont confrontés mais pour lesquels ils sont parfois impuissants puisqu’il s’agit d’intervenir sur le domaine privé. Les bailleurs nous autorisent alors à réaliser toutes les démarches administratives à leur place pour pouvoir retirer les véhicules gênants. Cette mission de service public est véritablement ancrée dans l’entreprise. D’abord parce que M. Laurent a exercé pendant une trentaine d’années au sein de différentes collectivité territoriales. Ensuite parce que je suis moi-même un ancien de la fonction publique territoriale. Du coup nous connaissons parfaitement le fonctionnement, les attentes et les problématiques de chaque collectivité. Nous formons un binôme complètement en phase sur ce sujet.
Comment la FNA interagit elle avec vous dans le cadre de votre métier ?
Pour moi il est très important d’appartenir à une organisation professionnelle qui défend nos intérêts et essaye de faire progresser la législation sur des sujets qui nous concernent. Lorsque l’on dirige une entreprise, on ne peut pas se faire dicter des règles sans se donner les moyens d’agir ou au moins d’influer sur des décisions qui vont être prises au niveau européen ou au niveau national. Et le seul moyen de pouvoir se faire entendre, d’agir, de faire remonter de l’information, c’est de passer par les organisations professionnelles. Pour moi, l’adhésion à la FNA est donc venue assez naturellement. Elle me permet de recueillir de l’information sur tous les autres secteurs de la branche automobile et sur le nôtre, elle me permet de faire une veille législative essentielle dans nos métiers qui sont en perpétuelle évolution, enfin elle me permet de faire remonter au plus hautes instances des informations spécifiques à notre métier et aux difficultés que nous rencontrons. Par exemple, il est essentiel pour nous de faire entendre au législateur, aux ministères, aux services de l’État, qui sont parfois très éloignés des réalités du terrain, que les revalorisations récentes des tarifications sur la fourrière sont très insuffisantes ! Pour moi, de manière générale, les fédérations professionnelles sont des corps intermédiaires qu’il faut utiliser pour agir. Elles sont faites pour cela d’ailleurs !
Quel serait alors votre message pour amener les gens à adhérer à une fédération comme la FNA ?
Ne restez pas seuls, regroupez-vous ! Si vous voulez que vos revendications, quelles qu’elles soient, portent, il faut qu’elles le soient collectivement par un intermédiaire qui a accès aux autorités de l’État, aux ministères, à des délégués interministériels, et qui va pouvoir passer des messages et influer sur ce qui peut nous être imposé demain. Aujourd’hui les choses évoluent très vite, la législation européenne va primer de plus en plus sur la législation française et si on n’anticipe pas, cela peut faire très mal, voire peut-être même remettre en cause nos activités. En un mot comme en 100 : n’hésitez pas à adhérer !
En matière d’anticipation justement, comment abordez-vous la question de l’électrique dans votre métier ?
Sur les véhicules électriques et hybrides rechargeables, nous avons deux difficultés. D’une part, cela bouleverse de manière assez importante les conditions d’intervention. D’autre part, nous ne pouvons plus faire de petits dépannages sur place comme nous le faisions avec les thermiques. Donc, lorsque l’on fait une intervention sur un véhicule électrique, on le charge systématiquement sur nos camions et on ne se risque pas à ouvrir quoi que ce soit. La seule chose que l’on puisse faire c’est de le mettre hors circuit. Or, cela nécessite une formation spécifique pour nos primo intervenants. Tous nos chauffeurs sont donc formés pour cela. Et puis, ces interventions obligent également à l’utilisation d’une tenue spécifique « arc électrique ». Obligation que vous ne rentabilisez jamais et qui est, en plus, très difficile à faire accepter aux dépanneurs car s’équiper prend du temps ; or, du temps, ils n’en n’ont pas puisqu’ils doivent sans cesse intervenir dans des délais très courts.
L’autre problématique, c’est la question du stockage, sur nos parcs, de ces véhicules.
Pourquoi ? Parce qu’un véhicule électrique accidenté peut prendre feu bien après coup : il suffit du contact d’une batterie endommagée avec de l’eau ou un petit arc électrique. Et c’est un feu que les pompiers ont beaucoup de mal à maitriser et qui peut repartir sans prévenir. Pour éviter l’incendie général sur un parc de fourrière, il faudrait pouvoir isoler ces véhicules. Mais aujourd’hui, la plupart des fouriéristes ou des assisteurs-dépanneurs jouent déjà au Tetris en permanence sur leur terrain ! L’autre solution serait de creuser des fosses d’immersion ou d’investir dans des containers ultra sophistiqués, imaginés spécifiquement pour le stockage de matériaux dangereux, qui coûtent plus de 50 000 euros l’unité. Mais entre le manque de place et les tarifs actuels très bas des fourrières, inutile de préciser que ces deux solutions sont inenvisageables pour la plupart d’entre nous.
Et pourtant j’imagine qu’à terme il va y avoir quand même une impérativité pour vous à avoir ce genre d’équipement en parc ?
Oui bien sûr ! Et j’en reviens du coup à l’importance des fédérations. Je pense qu’il suffira d’un incendie ravageur dans une fourrière pour que la réglementation européenne nous impose des normes et des règles de stockage. Et c’est à ce moment-là que les professionnels devront monter au créneau auprès de notre ministère de tutelle en disant : « Attendez, cela demande des investissements très lourds de la part des professionnels, il est donc impératif de revaloriser vraiment les tarifs ! ». C’est un exemple très concret, et probablement imminent, de l’action que peuvent avoir les fédérations auprès des pouvoirs publics.
En guise de mot de la fin, pourriez-vous partager une anecdote que vous a fait vivre votre métier de « gardien de scellés judiciaires » ?
A vrai dire, je crois que notre plus grande hantise sur ces véhicules-ci, c’est de découvrir un jour un cadavre dans le coffre… Mais rassurez-vous, ça n’est encore jamais arrivé ! En revanche, le fait que ce métier soit exercé sur des véhicules immatriculés, cela nous amène à nous retrouver avec des engins assez cocasses sur nos parcs. Nous avons eu, par exemple, un petit avion de tourisme qui avait dû se poser en urgence sur une route départementale, ou encore un jet ski et un bateau !