Et si Equip Auto faisait peur aux autres salons BtoB ?
Automechanika et Autopromotec viennent de se coordonner : le premier se déroulera comme prévu en septembre 2024 pendant que le second reviendra à ses années impaires en 2023. Mais Equip Auto a peut-être une excellente raison de vouloir garder son nouveau calendrier en années paires. Il lui permet de coexister avec le Mondial et, ce faisant, d’expérimenter le premier et pour l’heure le seul salon pouvant vraiment fédérer tous les acteurs de la mobilité, du constructeur jusqu’au plus humble des MRA…
Il fallait évidemment s’y attendre : trois ans de pandémie ont forcé les salons à se bousculer les uns les autres en 2022 ; certains d’entre eux en tirent dès à présent des conclusions organisationnelles. C’est le cas d’Automechanika et Autopromotec. Dans un récent communiqué commun – une première en soi (cf. encadré) – le salon allemand a confirmé ses prochaines dates (10 au 14 septembre 2024), pendant qu’Autopromotec s’est sagement repositionné sur ses années impaires historiques (21 au 24 mai 2025). Pas question toutefois pour le salon italien d’attendre à nouveau trois ans. Il annonce donc « un tout nouvel événement à Bologne axé sur la transition énergétique » qui aura lieu du 16 au 18 novembre 2023.
Admettons. Mais pourquoi choisir de faire leur annonce quelques jours avant l’ouverture d’Equip Auto ? Veulent-ils intimider les exposants du salon français qui semble vouloir conserver son nouveau calendrier des années paires ? Ou allumer un contrefeu ?
L’originalité filière du nouvel Equip Auto
Peut-être un peu des deux. Car Equip Auto vient de se différencier de ses deux concurrents en adoptant une nouvelle et très spécifique stratégie. Avec un atout de taille qui pourrait justifier à lui seul qu’il reste arcbouté sur son nouveau calendrier des années paires malgré cette danse de salons germano-italiens : sa nouvelle proximité géographique et temporelle avec le Mondial de l’Auto. Un atout que ne peut d’ailleurs plus s’offrir Automechanika depuis que l’IAA, le pendant allemand du Mondial, a quitté Francfort pour se délocaliser à Munich et ce, les années impaires.
En s’appuyant l’un sur l’autre, Equip Auto et le Mondial viennent effectivement de jeter les bases d’une inédite approche filière embrassant pour la premier fois constructeurs, équipementiers et acteurs de la rechange indépendante. Une approche certes balbutiante et encore incertaine. Mais elle n’en a pas moins de sens. Et Equip Auto a d’autant plus raison de vouloir l’approfondir que le Mondial a lui aussi intérêt à explorer cette option.
Le Mondial rime mal avec digital
Pourquoi ? Parce qu’une grave crise existentielle affaiblit le salon français grand public comme ses homologues BtoC partout dans le monde. Tous sont chroniquement malades du désintérêt général des constructeurs pour ces grands-messes.
Les purs industriels ont longtemps chéri ces belles vitrines physiques qui entretenaient le rêve et le mythe automobile. Mais leur mutation en « industrie tech » les font maintenant miser sur le potentiel de fidélisation – et sur la valeur intrinsèque – de ces torrents de data que génèrent de façon croissante leurs voitures de plus en plus communicantes. Les exposants constructeurs pensent donc logiquement que cette nouvelle ère du contact digital direct et permanent avec l’auto et l’automobiliste rend ces salons historiques subsidiaires.
L’ère de la mobilité
Les constructeurs constatent en outre que l’usage pragmatique des véhicules est en train de supplanter leur historique dimension passionnelle. Et si la voiture statutaire devient un banal outil de mobilité, son entretien et sa réparation, hier périphériques à la vente VN, deviennent centraux.
Les constructeurs, spécialistes de l’après-vente des véhicules de 0 à 5 ans, savent qu’ils ne vont guère nourrir leurs réseaux avec les entrées atelier des véhicules électriques. Conscients de la puissance de la rechange indépendante sur les 5 ans et plus, ils l’investissent eux-mêmes (Motrio en tant que Business Unit ou Stellantis Aftermarket), signent des partenariats (l’accord Stellantis/Feu Vert n’est qu’un premier symptôme) et laissent parallèlement leurs réseaux – légitimement inquiets pour leur avenir – s’hybrider avec des concepts de réparation multimarques.
Si l’avenir est à la mobilité collaborative, alors un rapprochement du Mondial et d’Equip Auto peut même logiquement et durablement s’imposer. D’autant que les nouveaux constructeurs, chinois en majorité, arrivent en Europe en se tournant d’office vers les prestations après-vente et la capillarité offertes par les enseignes multimarques. Il y a donc de fortes chances de voir de plus en plus de ces nouvelles gammes VE s’afficher sans grand complexe sur les stands d’une nouvelle race de réparateurs agréés multimarques…
Le joker des 50 ans
Voilà donc Equip Auto en train d’ouvrir une voie que nous avons plusieurs fois évoquée, voire souhaitée, dans nos colonnes. Elle reste à confirmer, mais certains jouent déjà le jeu. Motrio-Renault et Stellantis Aftermarket viennent tout entier sur Equip Auto alors qu’ils n’investissent pas complètement “leur” Mondial. D’autres constructeurs, comme BMW, seront à Equip Auto et absents du Mondial. Et voilà Mobilians, dont le nouveau nom incarne cette évolution vers la mobilité, qui plante un stand dans chaque salon et confirme ainsi croire à la complémentarité servicielle du BtoB et du BtoC…
Et puis quoi ? Si la greffe BtoB+BtoC ne prenait finalement pas, Equip Auto garde encore un joker de taille à jouer. Créé en 1975, il fêtera ses 50 ans en… 2025. Une bonne et indiscutable occasion de se rétablir, lui aussi, les années impaires….
À quoi jouent Automechanika et Autopromotec ?
Automechanika et Autopromotec ont bien sûr fait leurs comptes qui justifient à eux seuls de les voir coordonner ainsi leurs calendriers. L’Allemand est passé de 135 000 visiteurs en 2018 à 78 000 en 2022, après avoir tenté en 2021 une peu convaincante version “phygitale” (388 exposants pour 10 000 visites physiques et 25 000 interactions digitales revendiquées). De son côté, Autopromotec a vécu une hémorragie similaire : aux plus de 119 000 visiteurs de 2019, il a opposé à peine plus de 75 000 visiteurs en 2022. Mais plus que le visitorat, c’est bien sûr le recul constaté du nombre d’exposants qui les préoccupe au premier chef.
En creux de leur complémentarité calendaire, une autre question s’impose : s’agit-il là d’un simple gentlemen agreement destiné à éviter l’érosion concurrentielle du nombre d’exposants et de visiteurs ou cet accord préfigure-t-il un rapprochement plus structurel entre les deux salons affaiblis par trois années de disette ? Automechanika n’a d’ailleurs jamais caché ses appétits transalpins ; en 2008 et 2010, il avait tenté sans succès de décliner une version romaine de son salon…