[Atlas] Constructeurs : Le nouveau pacte entre frères ennemis

Caroline Ridet
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Pour les constructeurs aussi, l’époque est aux révolutions coperniciennes. Oubliés, les espoirs d’une ultime rupture technologique qui pourrait exclure les acteurs indépendants de l’après-vente. Finie, cette guerre de tranchées entre les deux camps qui a duré toute la fin du XXe siècle.

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Car avec ou sans enseigne multimarque, indépendants ou sous franchise, ces réparateurs petits ou grands resteront inlassablement formés et informés, via leurs têtes de réseaux et/ou via les distributeurs-stockistes, par ces équipementiers qui concentrent toutes les innovations technologiques majeures qui irriguent les productions auto. Les constructeurs le savent.

Ils abandonneront toujours plus de parts de marché après-vente du fait de l’électrification croissante de leurs VN. Et ce, au profit des indépendants qui savent traiter les technologies récentes tout en continuant à régner sur un parc thermique vieillissant.

La concession doit se réinventer…

Les états-majors l’ont calculé : ils n’ont plus les moyens d’entretenir leurs réseaux exclusifs tels qu’ils existent. Les marges s’effondrent, la digitalisation vide les showrooms, ces cathédrales démodées par la transition pragmatique du « ownership » (propriété) vers le « usership » (usage). De statutaire, l’auto se dégrade en banal outil de mobilité. Tout cela, les concessionnaires l’ont pressenti… Ils se diversifient, s’hybrident même de plus en plus souvent avec des enseignes multimarques. Les constructeurs s’apprêtent donc à franchir un pas historique : ils vont commencer à adouber les réparateurs indépendants pour, sinon les agréer, au moins les labelliser, en complémentarité de ce qu’il restera de leurs réseaux de concessionnaires et d’agents.

Les indices de ce changement de paradigme sont depuis longtemps semés. Ils affleurent dans des tentatives avortées de rachat de grands distributeurs indépendants de pièces ; ils s’avèrent dans la reprise de réseaux de plateformes ou de distributeurs indépendants ; ils se répandent dans de nombreuses rencontres discrètes entre constructeurs et grandes enseignes de franchise. Le récent accord Stellantis/Feu Vert n’est évidemment qu’une première réalisation. Les semaines, au pire les mois qui viennent, verront ces prémices généralisées par tous les constructeurs.

… et cela passe par le contrôle de la data

Lucides, les constructeurs annoncent même qu’ils pourront gagner, à court terme, peut-être plus d’argent avec les données émises et exigées par leurs véhicules que par leur vente. Ne soyons pas naïfs. S’ils ouvrent les vannes collaboratives, c’est en restant convaincu qu’ils renforceront ainsi le contrôle du marché et le contact avec « leurs » clients auto-mobilistes, particuliers comme flottes, par la maîtrise en amont des outils et données générés par la révolution digitale. « Si tu ne peux vaincre ton ennemi, embrasse-le », édicte un proverbe tibétain que les constructeurs ont donc fait leur. Constructeurs et indépendants vont certes se rapprocher pour embrasser ensemble un seul et même marché. Ils ne seront peut-être plus frontalement ennemis ; mais même à bas bruit, ils demeureront concurrents.

Jean-Marc Pierret

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