Les clefs d'une approche globale de la RSE en carrosserie
Plaidant pour l’adoption de la RSE au sens large en carrosserie, le fabricant de cabines de peinture Weinmann Technologies justifie cette démarche pour préserver l’attrait du métier et la pérennité des entreprises à long terme.
La responsabilité sociétale des entreprises, ou RSE : “Un devoir envers les jeunes générations, une urgence pour la profession”, tel était l’intitulé de la mini-conférence donnée par André Courtois, président de Weinmann Technologies, sur le Salon des professionnels de la Carrosserie et de l’après-vente, le 16 mars dernier. « Le problème de la RSE en carrosserie est que les seuls qui en parlent sont les mandants assureurs au travers d’un seul item parmi les treize qui composent la RSE : l’économie circulaire », déplore le dirigeant. Et ce, alors que les difficultés auxquels font face les carrossiers – complexité croissante des réparations, investissements lourds, pénurie de main d’œuvre – va bien au-delà de ce simple enjeu du réemploi.
Ecrire son projet d’entreprise
En effet, l’électrification a aujourd’hui un impact énorme sur la structure des véhicules et les peintures. « Or, la température d’emballement d’une batterie lithium-ion est d’environ 80°C, que l’on dépasse déjà lorsque l’on utilise le séchage infrarouge », rappelle André Courtois. Ajouté à la multiplication des outils d’aide à la conduite – les ADAS – et à la diversité accrue des métaux dans la caisse des modèles les plus récents, le carrossier doit investir entre 150 et 200 000 € pour mettre à niveau l’ensemble de son atelier. « Mais 70 % des ateliers de carrosserie sont encore très artisanaux et leur équipement, vintage. Ce qui ne donne pas forcément envie de devenir carrossier, à un moment où le besoin de renouvellement est plus fort que jamais », ajoute le patron de Weinmann Technologies.
D’où la nécessité de préserver la compétence artisanale du carrossier dans un environnement industriel. Parce que, comme le rappelle André Courtois, « une carrosserie industrielle n’est pas une usine mais une carrosserie qui fonctionne sous un certain nombre de process, comme en industrie ». Question de standardisation des méthodes, de confort et de sécurité au travail, d’attrait de l’entreprise, pour le client comme pour le futur collaborateur. Et question de sens, au bout du compte. « Intégrer la RSE nécessite d’écrire son projet d’entreprise, porteur de sens pour tous les collaborateurs présents et à venir », insiste André Courtois, qui rappelle que c’est le sens donné à l’action de Weinmann Technologies qui lui a permis d’atteindre les 37 % de jeunes employés dans sa société.
Une étude universitaire au plus près du terrain
Aussi le fabricant de cabines de peinture s’est-il inscrit, aux côtés de Mobilians, dans la réalisation d’une étude universitaire sur les représentations sociales des métiers de la carrosserie et l’attractivité des entreprises. Ceci afin de savoir de quelles représentations souffrent les métiers de la carrosserie et comment attirer de nouveaux talents. Menée par une docteure en sciences sociales spécialiste de la conduite du changement, employée par Weinmann Technologies, et en partenariat avec le Laboratoire de recherche spécialisé dans l’implication professionnelle de l’Université Toulouse Jean-Jaurès, elle devrait dévoiler ses résultats définitifs en 2024. « Mais les premiers résultats de l’étude sont accablants pour la profession », relève André Courtois.
En attendant, le dirigeant invite les carrossiers à se poser les bonnes questions concernant la situation économique dans laquelle ils se trouvent. Car il s’agit d’un facteur d’échec potentiel, surtout dans le cadre des agréments. En effet, entre 2013 et 2022, le coût des pièces détachées a augmenté de 44,76 %. Celui des produits de peinture s’est accru de 38,29 %. Celui des autres postes – notamment des consommables – qui ne pèsent que 3 % du coût total de la réparation, a progressé de 48,05 %. Alors que, dans le même temps, le taux horaire n’a augmenté que de 10,85 %. « Le tarif horaire moyen réellement pratiqué par les carrossiers n’a gagné que cinq euros en dix ans ! Si la main d’œuvre avait évolué sur le même rythme que les autres postes, le taux horaire devrait être de 73 € net… Hélas, la réparation dans les règles de l’art ne peut pas être une réparation bon marché », appuie André Courtois.
Reconstruire le cercle vertueux carrossier-expert-assureur
Le risque de maintenir un tel déséquilibre est de réduire les capacités des entreprises de réparation à suivre le rythme des évolutions technologiques et sociales auxquelles fait face l’automobile. Et de donner naissance à deux professions : celle de carrossier uniquement dédié à la remise en état de vieux modèles et celle de carrossier apte à prendre en charge les plus récentes. « Parmi les treize items de la RSE figure la rentabilité de l’entreprise. Or, on ne peut pas continuer de réparer plutôt que remplacer lorsque l’on vend sa main d’œuvre aussi peu chère », rappelle le président de Weinmann Technologies.
Les donneurs d’ordres, et notamment les assureurs, savent qu’ils jouent sur la corde sensible des pros lorsqu’ils leur suggèrent de réparer plutôt que remplacer, car c’est l’essence même du métier de carrossier. Celle qui donne du sens à l’activité de la majorité des artisans du secteur. Et ce, alors même que sur un marché où la pièce de robe reste majoritairement captive, la marge sur chaque pièce augmente à mesure que son tarif s’envole, au contraire du taux horaire moyen qui reste désespérément bas. Voilà pourquoi Weinmann Technologies plaide pour la construction d’un nouveau modèle de relations entre carrossiers, experts et assureurs, fondé sur autre chose que l’agrément. Ou, à tout le moins, à une révision totale du modèle d’agrément. « Parce que lorsque l’on sort d’un agrément, aujourd’hui, on devient plus riche », martèle André Courtois. Et davantage en mesure d’investir pour l’avenir. Quitter le court-termisme pour une vision à long terme, en somme.