Matières premières : l'Asie tousse et le monde s'enrhume encore et toujours
La pénurie en matières premières fait grimper les prix et les retards de livraison affectent les manufacturiers en amont. Le pneumatique est emporté par une surenchère depuis 2020 de catastrophes qui touchent la planète, dérèglent les transports et ralentissent les approvisionnements. En aval, les revendeurs pourraient être touchés.
En mai dernier, le Syndicat National des Caoutchoucs et des Polymères alertait déjà des difficultés de livraison grandissantes de matières premières nécessaires à la fabrication de pneumatiques, de tensions sur les prix et de surcoût. Il soulignait des retards d’appros et des difficultés logistiques. Cinq mois plus tard, la situation n’est pas résolue.
La dérive des prix des matières premières s’est accélérée (+ 25 % depuis janvier), aggravée par une superposition de facteurs négatifs. « Les coûts de transport ont été multipliés par trois depuis janvier. Les porte-containers ne sont pas au rendez-vous, les taux de rotation des bateaux sont très lents, certains ports chinois ont même reconfiné. Le Vietnam, gros producteur d’hévéa, a totalement refermé ses portes… », égrène Bruno Muret, le directeur Economie et Communication du SNCP.
De multiples facteurs…
L’élément déclenchant est bien la crise sanitaire depuis un an et demi, avec des industries n’ayant pu redémarrer aussi vite qu’elles ont fermé, ou seulement à 66 % de leur capacité. Certaines usines ne peuvent même pas répondre à la demande de pays en plein redémarrage économique. Et tout le monde se souvient du blocage du porte-container dans le Canal de Suez avant l’été.
« J’ajouterai que plusieurs phénomènes climatiques sont venus surinfecter la plaie : le cyclone aux États-Unis fin août, quelques mois après l’immense vague de froid enregistrée au Texas, ou encore les inondations torrentielles en Allemagne… Au cumul, tous ces évènements bloquent la reprise des raffineries, des plateformes off-shore, d’usines pétrochimiques, d’usines de pièces auto… » Pour Bruno Muret, parler de pénurie de pneumatiques dans les racks des centres autos est encore trop tôt, mais les inquiétudes sont réelles.
Des alternatives au fret maritime
Les manufacturiers ont cherché des alternatives (sourcing, nouveaux ingrédients pour les mélanges des enveloppes, transport par le train et la route…). Reste que certaines enveloppes – produits exotiques premier prix – manquent. Ce qui pourrait d’ailleurs être un point positif pour les usines de production européennes. Sans oublier le choc inflationniste. Certains sous-traitants doivent absorber des hausses qu’ils n’ont pas les moyens de répercuter vers leurs gros clients, tandis que les manufacturiers diluent chaque semaine les hausses dans un système qui va droit jusqu’au consommateur final. « Une situation que personne n’a vécu depuis plus de dix ans ! », déclare Bruno Muret.