Motorisations électriques : entre cinq et quinze ans pour s’adapter

Muriel Blancheton
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Electrification, dédiésélisation et vieillissement du parc : triptyque fatal pour l’emploi sur le marché de la réparation à terme ? Qui peut tirer son épingle du jeu entre les réseaux de marques et les indépendants ? En dégainant son étude prospective – trois scenario sur l’ancrage progressif des véhicules électrifiés dans le parc en 2036 –, dans son dernier Autofocus, l’Observatoire de l’Anfa souligne combien les indépendants (centres autos, MRA, agents) peuvent tirer profit de ces changements. Car le gagnant ne serait pas forcément le concessionnaire.

" Tout le monde sera affecté. Mais même dans un scenario où l’électrique prend le pas sur le thermique, le MRA n’a pas grand-chose à craindre sur les 15 années à venir, car 4 véhicules sur cinq seront encore thermiques d’ici là. Ce qui est moins le cas pour les ateliers des réseaux de marques, confrontés non seulement à la montée rapide et en volume d'un parc électrique, mais aussi au vieillissement d'un parc dieselisé qui va leur échapper. Ils pourront perdre entre – 6 et -19% du CA atelier sur la période ", pointe Jocelyn Gombault, responsable projet au sein de l’Observatoire de l’Anfa. Mais attention, cet appel d’air laissés aux indépendants doit être utilisé pour leur propre (re)conversion aux nouvelles motorisations et techniques de réparations. C'est plus court pour les distributeurs qui eux, ne disposent que de cinq ans pour "adapter leur après-vente à un parc multi-motorisé."

Car le fait est que les dépenses en entretien sur un véhicule électrique à batterie (VEB) chutent de 50% par rapport à un thermique ! On sait également que les motorisations Diesel vont poursuivre leur chute, frappées par le sceau du DieselGate amorcé en 2015. Or, ces véhicules rentables en SAV, facturés 10% plus chers qu’un Essence, vont un jour sortir du parc. Enfin, au niveau réglementaire, la situation s’est tendue avec des constructeurs partis dans une course à l’échalotte, poussés par des normes de plus en plus exigeantes (CAFE), les obligeant à ne pas dépasser 95 gr/CO2/ km sur leurs nouveaux modèles (59 gr/ CO2/ km en 2030), sous peine de sanctions à plusieurs milliards d’euros. Enfin, la loi LOM a officiellement signé l’arrêt de mort des thermiques pour 2040.

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En partant de ce climat général et pour amorcer ses trois hypothèses, l’Anfa a estimé le parc circulant en 2036 à 40 millions de VP et 7 millions de VUL pour 12 ans d’âge (Source : FFA et OTC).

  • Premier scenario : le parc électrique croit et s’impose jusqu’à 70% des immatriculations (30% du parc). Les prix baissent, l’autonomie de la batterie grandit, la dépendance vis-à-vis des fournisseurs en matières premières se réduit, les constructeurs parviennent à être bénéficiaires sans subventions dès 2024. Déclin du véhicule hybride car « au regard de son coût, il n’apparaît plus que comme une solution transitoire et disparait rapidement des immatriculations. » La baisse du Diesel n’est pas compensée par la hausse des VE, et le chiffre d’affaires en SAV diminue de 10%.1600 postes sont supprimés chaque année du fait des changements de motorisation.
  • Deuxième scenario : le marché est conforme aux exigences de CO2 avec 20% du parc circulant électrifié. Il implique des immatriculations de VE en croissance régulière qui deviennent majoritaires aux alentours de 2036. C’est un scénario assez conforme aux projections de la PFA (Plate-Forme Automobile). Ce scénario ne prévoit pas de « révolution » ou de rupture comme dans le premier scénario, mais plutôt des améliorations continues des technologies et des infrastructures.
  • Troisième scenario : le parc vieillit et le VE peine à séduire avec seulement 10% du parc. Son expansion et ses usages restent limités. Les technologies du VE progressent peu et ne rencontrent les attentes que d’un public minoritaire. Dans ce contexte, le législateur européen relâche sa pression sur les constructeurs (délais supplémentaires, exclusion des véhicules d’entreprises de la réglementation CO2 ). Parallèlement, dans ce scénario, le diesel freine sa chute grâce aux VUL (Véhicules Utilitaires Légers) et autres véhicules d’entreprise.

La crise sanitaire liée à l’épidémie de SARS-Cov-2 en 2020 aura des incidences, non prises en compte dans cette étude.

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En 2019, le nombre d’opérations après-vente a été évalué à 64 millions par TCG Conseil pour 47 Md€ de CA : entretien (53 % des opérations SAV), réparation (29 %) et pneumatique (17 %). En 2036, l’évaluation dépendra de la baisse du kilométrage moyen, la fiabilisation des véhicules, les nouvelles mobilités, les politiques en place, la démographie.... mais quel que soit le scenario, il n'y aura pas de révolution annoncée avec un volume total en diminution par l’effet du changement de motorisation, mais dans une proportion contenue entre - 2,8 % et - 4 %. "Certes, on peut avancer le besoin de 10% de main d'oeuvre supplémentaire nécessaire pour réparer des véhicules plus complexes, mais les pannes se feront plus rares également ! L’impact sera donc assez modéré. Le nombre total d’opérations après-vente passerait de 64 millions à 62 millions dans un scénario de faible développement du véhicule électrique, et à 61 millions d’opérations en cas de fort développement. Dans cette hypothèse, le CA serait de 42 Md€.

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  • En 2036, les véhicules diesel de moins de 5 ans, cœur de l’après-vente des réseaux constructeurs aujourd’hui, auront diminué.
  • Le parc diesel est désormais âgé et constitue l’activité principale des MRA, avec une facture par véhicule et par an de plus de 1000 €.
  • L’âge moyen des véhicules essence tourne autour de 11-13 ans pour une facture par véhicule autour de 850€.
  • Quant aux VEB, ils représentent une part croissante des véhicules de moins de 5 ans plutôt traité par les réseaux constructeurs mais faiblement valorisés à hauteur de 400€.
  • Les MRA qui traitent aujourd’hui le parc le plus âgé sont les principaux bénéficiaires de cette situation. Ils devraient voir leur part de marché croître de 33 % à 36 %.
  • Les réseaux de marque perdent structurellement deux à trois points de part de marché.

Impacts sur l'emploi en réparation

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L’emploi en commerce et réparation VP a baissé en moyenne de 1 200 postes par an entre 2005 et 2018. D’ici 2036, la baisse devrait être de 1 500 emplois par an.

Sachant qu’entre 5 800 et 7 600 personnes partent actuellement annuellement en fin de carrière. La baisse d’emploi liée aux changements de motorisation pourrait être diluée dans ces départs et donc ne générer aucun licenciement économique. Cette baisse d’emploi liée aux motorisations pourrait se concentrer dans les réseaux de marque, et en partie dans les centres-auto, compte tenu de l’âge moyen des véhicules traités par ces acteurs. Les MRA pourraient, eux, voir leur emploi croître.

"Les indépendants doivent donc se former dès à présent aux réparations des diesel récents (vannes EGR, turbos, FAP et injecteurs). L’enjeu des centres-autos et de la réparation rapide est de rogner des parts de marché aux MRA en élargissant leurs prestations à des véhicules plus anciens, via une offre tarifaire adaptée. Le marché du pneu reste le seul croissant, même s’il ne représente que 20 % du nombre d’opérations totales en 2036. "

Muriel Blancheton

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