Procès Nobilas : Apres-vente-auto.com, condamné en 1ère instance, fait appel

Jean-Marc Pierret
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Le 23 décembre, le tribunal de Commerce de Nanterre nous a condamnés, à la demande de Nobilas, à 70 000 € de dommages et intérêt pour un «dénigrement commercial» s’apparentant à une «concurrence déloyale» (!?). Nous avons évidemment fait appel…
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Le matin du 24 décembre, un Père Noël malicieusement grimé en huissier venait nous signifier le jugement du tribunal de Commerce de Nanterre rendu la veille. Dans le cadre de cette seconde action lancée contre nous par Nobilas (la première date de décembre 2013 et n'a pas encore abouti, voir Procès : Nobilas nous réclame... 152 500 euros !), nous avons donc été condamnés en 1ère instance pour un «dénigrement commercial» coloré de «concurrence déloyale» (!?). Nous ne nous savions pas encore concurrent de Nobilas. Ni même carrossier, si ce n'est par une solidaire proximité avec ces fidèles lecteurs...Ce stupéfiant argument fondant cette condamnation nous a également étonnés pour une seconde raison : alors que le tribunal reconnaît en substance que Nobilas n'a pu justifier du montant initialement réclamé de 150 000 € pour aucun de ses trois griefs principaux −«atteinte à son image», «désorganisation de son réseau» et «préjudice moral»−, le même tribunal «usant de son pouvoir d’appréciation», a quand même réussi à estimer le préjudice subi par Nobilas… à 60 000 €, auxquels s’ajoutent 10 000 € au titre de l’article 700. Nous ferions mieux de travailler dans la presse “people” : les condamnations y sont notoirement moins lourdes, les enquêtes moins exigeantes et les chiffres d'affaires, bien supérieurs au nôtre. Mais on ne se refait pas : nous préférons l'auto au Loto...Pour le reste, Nobilas n’a toutefois pas obtenu gain de cause. La plateforme de gestion de sinistres a été :
  • déboutée de sa demande de condamnation pour «refus abusif d’insertion publicitaire», refus heureusement considéré comme légitime (25 000 € initialement demandés par Nobilas) ;
  • déboutée de sa demande de publication –à nos frais bien sûr– du jugement dans trois publications de son choix (à concurrence de 20 000 € et d’une astreinte de 1 500 €/jour après 8 jours d'attente) ;
  • déboutée aussi de sa demande d’un jugement exécutoire : nous n’avons donc pas à verser immédiatement les 70 000 € que le tribunal de commerce a cru bon d’allouer à Nobilas. Et ce, au moins tant que le jugement en appel n’aura pas été rendu…
Voilà pour le résultat de cette première instance. Bien sûr, nous avons interjeté appel de cette décision, en comptant maintenant sur la cour d’Appel de Versailles pour remettre cette première décision en perspective des réalités constatées par nos enquêtes incriminées.
Pourquoi nous faisons appel contre Nobilas
Nous faisons appel sur un point de principe qui dépasse malgré nous le modeste destin de notre seul organe de presse. Car au-delà des étonnants motifs retenus contre nous, si ce jugement du tribunal de Commerce devait demeurer en l’état, il poserait alors une grave question de fond à toute la presse. Peut-on ainsi, aussi facilement et aussi lourdement, condamner un journal au motif d'une extravagante «concurrence déloyale» extrapolée d’un très singulier «dénigrement commercial» ? Au seul titre que parole est donnée à ses lecteurs et qu’enquêtes circonstanciées sont conduites sur les pratiques d’une société ?Cela signifierait que la presse dans son ensemble n’aurait plus donc qu’une incolore alternative : dire prudemment du bien de tout et de tous ; ou se contenter de relayer sagement les communiqués officiels des entreprises, en se gardant de toute mise en perspective ou de toute contre-enquête. A l'heure où un récent sondage du Monde a montré que 71% des Français ne font déjà plus confiance aux journalistes, voilà qui n'inverserait guère leur défiance...Nous faisons appel au nom de nos lecteurs-réparateurs. En particulier au nom de ceux qui, sur notre site, se sont exprimés librement sur Nobilas dans des témoignages qui ont nourri l'argumentation des avocats de cette plateforme. Nous ne le regrettons pas. Car il ne s’agit pas là d'internautes compulsifs déversant aigreurs et haines au prétexte de n’importe quelle actualité : ce sont des professionnels, souvent carrossiers ou experts ; ce sont des chefs d’entreprises, responsables et pragmatiques. Il est vrai avec leurs mots parfois anguleux, ils nous confiaient ainsi ne plus savoir comment choisir entre la corde ou le poison : accepter des volumes Nobilas mais à des tarifs très bas pour des rétro-commissions et des obligations d'achats élevés ou tout refuser, au risque alors de voir leurs ateliers désertés et leurs entreprises asséchées.Nous faisons appel parce que force est de constater que le tribunal de Commerce s'est contenté de la surface des choses. Il n’avait certes pas vocation à explorer les dessous du marché de la réparation-collision. Ni n'avait apparemment l’envie de chercher à comprendre en quoi Nobilas est emblématique des excès de certaines plateformes de gestion de sinistres et de la prise de contrôle des flux de réparation par les assureurs qui utilisent massivement ces “concentrateurs de business”.Nous faisons appel parce que le tribunal s'est trompé sur un point au moins. Il a affirmé dès la première page du jugement que nous aurions refusé, malgré la demande de Nobilas qu'elle nous signifiait fin octobre 2013 par mise en demeure, de retirer les commentaires  et de publier son droit de réponse. Les commentaires incriminés avaient pourtant bien été retirés dans les délais et le droit de réponse, dûment publié avec l'intégralité de cette mise en demeure comme le précise depuis plus d'un an le début de notre article (Procès ? – La société Nobilas nous menace… et elle a tort !).
Nos enquêtes sont fondées et sourcées...
Ce sera donc devant la cour d’Appel de Versailles que nous nous appliquerons à “recontextualiser” notre contenu et nos enquêtes.Nous expliquerons entre autre à la cour d’Appel que Nobilas s’est bien gardée, devant le tribunal de Commerce comme devant le tribunal Correctionnel où elle nous a déjà parallèlement cités fin 2013, d’incriminer deux de nos articles qu'elle a compris solidement étayés par des documents en notre possession. A eux seuls, ils suffisent à rendre le fond et la forme de tous nos articles solides et justifiés et les commentaires de nos lecteurs, fondés.
  • Le premier article date du 13 décembre 2013 (voir Nobilas et les carrossiers (suite) : les fondements de la fronde…). Nous y évoquions preuves à l’appui quelques-uns des points de friction qui avaient inspiré le site «ninobilas-nisoumise.fr» lancé courant 2013 par des carrossiers excédés. Nobilas a d’ailleurs poursuivi en diffamation les promoteurs de ce site, mais ils ont tous été relaxés en mai dernier par le Tribunal Correctionnel de Paris en dépit de leurs vigoureux commentaires (voir Procès Nobilas contre «ninobilas-nisoumise.fr» : relaxe des carrossiers !). Nobilas a bien sûr décidé de poursuivre ces carrossiers frondeurs en appel, sur le seul volet possible… du préjudice subi.
  • Le second article date du 3 février 2014. Curieusement, la plateforme de gestion de sinistres l’a tout aussi fortuitement “oublié” dans ses arguments. Il faut dire que cette enquête de plusieurs mois venait factuellement illustrer et justifier l’ensemble de nos articles et la plupart des commentaires de nos lecteurs carrossiers. Elle mettait à jour le système contractuel de Nobilas, là encore pièce par pièce et chiffres précis à l’appui : des contrats pleins de promesses certes, mais en fait arithmétiquement impossibles à tenir au moins en 2013, mauvaises notations systématiques des adhérents pour cause de volumes insuffisants à leur fournir obligent (voir EXCLUSIF – En 2013, Nobilas notait mal… 95,6% de son réseau !).
Nous expliquerons aussi à la cour d'Appel que décidément, beaucoup d'acteurs –et non des moindres– partageaient et partagent encore visiblement et notoirement, avec nos lecteurs et nous-mêmes, des réserves certaines envers Nobilas.En attendant, nous ne sommes évidemment pas dupes. Entre le tribunal Correctionnel reporté en janvier 2016 et l'appel de ce jugement qui pourrait prendre 15 à 20 mois, notre adversaire va pouvoir longuement exploiter notre défaite d'étape. Et ce sera somme toute de bonne guerre, même s'il ne s'agit là que d'une seule première bataille.En concentrant ses feux sur nous, Nobilas aura au moins réussi à rendre un hommage indirect à notre taux de lecture et à notre notoriété : nous ne l’en remercierions pas pour autant. Plus probablement espère-t-elle ainsi nous voir crouler sous la menace pécuniaire, faisant ainsi un opportun “exemple” destiné à discipliner carrossiers et journalistes. Pour ces raisons et toutes celles précédemment évoquées, nous irons jusqu’au bout de la voie judiciaire que Nobilas a cru bon d'ouvrir contre nous.Et comme d’habitude, nous continuerons à vous tenir au courant…

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