Futur de l’après-vente selon VW: plus digital qu’électrique…
Au détour d'un communiqué de presse du groupe Volkswagen sur son offensive mondiale en après-vente, plusieurs informations permettent d’entr’apercevoir le futur des ateliers constructeurs. Et comprendre comment ils se positionnent en fonction des évolutions et révolutions en cours.
L'électricité rimera moins avec atelier...
En matière d'électrification d'abord. Le groupe Volkswagen, qui mène l'une des offensives les plus ambitieuses du marché en la matière -quelque 70 modèles 100% électriques seront lancés d'ici 2028- est particulièrement concerné. Mais à bien lire son communiqué, il ne se fait guère d'illusion sur l'impact que ce changement de motorisation va avoir sur l'entretien-réparation.
Oui dit-il pourtant, le véhicule électrique viendra moins souvent à l'atelier. Il confirme en outre que «les véhicules électriques ont l’avantage d’offrir des coûts d’entretien et d’usure inférieurs». Et ce, dans une proportion apparemment alarmante pour les professionnels de l'entretien-réparation : «en fonction de l’utilisation du véhicule, la différence peut atteindre 20 à 30%» par rapport à des véhicules conventionnels, calcule le groupe.
... mais l'hybride reste consommateur d'entretien...
Mais le pire semble loin d'être certain. D'abord parce que le tsunami électrique est impossible : le renouvellement du parc roulant est tellement lent qu'il n'y aura ni rupture, ni révolution brutale. Et ce, même si le groupe annonce que «la part de l’électrique dans le parc de véhicules total atteindra probablement 10% à 15% d’ici à 2030».
Car dans ces 10 à 15% d'électrification annoncés, on trouve aussi -et très majoritairement- tous les véhicules hybrides de toutes technologies. Et leur entretien, qui demeure thermique, ne baissera pas. Et encore moins celui des «véhicules conventionnels au potentiel d’entretien plus élevé [qui] continueront donc à représenter une part significative du parc de véhicules dans les années à venir», souligne le communiqué du constructeur.
...et le tout électrique ne peut pas tout
En outre, on part encore de loin. En 2018, seulement 1,9 million de voitures 100% électriques roulaient dans le monde, pour un parc planétaire total d'1 milliard de véhicules. Et à en croire les diverses prévisions, le parc mondial des voitures électrifiées (là encore hybrides incluses) est plutôt vu entre 14% à 25% en 2030 et entre 33% à 57% en 2050.
Certes, VW prédit 3 millions de véhicules 100% électriques sortis de ses chaînes d'ici 2025. Mais ce chiffre spectaculaire reste à mettre en perspective du parc actuel du groupe VW et de ses 12 marques. Il rassemblait 100 millions de véhicules en 2018. Un parc domestique que le groupe voit d'ailleurs atteindre 150 millions de véhicules roulants en 2030, accroissant d'autant la part de ses véhicules hybrides et conventionnels !
Même si on ne sait déjà pas vraiment ce qui se passera entre 2025 et 2030, VW, tout champion de l'électrique qu'il se veuille, ne semble s'attendre en fait, avec 3 à 6 millions de tout électrique dans sa production sur un parc de 100 à 150 millions de véhicules, qu'à 3 à 6% de voitures 100% électriques dans son parc 2030...
Le vrai danger est digital
Les réparateurs auront donc compris que la baisse électrique de l'après-vente ne touchera pas 20 à 30% des entrées-atelier. Ni même 10 à 15%. Au pire du pire -et si, seulement si, la voiture à batteries électriques demeure la seule solution du zéro émission-, l'électrification les privera certes de 20 à 30% d'activité après-vente... mais sur 3 à 6% du parc seulement. Pas vraiment de quoi urgemment reconvertir l'atelier en restô bio, vegan et gluten-free...
En revanche, ce qui apparaît bien plus inquiétant, c'est la vision du groupe allemand sur l'impact de la digitalisation de l'après-vente, vision probablement partagée par tous les constructeurs en mal de fidélité atelier. C'est en fait du véhicule connecté que le constructeur attend le meilleur.
Imelda Labbé, patronne de l'après-vente mondiale du Groupe VW.D'abord dans l'opportunité de re-captation qu'il pense pouvoir saisir dans cette évolution digitale. Imelda Labbé, directrice du département après-vente du Groupe, explique que, «nous interagirons de manière beaucoup plus individuelle avec nos clients que nous ne le faisons actuellement et cela devrait largement renforcer leur fidélité. L’entretien des véhicules deviendra une expérience globale : plus pratique, plus efficace et plus transparente que jamais.» Ce qui, tout le monde en convient, n'est pas encore le fort des réseaux constructeurs.
Des clients suivis de très près
Le communiqué poursuit en soulignant que la digitalisation des process après-vente permettra «d’informer le client de manière proactive sur les événements de service à venir via son smartphone ou le système d’info-divertissement du véhicule. Il sera également possible de proposer des dates précises de rendez-vous dans l’atelier préféré du client».
Bref : un client tellement comblé d'attentions et d'offres parfaitement calibrées qu'il n'aura guère envie d'aller ailleurs... La guerre de l'après-vente qui s'annonce se jouera donc dans la capacité des divers acteurs à mettre la très complexe digitalisation au service inédit de la plus simple et constante relation client possible. Et si les constructeurs y arrivaient ainsi, ils pourraient trouver là moyen de reconquérir bien des clients perdus ou en tout cas de ne plus les laisser s'éloigner au fil des années...
Des gains de productivité après-vente
D'autant que l'on découvre, au détour de ce constat inattendu, qu'ils pensent avoir trouvé dans la digitalisation d'importants gisements de productivité après-vente. Actuellement, souligne le groupe VW, la gestion administrative d'un ordre de réparation moyen «donne lieu à environ 80 minutes de travail administratif sur près de 15 systèmes différents». Mais il annonce qu'avec le digital, ce poids administratif devrait bénéficier «d'une réduction drastique de plus de 80%» pour être ramené à un temps moyen de 15 minutes !
Ces gains de productivité peuvent avoir plusieurs destins, aux impacts concurrentiels très différents sur les concurrents indépendants. Bien sûr, ces 80% d'économies administratives peuvent venir intégralement renforcer la rentabilité des ateliers RA1 et RA2 qui en ont bien besoin, leur donnant les moyens d'être moins chers quand il le faut -par exemple pour les véhicules âgés- et donc plus concurrentiels. Si bien sûr, à l'opposé, les constructeurs ne sont pas tentés de confisquer tout ou grande partie de ces gains au seul profit de leur propre rentabilité...
Mais une chose est sûre : cette simplification, doublée de l'intimité digitale accrue dans la relation entre atelier constructeur et automobilistes, va constituer une belle opportunité de reconquête dont les acteurs indépendants feraient bien de se méfier...