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Groupe Laurent: la triste fin d’un empire régional

Jean-Marc Pierret
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Après un dépeçage en règle courant 2019, les restes du Groupe Laurent ont été mis en liquidation en fin d'année. La triste fin d'un distributeur qui, après avoir longtemps régné en maître sur le sud-est de la France en inspirant le respect de tout un secteur, n'a probablement pas su voir les temps changer...
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Les anciens du marché de la pièce doivent encore s'en souvenir : le Groupe Laurent a été le plus important distributeur indépendant français. A lui seul, il incarnait l'élite parmi tous les acteurs de pièces qui avaient su tirer le meilleur profit des 30 glorieuses. A la fin du siècle dernier, quand notre magazine Après-Vente Auto s'appelait encore Le Distributeur Automobile, les reportages sur les initiatives et les réussites du Groupe Laurent s'écrivaient avec tout le respect dû à son rang de seigneur de la pièce. Les témoignages reçus en commentaires ci-dessous montrent à quel point l'identité et l'humanité de ce groupe étaient connues et reconnues.

Un géant régional

À la fin des années 90, il affichait fièrement quelque 800 millions de francs de chiffre d'affaires. En 2013, il demeurait fort de 147 millions d'euros. À lui seul, il a donc approché le milliard de francs que beaucoup lui prédisaient avant l'avènement de l'Euro, ce qui restera une performance rarement atteinte par un distributeur indépendant régional.

Fondée en 1937 par le grand-père de la dynastie Laurent, fortement implantée sur sa région stéphanoise d'où elle irradiait tout le sud-est de la France, l'entreprise a atteint une centaine de sites au temps de sa splendeur dont les 7 dédiés à Fica, l'activité industrielle du groupe. Un autre souvenir du temps où un distributeur qui se respectait se devait de proposer des pièces automobiles ET des pièces industrielles. Une époque qui s'achevait en 2014 pour Laurent Père & Fils, quand il perdait 1, 5 million d'euros et vendait son activité industrie au Britannique Brammer.

Une époque aussi où l'émergence des concentrations dans l'après-vente automobile lui donnait encore une belle chance de se vendre à bon prix. Mais Laurent voulait visiblement rester Laurent...

Des cimes aux abîmes

Fin 2017 malgré déjà de fortes turbulences (le résultat d'exploitation de l'entreprise affichait alors -4,5 millions d'euros), tout semblait pourtant encore possible. Vincent Laurent, petit-fils du fondateur, présentait alors une stratégie de relance du groupe stéphanois où se mêlaient BtoC, BtoB, digital et “phygital” sur fond de 46 de ses magasins défilialisés doublés d'une nouvelle sorte d'entrepreneurs itinérants. Mais la sauce n'a pas pris. Même si le groupe pesait encore 118 millions d'euros fin 2018, son résultat d'exploitation sombrait alors à -6 millions et la perte atteignait -5 millions.

2019 a donc vu l'empire régional se déliter. Le 17 septembre dernier, Exadis, la plus grosse pièce de l'ensemble avec ses 73 millions de CA, a été cédée à une co-entreprise détenue par Mobivia et Renault. Précédemment, sa filiale de peinture Colaur (2,7 millions d'euros de CA) avait été vendue le 31 octobre au distributeur Rhône Peinture Automobile (01-Neyron). Puis les 20 millions d'euros de sa filiale Poids Lourd CAP VI passaient fin novembre sous le giron du Britannique Bremsen Technik.

Reste encore à trouver de possibles repreneurs pour les 5,3 millions d'euros de Lube & Fluid (vente de lubrifiants), les 3 millions de First Equipements (outillages et gros équipements de garage) et la filiale EGS Formation.

Les trois ultimes offres de reprise ont été jugées insuffisantes par le tribunal. Le reste du groupe incarné par la société Laurent Père & Fils (40 millions d'euros encore réalisés par 27 comptoirs et par l'activité de rénovation diesel) est donc passé à la trappe en fin d'année, apparemment victime du retrait d'un ultime soutien bancaire. Les pertes cumulées année après année, dont les -5 millions de la seule année 2018, ont été fatales. Les 130 derniers salariés sur les 700 qu'a compté le groupe sont licenciés.

 

Une désastreuse fin de règne

Pourquoi et comment un tel fleuron a-t-il pu en arriver à vivre un si douloureux dépeçage, puis une si triste liquidation ? On peut bien sûr évoquer un signe des temps nouveaux où les concentrations complexifient la distribution des pièces et leur corollaire, la concurrence croissante des puissants groupements, de leurs filiales et de leurs adhérents. On peut d'ailleurs regretter à ce titre que le Groupe Laurent n'ait pas su saisir sa chance quand certains grands concentrateurs du secteur lui faisaient encore la cour.

Mais on peut aussi croire à rebours ceux qui voyaient depuis longtemps le Groupe Laurent illustrer le vieil adage qui, en des termes moins galants, évoque le destin de tant d'entreprises nées de grands-pères visionnaires, développées par des fils besogneux et transmises à des petits-fils trop aventureux...

Jean-Marc Pierret
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