Difficultés du GNFA : comment l’avenir de l’organisme va se réécrire
La formation professionnelle n'est pas égale devant la crise sanitaire. La formation initiale jouit d'un mode de financement qui lui permet de jeter un pont au-dessus des frimas économiques : le système de rémunération des lycées pros et des CFA est soit pris en charge par l'éducation nationale, soit par l'Opco, assurant une continuité des financements. Il en va tout autrement de la formation continue : elle se rétribue aux missions déclenchées par les entreprises. Comme une entreprise privée.
Le choc du confinement
Le GNFA est donc entré brutalement dans la crise. Essentiellement présentielles, ses formations continues se sont évidemment et massivement interrompues dès le confinement, ne pouvant espérer reprendre qu'après. Ce qui n'a pas été le cas, souligne Virginie de Pierrepont, présidente du GNFA. En tout cas, pas dans des proportions suffisantes, loin de là. « On ne peut reprocher aux professionnels de s'être concentrés prioritairement sur la relance de leur activité, d'autant plus que les clients automobilistes sont revenus », constate-t-elle.
Le Covid a eu un autre impact aggravant en sortie de confinement : « Les conditions sanitaires d'exécution des formations ont dégradé la rentabilité, explique la présidente. A 4 m2 par stagiaire, il fallait deux salles au lieu d'une ; deux formateurs au lieu d'un ; et souvent de toute façon, pour un nombre trop restreint de professionnels formés »...
La trop lente reprise des formations
Le GNFA a certes rouvert ses salles dès le 1er juin. Il a logiquement revisiter son catalogue et concentré ses forces sur les formations réglementaires (clim, habilitation électrique...) auxquelles les professionnels sont astreints, crise ou pas. Mais il n'a pu que limiter les dégâts. Les gros demandeurs en formations continues que sont les réseaux constructeurs n'ont commencé à se réveiller vraiment que mi-septembre, pendant que les acteurs multimarque, des gros centres auto jusqu'aux plus petits des MRA, tardent encore à reprendre le chemin de l'école professionnelle.
Si l'activité commence à reprendre doucement et dans des conditions sanitaires qui lui permettent aussi de mieux remplir ses salles, c'est donc après 6 mois d'effondrement d'activité. « Nous constatons aujourd'hui une chute de 28 % de notre chiffre d'affaires », calcule la présidente. Un gouffre s'est ainsi creusé sous les pieds du GNFA, dont les 416 salariés comprennent 206 formateurs, sans oublier les formateurs externes qui viennent habituellement renforcer le dispositif. Une réalité qui exige de sortir 2 M€ par mois juste pour les salaires., rappelle-t-elle. « Quand votre chiffre d'affaires se fait avec 50 % de masse salariale, la trésorerie fond rapidement »...
Bien sûr, le GNFA a activé tous les contre-feux à sa disposition : chômage partiel, arrêt des recours aux formateurs externes, suspension de loyers, etc. Jusqu'à un récent PGE de 6 millions d'euros. Il est bien loin du seuil maxi des 25 % du CA 2019 qui atteignait 56 millions d'euros. Mais « nous n'en voulions pas plus, précise la présidente, car il faut aussi pouvoir rembourser »...
La tardive révolution digitale
Il faut donc réécrire toute la feuille de route du GNFA. A commencer par une délicate digitalisation de ses services aux multiples conséquences. « Dès le début du confinement, nous avons compris qu'en matière de formation présentielle et distancielle, il y aurait un avant et et un après. Mais dans le cadre de nos formations techniques où le geste est important, nos formations étaient encore peu ou pas digitalisées. Nous savions qu'il faudrait évoluer, mais nous n'étions pas confrontés à l'urgence d'aujourd'hui ».
Sitôt cette mutation intégrée, le GNFA a mis au travail ses concepteurs de modules de formation, d'autant que de gros demandeurs ont vite exigé des approches “full-digital”. Le retard se rattrape déjà, parfois même de façon spectaculaire. « Avant, l'habilitation électrique demandait 2 jours de présence physique ; notre nouveau module n'exige plus qu'une demi-journée en présentiel, essentiellement pour vérifier l'acquisition de la formation virtuelle ». Même dans le cadre de formations carrosserie, « nous avons parfois réussi à diviser le présentiel par deux », se félicite V. de Pierrepont.
Plus que le e-learning, le GNFA mise avant tout sur les classes virtuelles où les ateliers pratiques et les échanges, même à distance, ont du sens pour accompagner des formations complexes.
Mais il y a deux limites à cette refondation digitale des programmes de formation.
Adapter les structures... et les professionnels
La première concerne évidemment la partie présentielle. Il n'y aura hélas pas de solution magique. « Nous allons nous reconcentrer sur nos 13 plus gros centres de formation, ceux qui appartiennent à la branche ; nous ne pourrons plus promettre d'être à moins d'une heure et demi de chaque entreprise », explique la présidente. Le GNFA va toutefois déployer des salles dédiées dans les centres qui demeureront pour compenser au mieux l’inconvénient.
L'autre limite tient à la nature et l'équipement des entreprises formées. Les concessionnaires, voire les agents, peuvent imaginer trouver des emplacements où les stagiaires connectés peuvent s'isoler pour suivre leur formation à distance. Les distributeurs-stockistes peuvent aussi mettre des salles localement à disposition pour former les artisans-réparateurs en proximité. Mais ce n'est pas aussi simple pour les réseaux de franchisés, dont les locaux sont hyper-spécialisés, généralement “optimisés”, donc peu prolixes en zones propices à une formation.
Sans oublier qu'on ne peut pas se former sur un appareil de diagnostic s'il n'y en a qu'un et qu'il est mobilisé par l'atelier ; qu'il faut pouvoir se connecter à un ordinateur qui ne peut non plus être celui de l'atelier ou de la facturation. « Nous imaginons des solutions et nous constatons que l'approche digitale fait son chemin dans les esprits des chefs d'entreprise. Mais il va aussi falloir compter sur leur prise de conscience, alerte la présidente. Une formation à distance offre d'évidents avantages, à condition de s'équiper un minimum en ordinateur, en casque, en caméra, en équipement de garage... ».
Maîtriser la réduction structurelle du chiffre d'affaires
Autre conséquence de cette digitalisation à marche forcée : elle renforce la nécessité d'une douloureuse réorganisation du GNFA. « Nous ne pourrons plus facturer le même prix qu'avant, puisque nous allons ainsi réduire nos coûts de déploiement des formations. C'est un avantage pour les professionnels et pour leurs budgets de formation, mais nous devons d'ores et déjà en tirer les conclusions en ce qui concerne notre propre activité ».
Les conséquences ne seront effectivement pas anodines. A périmètre égale, le GNFA s'attend à un volume d'activité de 41 à 45 millions d'euros par an. Et ce, sur plusieurs années. Soit un recul annuel de 11 à 15 M€ de chiffre d'affaires par rapport à 2019. Une lourde différence qu'il faudra bien financer...
Il n'y a donc pas d'alternative, regrette Virginie de Pierrepont à ce qu'elle qualifie de « coup de massue ». « Nous devons prendre des décisions douloureuses si nous voulons pérenniser le GNFA et continuer à offrir des solutions de formation essentielles à l'avenir des entreprises du commerce et de la réparation ».
Quels seront les impacts de cette crise existentielle en emplois et en organisation ? « Il est trop tôt pour le dire car le temps de l'information et des négociations est très long. Nous ne pourrons avoir défini et enclenché nos actions que début janvier », prédit-elle, bien consciente que ce délai fait d'incertitudes et d'inquiétudes sera pesant pour les équipes d'une entreprise qui n'a jamais vécu une telle crise depuis sa création en 1973...